mercredi 20 juin 2012

Egypte : Moubarak, un mort-vivant très encombrant

Hosni Moubarak est dans le coma après avoir été victime d’une attaque cérébrale, ont indiqué mercredi à l’AFP des sources médicale et militaire, démentant sa "mort clinique" annoncée plus tôt par l’agence officielle égyptienne MENA. Il venait d’être transféré dans un hôpital militaire de la banlieue du Caire. Hosni Moubarak a connu une rapide détérioration de son état de santé depuis sa condamnation le 2 juin pour la mort de près de 850 personnes pendant la révolte de janvier/février 2011, suivie de son transfert dans l’aile médicalisée de la prison de Tora, dans la banlieue sud du Caire.

Souffrant de dépression aiguë, de difficultés respiratoires et cardiaques et d’hypertension, selon des sources médicales et ses avocats, il a été victime mardi d’une attaque cérébrale et a dû subir une nouvelle défibrillation cardiaque. Tout au long de son procès, il était apparu devant les juges allongé sur une civière, enfermé dans un box grillagé, loin de l’image de dirigeant courtisé sur la scène internationale et redouté à domicile qu’il avait été autrefois. Lors de son arrivée à la tête du pays en 1981, à la faveur de l’assassinat du président Anouar el-Sadate par des islamistes, personne n’avait prédit à l’époque beaucoup d’avenir à cet ancien commandant de l’armée de l’air, qui manque de charisme.

Réputé pragmatique, mais de plus en plus coupé du peuple et orgueilleux, il s’appuie sur un redoutable appareil policier et un parti à sa dévotion pour étendre son emprise et régner sans partage sur le pays, le plus peuplé du monde arabe, pendant trois décennies. Le maintien contre vents et marées des accords de paix conclus en 1979 avec Israël et sa réputation de modéré au sein du monde arabe valent à son régime autocratique les faveurs de l’Occident, en particulier des États-Unis dont il restera l’allié indéfectible.
Avec sa silhouette trapue, sa chevelure toujours drue malgré l’âge et son regard souvent dissimulé derrière des lunettes de soleil, Hosni Moubarak était devenu au fil des ans une figure familière des réunions internationales. Il s’est aussi montré un adversaire résolu de l’islamisme radical façon al-Qaida, mais sans parvenir à enrayer la montée du mouvement conservateur des Frères musulmans, aujourd’hui officiellement première force politique d’Égypte. La politique d’ouverture économique suivie dans les dernières années de sa présidence a valu à l’Égypte une amorce de décollage économique remarquée, mais aussi une aggravation des inégalités, du mécontentement social et de la corruption.

Au cours de sa longue carrière, il a échappé à plusieurs tentatives d’attentat et n’a jamais levé l’état d’urgence en vigueur tout au long de sa présidence. Celui-ci a finalement été levé fin mai. En mars 2010, il avait été hospitalisé en Allemagne pour une ablation de la vésicule biliaire et le retrait d’un polype du duodénum. Né le 4 mai 1928 dans une famille de la petite bourgeoisie rurale du delta du Nil, Mohammed Hosni Moubarak a fait ses preuves dans l’armée, jusqu’à devenir commandant en chef des forces aériennes, puis vice-président en avril 1975.

Hosni Moubarak est marié à Suzanne Thabet, qui fut très influente dans son entourage. Leurs deux fils, Alaa et Gamal, qui étaient jugés en même temps que leur père pour corruption, n’ont vu aucune condamnation prononcée contre eux, les faits de corruption les concernant ayant été considérés comme prescrits. Ils seront de nouveau jugés le 9 juillet pour une affaire de corruption. Gamal Moubarak avait, jusqu’à la chute du régime, fait figure de successeur présumé de son père.

Ce n’est pas la première fois que des rumeurs courent sur l’état de santé d’un homme surnommé "La vache qui rit", tant il fut pendant des années le paravent présentable d’une armée décidée à conserver ses prérogatives et ses attributions coûte que coûte. Ces derniers mois, durant son procès, ses partisans faisaient circuler de sombres informations pour tenter d’attendrir ses geôliers et ses juges. L’entrée très spectaculaire de Moubarak sur une civière à chacune des audiences devait émouvoir le peuple et alléger les peines que l’ancien homme fort d’Égypte encourait. Aujourd’hui, personne ne veut endosser la responsabilité de son prochain décès. Les nouveaux maîtres du Caire redoutent d’être tenus pour responsables de sa mort, ses anciens alliés se font (très) discrets, et sa famille est décimée, en fuite à l’étranger ou aux prises avec la justice.
 

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