Les islamistes du Mouvement pour l’unicité et le Djihad en Afrique de
l’Ouest (MUJAO) se sont emparés de la ville de Gao mercredi au terme de
violents combats avec les rebelles touaregs du Mouvement national de
libération de l’Azawad (MNLA). Ils ont mené des patrouilles dans la nuit
et interpellé de multiples hommes armés. Les affrontements entre les
deux parties auraient fait au moins 20 morts.
Les islamistes viennent de prendre la ville de Gao où
se trouvait le quartier général du Mouvement national de libération de
l'Azawad.
Les islamistes les ont chassés de Tombouctou, réduits à la portion
congrue à Kidal et viennent de les écraser à Gao, en prenant leur
quartier général pour tout le nord du Mali : les rebelles touareg sont
en déroute et ne contrôlent plus aucune place forte dans cette région.
Créée fin 2011 de la fusion d'anciens groupes actifs dans les années
1990 et 2000, la rébellion touareg du Mouvement national de libération
de l'Azawad (MNLA) a lancé à la mi-janvier l'offensive sur plusieurs
villes du nord du Mali, prises facilement, face à une armée démoralisée
et sous-équipée.
"Aujourd'hui, il faut prendre une loupe pour trouver trace des
combattants du MNLA", ironise Tiégoum Boubèye Maïga, journaliste malien,
spécialiste de la crise dans le Nord.
Allié au début de leur offensive aux groupes armés islamistes Ansar Dine
(Défenseurs de l'islam) et le Mouvement pour l'unicité et le jihad en
Afrique de l'Ouest (MUJAO) - considéré comme une dissidence d'al-Qaida
au Maghreb islamique (AQMI) très implantée dans le Nord -, le MNLA a
vite été marginalisé.
La chute de Gao (nord-est), berceau des Touareg et l'une des trois
grandes villes et régions administratives du Nord avec Tombouctou
(nord-ouest) et Kidal (extrême nord-est) - déjà contrôlées par les
islamistes - signe l'arrêt de mort du MNLA dans cette région qu'il
baptise du nom de l'Azawad et a déclarée indépendante unilatéralement. À
Gao, après de violents combats mercredi avec les combattants du MUJAO
qui ont fait au moins vingt morts, le MNLA a perdu ses chefs militaires,
en fuite ou blessés, et ses bastions, dont le palais du gouverneur, qui
lui servait de quartier général pour tout le Nord-Mali.
En France, ex-puissance coloniale, le MNLA jouit d'un certain capital de
sympathie, car il est vu comme un mouvement capable de contrer les
groupes islamistes, tout spécialement la branche maghrébine d'al-Qaida,
alliée d'Ansar Dine et du MUJAO. Ses dirigeants ont été régulièrement
les invités des plateaux de télévision à Paris, distillant leur
propagande, expliquant leur combat pour l'indépendance, réaffirmant leur
laïcité face à des islamistes voulant imposer la charia (loi islamique)
à tout le Mali. Mais dans le grand désert aride du Nord malien, la
réalité était bien différente. "Alors que les islamistes faisaient un
travail de fond sur le terrain, les rebelles touareg faisaient de la
communication dans les médias", note Tiégoum Boubèye Maïga.
Pour devenir maîtres du jeu, les islamistes ont d'abord empêché les
rebelles touareg de disposer d'une partie de leurs armes lourdes issues
du conflit libyen et cachées dans des montagnes du nord-est du Mali,
sous leur contrôle. Ils se sont ainsi assuré la supériorité militaire,
selon les experts. Ensuite, ils ont su s'attirer la sympathie des
populations des différentes tribus présentes dans le Nord, où les
Touareg sont minoritaires, en procédant à des distributions de vivres et
en insistant bien sur leur volonté de maintenir l'intégrité
territoriale du Mali.
"Quand les moudjahidine ont pris Gao, ils se sont promenés dans la ville
en brandissant le drapeau du Mali. Nous, nous avons aimé ça", commente
Saly Touré, du musée du Sahel de Gao, fermé depuis le début de la crise.
Mais pour gagner, "les islamistes ont également joué à fond la carte de
la corruption", affirme un diplomate africain en poste à Bamako. "Le
très influent responsable d'une association des ressortissants de Gao a
été acheté. Depuis, il a tourné le dos aux rebelles touareg pour
soutenir les islamistes", dit-il.
La défaite du MNLA "est une nouvelle configuration pour les
négociations" avec les autorités de transition à Bamako, mises en place
après le retrait de militaires qui avaient pris le pouvoir le 22 mars,
précipitant la chute du Nord aux mains des groupes armés. À court
d'argent, lâchés par leurs soutiens supposés ou réels, empêtrés dans des
conflits internes entre une aile militaire sur le terrain et une aile
politique de cadres vivant à l'étranger, les rebelles touareg sont en
position de faiblesse. À partir de petites localités où ils sont encore
présents - Gossi, Ménaka, Anderamboukane - le MNLA pourrait tenter de
regrouper ses forces et lancer une contre-offensive sur Gao, selon des
experts, mais sans grande chance de réussite.
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