Un ancien premier ministre libyen, malade, âgé de près de 70 ans et
emprisonné depuis septembre dernier près de Tunis, a provoqué la plus
grave crise à la tête de l'État tunisien depuis la formation du
gouvernement actuel en décembre dernier. Al-Baghdadi al-Mahmoudi,
dernier premier ministre de Mouammar Kadhafi avait été arrêté sur le
territoire tunisien en septembre dernier alors qu'il tentait de fuir
vers l'Algérie. Depuis, il restait emprisonné dans l'attente d'une
extradition demandée par les nouvelles autorités libyennes. Elle a eu
lieu dimanche.
Le sort d'al-Mahmoudi fait, depuis fin mai, l'objet d'une joute
entre la présidence et le gouvernement tunisiens, membres d'une troïka
(alliance à la tête de l'État entre islamistes d'Ennahda et partis
centre gauche CPR et Ettakatol) qui ne parvient à fonctionner. L'affaire
s'est soldée par une saisie de l'Assemblée nationale constituante de la
présidence accusant Hamadi Jebali, le premier ministre, d'avoir
outrepassé ses prérogatives.
Nouveau coup dur pour la troïka
Dimanche la décision prise en catimini du gouvernement a en effet
provoqué la colère non rentrée de Moncef Marzouki, le président de la
République. Dans un communiqué, Carthage, le palais présidentiel, parle
d'une extradition «illégale». Hamadi Jebali y est présenté comme
«responsable» de tout ce qui pourrait arriver à l'ex-premier ministre
libyen. Car pour Moncef Marzouki, Défenseur des droits de l'homme, la
remise aux autorités libyennes d'al-Mahmoudi devait attendre, rien
jusqu'à présent ne lui assurant un procès équitable.
De plus il s'agissait à ses yeux d'une affaire non pas judiciaire,
comme l'affirme le premier ministre, mais de relations internationales.
Il était donc le seul, selon lui, à pouvoir décider.
Les joutes ont débuté fin mai. Quelques jours après une visite en
Tunisie d'Abderrahim al-Kib, chef du gouvernement libyen, le ministère
de la Justice annonçait qu'al-Mahmoudi serait extradé dans les semaines à
venir. Réponse de Moncef Marzouki le 7 juin dernier: «Je reste opposé à
l'extradition. Je ne peux pas signer l'extradition de quelqu'un qui
risque d'être torturé ou exécuté.»
Dès le lendemain, Hamadi Jebali prouvait que le chef de l'État ne
l'impressionnait pas: «Il ne sera pas nécessaire d'avoir la signature du
président.» Une réponse lancée alors que Moncef Marzouki se trouvait en
Suisse. Le coup de grâce, l'extradition d'al-Mahmoudi, interviendra
donc ce dimanche, le président, une fois encore, en déplacement. C'est
«le début d'une grave crise gouvernementale», confiait Adnan Mansar,
porte-parole du chef de l'État.
Cette crise est un nouveau coup dur pour la troïka qui n'arrive
pas à s'entendre sur de nombreux points. Un coup dur surtout pour Moncef
Marzouki dont le sobriquet «Tartour» (Polichinelle) est en passe d'être
adopté par beaucoup de Tunisiens. Le président qui ne semble pas non
plus vraiment soutenu par les siens. Abdelwahab Maatar, élu de son
parti, le CPR, parle d'un «malentendu qu'il ne faut pas exagérer. Le
président a raison d'être en colère, mais il faut encaisser cette
fois-ci et préserver la troïka».
Par Thibaut Cavaillès (Leral)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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