L’Etat d’Israël a inventé la notion de processus de paix. On peut
faire remonter cette invention à la conférence de Madrid de 1991 et aux
diverses négociations qui ont suivi, depuis les Accords d’Oslo de 1993
jusqu’aux négociations qui ont commencé à Washington il y a quelques
jours et qui doivent se poursuivre, la paix étant prévue dans neuf mois.
Pour ouvrir ces négociations, le gouvernement israélien vient d’annoncer
la construction d’environ un millier delogements à Jérusalem-Est et
dans quelques implantations en Cisjordanie. Rien de nouveau, seulement
une façon de rappeler que l’ouverture de négociations avec l’Autorité
Palestinienne ne doit pas empêcher l’extension des implantations
israéliennes en Cisjordanie.
Il y a ici une double volonté israélienne. D’une part assurer l’annexion
du maximum de terre palestinienne, d’autre part, pour rassurer ses
alliés, jouer à la négociation avec les Palestiniens, sachant que cette
négociation ne mènera à rien, sinon à montrer à la face du monde que les
Palestiniens ne veulent pas la paix.
Il est vrai que pour montrer sa bonne volonté, le gouvernement israélien
a décidé de libérer, par morceaux, une centaine de prisonniers
palestiniens (sur plus de quatre mille actuellement détenus). Ainsi
vingt-six prisonniers vont être libérés pour l’ouverture du processus,
les autres étant libérés en fonction des progrès des négociations, ces
progrès étant définis par le gouvernement israélien. Autant dire que les
progrès des négociations se définiront en fonction des concessions que
la partie palestinienne acceptera de faire. Et on sait, comme cela s’est
déjà produit, que si le processus s’arrête, c’est parce que les
Palestiniens auront refusé les dernières concessions, prouvant ainsi
qu’ils ne veulent pas la paix.
Le jeu est bien rôdé et les gouvernements israéliens successifs savent
qu’ils peuvent compter sur les Etats-Unis pour faire comprendre aux
Palestiniens, d’une part d’accepter les règles du jeu définies par les
Israéliens, d’autre part de faire les concessions nécessaires pour
permettre au processus de démarrer une nouvelle fois.
Au début de son mandat, le Président des Etats-Unis Obama avait demandé
au gouvernement israélien le gel de la colonisation comme signe de bonne
volonté ; le résultat a été un refus israélien. De quoi se mêlait ce
monsieur qui semblait n’avoir rien compris à la volonté sioniste
d’annexer le maximum de terre palestinienne et d’en expulser toute
présence non juive. Devant ce refus, Obama, qui s’était promis de régler
le problème, n’a su que reprendre la politique classique menée par les
Etats-Unis depuis qu’ils ont fait d’Israël un allié privilégié :
accepter le diktat israélien et faire pression sur l’Autorité
Palestinienne pour qu’elle accepte le jeu israélien.
Quant au Président de l’Autorité Palestinienne, il avait, dans un
sursaut de résistance,proclamé son refus de reprendre les négociations
tant que l’extension des implantations ne serait pas gelée. Mais tout
cela faisait désordre. Puisque le gouvernement israélien refusait de
geler l’extension des implantations, il ne restait plus qu’à convaincre
l’Autorité Palestinienne de reprendre les négociations, ce qu’a fait le
Secrétaire d’Etat Kerry.Pour ajouter de la crédibilité à ces
négociations, Kerry a même annoncéque tout cela serait bouclé dans neuf
mois, annonce qui s’inscrit dans une suite devenue classique depuis les
Accords d’Oslo de 1993 jusqu’à la mise en place du Quartette (ONU,
Etats-Unis, Russie, Union Européenne) qui devait conduire à un Etat de
Palestine en 2005 et la conférence d’Annapolis de 2007 qui prévoyait
l’existence de cet Etat au plus tard en 2010. Quant à savoir ce qui se
passera dans neuf mois, c’est secondaire, ce qui importe c’est que le
processus continue.
En résumé une nouvelle mascarade qui laisse les mains libres au
gouvernement israélien, lui permettant d’augmenter sa pression sur la
Palestine, augmentant le nombre d’implantations auxquelles s’ajoutent
les autoroutes réservées aux seuls Israéliens. La Palestine se réduit
ainsi à quelques ilots séparés rendant la création d’un Etat de plus en
plus difficile sinon impossible. Mais c’est bien cela l’objectif
israélien. Ce semblant de négociations que représente la politique du
processus ne peut que favoriser Israël aux dépens des Palestiniens.
Rudolf Bkouche,
membre de l’Union Juive Française pour la Paix
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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