Un enfant à vélo le 12 juin 2012 à Hudur, en Somalie (AFP, William Davies)
Amino Mahamoud attendait de voir un médecin depuis 10 ans. Depuis
qu'une balle s'est logée dans sa fesse gauche, sans jamais depuis en
être retirée.
Cette Somalienne de 76 ans avait pris une balle
perdue dans la capitale Mogadiscio. "Quand j'ai été touchée, je n'avais
pas d'argent et le principal hôpital était fermé, alors je n'ai pas pu
voir de médecin," se souvient-elle.
Une fois en état de voyager,
Amino Mahamoud était rentrée chez elle à Hudur, la capitale de la
province de Bakol (centre). Mais sa blessure continue depuis de la
handicaper.
"Je me sens mal après cinq minutes de marche et j'ai tout le temps mal," dit-elle.
Bakol
n'a plus abrité d'hôpitaux depuis plusieurs années, depuis que les
insurgés islamistes Shebaab, récemment intégrés à Al-Qaïda, ont fermé une
maternité ouverte en 2008.
Mais en avril, les rebelles ont été
chassés de Hudur par les troupes éthiopiennes entrées fin 2011 en
Somalie. Et les choses changent: l'Organisation mondiale de la Santé
(OMS) met ici en place un hôpital de campagne.
Le bâtiment choisi
par l'OMS était avant un centre de santé pour mères et enfants de
l'organisation International Medical Corps (IMC).
Ici, "le dernier
accouchement a été celui de la femme d'un responsable shebab", se
souvient Fatuma Abdullahi, une sage-femme qui travaillait dans le centre
avant qu'il ne ferme. La femme a eu un garçon, "né dans la nuit, et au
matin, International Medical Corps était chassé des lieux,"
poursuit-elle.
IMC fournissait médicaments, moustiquaires,
nourriture et couvertures aux mères. "Quand IMC est parti, les locaux
ont été pillés par les Shebaab," raconte encore Fatuma Abdullahi.
Quand
ils contrôlaient la zone, les combattants islamistes en avaient expulsé
toutes les agences humanitaires. Aujourd'hui, même si les rebelles
contrôlent encore les routes qui mènent à Hudur, la capitale régionale
est relativement sûre.
L'OMS a déjà pu y envoyer par avion deux
tonnes d'équipement, trois chirurgiens et un anesthésiste. Les anciennes
réserves des locaux d'IMC ont été transformées en salles d'opération,
l'électricité a été rétablie et les patients peuvent enfin voir un
médecin.
Mohamed Idoor est le premier à franchir la porte du
nouvel hôpital de campagne. Cet ancien ingénieur de 71 ans dit avoir mal
aux jambes, des hémorroïdes et souffrir d'allergie. Pour les médecins
qui l'examinent, le problème est sa prostate, et il faudra opérer.
L'intervention est impossible pour le moment, par manque d'équipement,
mais peut être pourra-t-elle être tentée dans six mois.
"Je suis très, très heureux," lâche-t-il alors. "Je pense que ça va aller maintenant."
Quand
l'ONU a déclaré la famine en Somalie en juillet 2011, tout le monde
s'est concentré sur l'aide à Mogadiscio, explique Omar Saleh,
coordinateur des situations d'urgence pour l'OMS dans le pays.
Mogadiscio est "importante", poursuit-il, "mais que deviennent les
autres régions?".
En ouvrant un hôpital à Hudur, "nous envoyons à
la communauté le message que nous sommes ici pour aider, qu'ils ne sont
pas négligés, qu'ils ne sont pas oubliés simplement parce qu'ils ne sont
pas à Mogadiscio," estime-t-il.
Des dizaines de milliers de
personnes avaient fui leur maison l'été dernier quand une sécheresse
dévastatrice s'est abattue sur la région, anéantissant les récoltes et
le bétail.
Beaucoup sont passées de l'autre côté de la frontière,
en Ethiopie et au Kenya, d'autres ont rejoint Mogadiscio malgré les
combats rencontrés en chemin. La Somalie est ravagée depuis 20 ans par
le chaos politique et la guerre civile, et les Shebaab contrôlent encore
une grande partie du centre et du sud du pays.
Omar Saleh voudrait
désormais que d'autres agences humanitaires viennent à Hudur. "Nous
devons commencer à nous occuper des gens là où ils sont," dit-il. "Plus
l'aide vise Mogadiscio, plus on encourage les gens à rejoindre
Mogadiscio. Plus vous ciblez les gens chez eux, plus ils vont rester
chez eux".
Dans la région, le bruit commence à circuler qu'un hôpital est désormais opérationnel à Hudur.
L'établissement
accueille pour l'instant 150 à 200 personnes en une journée, précise
Omar Saleh. "Demain, il y en aura plus," assure-t-il.
Mais pour beaucoup de patients, l'établissement aura ouvert trop tard.
"Parmi les patients que j'ai vus, sur trois ou quatre sur dix, il est déjà trop tard pour opérer", déplore le responsable.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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