mardi 26 juin 2012

Tunisie: le président contre le gouvernement

Un ancien premier ministre libyen, malade, âgé de près de 70 ans et emprisonné depuis septembre dernier près de Tunis, a provoqué la plus grave crise à la tête de l'État tunisien depuis la formation du gouvernement actuel en décembre dernier. Al-Baghdadi al-Mahmoudi, dernier premier ministre de Mouammar Kadhafi avait été arrêté sur le territoire tunisien en septembre dernier alors qu'il tentait de fuir vers l'Algérie. Depuis, il restait emprisonné dans l'attente d'une extradition demandée par les nouvelles autorités libyennes. Elle a eu lieu dimanche.

Le sort d'al-Mahmoudi fait, depuis fin mai, l'objet d'une joute entre la présidence et le gouvernement tunisiens, membres d'une troïka (alliance à la tête de l'État entre islamistes d'Ennahda et partis centre gauche CPR et Ettakatol) qui ne parvient à fonctionner. L'affaire s'est soldée par une saisie de l'Assemblée nationale constituante de la présidence accusant Hamadi Jebali, le premier ministre, d'avoir outrepassé ses prérogatives.

Nouveau coup dur pour la troïka
Dimanche la décision prise en catimini du gouvernement a en effet provoqué la colère non rentrée de Moncef Marzouki, le président de la République. Dans un communiqué, Carthage, le palais présidentiel, parle d'une extradition «illégale». Hamadi Jebali y est présenté comme «responsable» de tout ce qui pourrait arriver à l'ex-premier ministre libyen. Car pour Moncef Marzouki, Défenseur des droits de l'homme, la remise aux autorités libyennes d'al-Mahmoudi devait attendre, rien jusqu'à présent ne lui assurant un procès équitable.

De plus il s'agissait à ses yeux d'une affaire non pas judiciaire, comme l'affirme le premier ministre, mais de relations internationales. Il était donc le seul, selon lui, à pouvoir décider.

Les joutes ont débuté fin mai. Quelques jours après une visite en Tunisie d'Abderrahim al-Kib, chef du gouvernement libyen, le ministère de la Justice annonçait qu'al-Mahmoudi serait extradé dans les semaines à venir. Réponse de Moncef Marzouki le 7 juin dernier: «Je reste opposé à l'extradition. Je ne peux pas signer l'extradition de quelqu'un qui risque d'être torturé ou exécuté.»

Dès le lendemain, Hamadi Jebali prouvait que le chef de l'État ne l'impressionnait pas: «Il ne sera pas nécessaire d'avoir la signature du président.» Une réponse lancée alors que Moncef Marzouki se trouvait en Suisse. Le coup de grâce, l'extradition d'al-Mahmoudi, interviendra donc ce dimanche, le président, une fois encore, en déplacement. C'est «le début d'une grave crise gouvernementale», confiait Adnan Mansar, porte-parole du chef de l'État.

Cette crise est un nouveau coup dur pour la troïka qui n'arrive pas à s'entendre sur de nombreux points. Un coup dur surtout pour Moncef Marzouki dont le sobriquet «Tartour» (Polichinelle) est en passe d'être adopté par beaucoup de Tunisiens. Le président qui ne semble pas non plus vraiment soutenu par les siens. Abdelwahab Maatar, élu de son parti, le CPR, parle d'un «malentendu qu'il ne faut pas exagérer. Le président a raison d'être en colère, mais il faut encaisser cette fois-ci et préserver la troïka».


Par Thibaut Cavaillès (Leral)

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