L’Etat tunisien a mis en cause mercredi des "groupes extrémistes" et
des "spectres du régime déchu" dans la vague de violences qui a secoué
le pays lundi et mardi, mais a également condamné les "provocations"
artistiques accusées d’avoir enflammé le pays.
Par ailleurs, le chef du parti islamiste Ennahda Rached Ghannouchi a
rejeté tout lien entre les violences de lundi et mardi et l’appel au
soulèvement en Tunisie lancé dimanche par le chef d’Al-Qaïda Ayman
al-Zawahiri.
"Ayman Al-Zawahiri n’a pas d’influence en Tunisie. Cet homme est une
catastrophe pour l’islam et pour les musulmans", et le courant salafiste
en Tunisie, "dont seule une minorité prône la violence, "n’a pas de
lien" avec l’organisation terroriste, a lancé M. Ghannouchi.
Le calme semblait prévaloir mercredi au lendemain de deux jours
d’émeutes dans plusieurs villes tunisiennes, qui ont poussé le
gouvernement à décréter mardi un couvre-feu nocturne sur huit
gouvernorats du pays, dont Tunis.
Le bilan encore provisoire des violences est d’un mort —un jeune
décédé après avoir reçu une balle dans la tête à Sousse (est)—, plus
d’une centaine de blessés dont 65 policiers et plus de 160 arrestations.
Dans un communiqué publié mercredi au nom des "trois présidences" (le
chef de l’Etat Moncef Marzouki, le président de l’Assemblée
constituante Mustapha Ben Jaafar et le chef du gouvernement Hamadi
Jebali), l’Etat a condamné "des groupes extrémistes qui menacent les
libertés", allusion implicite aux salafistes impliqués dans les
violences.
Ces groupes "tentent de perturber le pouvoir et de semer la terreur,
s’arrogent le droit de se substituer aux institutions de l’Etat et
tentent de mettre sous leur coupe les lieux de culte", ajoute les trois
présidences.
Mais les présidences ont aussi mis en cause "des spectres du régime
déchu qui tentent de mettre en échec le processus de transition",
accréditant la thèse d’une infiltration des salafistes par des ex
RCdistes, les membres du parti dissous RCD de Ben Ali.
"Ces événements surviennent à un moment où le pays avance vers
l’écriture de sa nouvelle Constitution et l’édification de ses
institutions", et où "le pays enregistre des indicateurs économiques
positifs et une saison agricole et touristique prometteuse", relève le
communiqué officiel.
"A chaque fois que la Tunisie entre dans une phase d’apaisement, de
tels événements ressurgissent", ajoute-t-il. Toutefois, comme cela a été
le cas depuis un an en Tunisie à chaque éruption de violences liées à
des questions religieuses ou morales, les autorités ont aussi dénoncé
les "provocations" artistiques supposées avoir mis le feu aux poudres.
Les violences ont démarré à la suite d’une controverse autour d’une
exposition,"Printemps des Arts", à La Marsa (banlieue nord de Tunis),
où des oeuvres ont été jugées offensantes pour l’islam.
En cause notamment : un tableau de l’artiste Mohamed Ben Slama
représentant une femme quasi nue avec en arrière plan des hommes barbus,
et une toile façon bande dessinée représentant un salafiste furieux.
Dans leur communiqué, les trois présidences ont ainsi condamné
"l’atteinte au sacré", qui "ne procède pas de la liberté d’opinion et
d’expression et qui vise à provoquer et à semer la discorde ainsi qu’à
profiter d’une situation sensible pour nourrir les tensions".
Dès mardi, le ministre de la Culture Mehdi Mabrouk avait annoncé
qu’il allait déposer plainte contre les organisateurs de l’exposition et
fermer le palais où les oeuvres ont été exposées.
Le mouvement Ennahda a également dénoncé l’atteinte au sacré et
appelé à manifester vendredi après la prière, se joignant de facto aux
groupes salafistes qui avaient lancé cet appel dès mardi.
Ces prises de position ont consterné des artistes tunisiens, qui ont
dénoncé "la lâcheté" des autorités et "un conservatisme absolument
incompatible avec la liberté de création et d’expression".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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