Des violences simultanées impliquant des salafistes ont éclaté dans
la nuit de lundi à mardi dans plusieurs endroits de Tunis, relançant les
interrogations sur le caractère organisé de ces troubles et l’identité
des assaillants, mêlant extrémistes islamistes et casseurs.
Les violences - attaques contre des bâtiments administratifs et
affrontements avec les forces de l’ordre - se sont produites en fin de
soirée dans plusieurs cités populaires de l’ouest de Tunis, Intilaka,
Ettadhamen et Essijoumi, ainsi que dans la chic banlieue nord à La
Marsa, Carthage, Le Kram. Les groupes d’assaillants étaient "mixtes" et
mêlaient "des gens de la mouvance salafiste et des malfaiteurs", a
indiqué le porte-parole du ministère de l’Intérieur Khaled Tarrouche,
faisant état d’une cinquantaine d’arrestations et de sept blessés légers
chez les policiers. Plusieurs témoins ont également fait état de
"barbus" et de "voyous" mélangés.
L’incident le plus grave s’est produit à Essijoumi, où le tribunal a
été attaqué et le bureau du procureur totalement incendié. "Un groupe de
criminels a attaqué le tribunal vers 22 heures. Il y a beaucoup de
destructions, et des ordinateurs ont été volés. C’est grave, car le
tribunal représente la souveraineté de l’État", a déclaré le procureur
de la République Amor Ben Mansour. Il a précisé que "des citoyens
s’étaient mobilisés pour défendre" le bâtiment. Le ministre de la
Justice Nourredine Bhiri a dénoncé "un acte terroriste" et promis que
les coupables allaient le "payer cher". "Ce sont des groupes terroristes
qui perdent leur sang-froid, ils sont isolés dans la société", a-t-il
déclaré sur la radio Shems FM.
Les violences ont également touché les cités populaires d’Ettadhamen,
où un poste de la garde nationale a été incendié, et Intilaka, où la
tension restait vive mardi matin.
Les troubles seraient en partie liés à de précédents incidents
suscités par une exposition artistique, le "Printemps des arts" à La
Marsa, qui a suscité la fureur d’islamistes en raison d’oeuvres jugées
blasphématoires. Le palais Abdellia, qui abrite l’exposition, a été
lundi soir, pour la deuxième nuit consécutive, ciblé par des
assaillants, selon des témoignages concordants. Plusieurs oeuvres
avaient déjà été détruites dans la nuit de dimanche à lundi par des
groupes qui s’étaient introduits dans le palais. Le directeur de
l’exposition, Luca Luccatini, a déposé plainte et estimé que ces actes
étaient le résultat d’un mélange de "fanatisme, de manipulation, de
volonté d’être médiatisé".
Nombre de Tunisiens s’interrogeaient cependant mardi matin sur le
caractère simultané des troubles et l’identité des assaillants. La
mouvance salafiste, qui occupe le devant de la scène depuis des mois en
Tunisie et dont les actes sont de plus en plus violents, était pointée
du doigt. Plusieurs internautes et commentateurs ont relevé que ces
violences survenaient deux jours après l’appel du chef d’al-Qaida Ayman
al-Zawahiri, qui a exhorté les Tunisiens à se soulever pour réclamer
l’application de la charia.
D’autres encore évoquaient un complot d’anciens RCDistes (parti
dissous de l’ex-président Ben Ali) pour déstabiliser le pays et
reprendre le pouvoir. "Le fait que les violences aient éclaté en
plusieurs endroits au même moment laisse à penser que c’était organisé",
a concédé le porte-parole de l’Intérieur Khaled Tarrouche, soulignant
qu’une enquête avait été ouverte. "Les forces de l’ordre sont présentes
dans tous les foyers d’incidents et n’admettront aucun acte de
violence", a-t-il ajouté.
Un autre incident s’est produit dans la nuit de mardi à Jendouba,
dans le nord-ouest du pays, où le bureau régional de la puissante
centrale syndicale UGTT a été incendié mardi vers 2 heures du matin par
des groupes salafistes, selon l’agence TAP. Le secrétaire général de
l’UGTT Hocine Abassi a évoqué un "développement dangereux" et appelé les
syndicalistes à "protéger les sièges régionaux de l’UGTT". Jendouba
avait connu fin mai de violents incidents lorsque des salafistes avaient
incendié des postes de police et attaqué des établissements vendant de
l’alcool.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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