mercredi 13 juin 2012

Tunisie : l’Etat dénonce des "extrémistes" mais parle de "provocations"

L’Etat tunisien a mis en cause mercredi des "groupes extrémistes" et des "spectres du régime déchu" dans la vague de violences qui a secoué le pays lundi et mardi, mais a également condamné les "provocations" artistiques accusées d’avoir enflammé le pays.
Par ailleurs, le chef du parti islamiste Ennahda Rached Ghannouchi a rejeté tout lien entre les violences de lundi et mardi et l’appel au soulèvement en Tunisie lancé dimanche par le chef d’Al-Qaïda Ayman al-Zawahiri.
"Ayman Al-Zawahiri n’a pas d’influence en Tunisie. Cet homme est une catastrophe pour l’islam et pour les musulmans", et le courant salafiste en Tunisie, "dont seule une minorité prône la violence, "n’a pas de lien" avec l’organisation terroriste, a lancé M. Ghannouchi.
Le calme semblait prévaloir mercredi au lendemain de deux jours d’émeutes dans plusieurs villes tunisiennes, qui ont poussé le gouvernement à décréter mardi un couvre-feu nocturne sur huit gouvernorats du pays, dont Tunis.
Le bilan encore provisoire des violences est d’un mort —un jeune décédé après avoir reçu une balle dans la tête à Sousse (est)—, plus d’une centaine de blessés dont 65 policiers et plus de 160 arrestations.
Dans un communiqué publié mercredi au nom des "trois présidences" (le chef de l’Etat Moncef Marzouki, le président de l’Assemblée constituante Mustapha Ben Jaafar et le chef du gouvernement Hamadi Jebali), l’Etat a condamné "des groupes extrémistes qui menacent les libertés", allusion implicite aux salafistes impliqués dans les violences.
Ces groupes "tentent de perturber le pouvoir et de semer la terreur, s’arrogent le droit de se substituer aux institutions de l’Etat et tentent de mettre sous leur coupe les lieux de culte", ajoute les trois présidences.
Mais les présidences ont aussi mis en cause "des spectres du régime déchu qui tentent de mettre en échec le processus de transition", accréditant la thèse d’une infiltration des salafistes par des ex RCdistes, les membres du parti dissous RCD de Ben Ali.
"Ces événements surviennent à un moment où le pays avance vers l’écriture de sa nouvelle Constitution et l’édification de ses institutions", et où "le pays enregistre des indicateurs économiques positifs et une saison agricole et touristique prometteuse", relève le communiqué officiel.
"A chaque fois que la Tunisie entre dans une phase d’apaisement, de tels événements ressurgissent", ajoute-t-il. Toutefois, comme cela a été le cas depuis un an en Tunisie à chaque éruption de violences liées à des questions religieuses ou morales, les autorités ont aussi dénoncé les "provocations" artistiques supposées avoir mis le feu aux poudres.
Les violences ont démarré à la suite d’une controverse autour d’une exposition,"Printemps des Arts", à La Marsa (banlieue nord de Tunis), où des oeuvres ont été jugées offensantes pour l’islam.
En cause notamment : un tableau de l’artiste Mohamed Ben Slama représentant une femme quasi nue avec en arrière plan des hommes barbus, et une toile façon bande dessinée représentant un salafiste furieux.
Dans leur communiqué, les trois présidences ont ainsi condamné "l’atteinte au sacré", qui "ne procède pas de la liberté d’opinion et d’expression et qui vise à provoquer et à semer la discorde ainsi qu’à profiter d’une situation sensible pour nourrir les tensions".
Dès mardi, le ministre de la Culture Mehdi Mabrouk avait annoncé qu’il allait déposer plainte contre les organisateurs de l’exposition et fermer le palais où les oeuvres ont été exposées.
Le mouvement Ennahda a également dénoncé l’atteinte au sacré et appelé à manifester vendredi après la prière, se joignant de facto aux groupes salafistes qui avaient lancé cet appel dès mardi.
Ces prises de position ont consterné des artistes tunisiens, qui ont dénoncé "la lâcheté" des autorités et "un conservatisme absolument incompatible avec la liberté de création et d’expression".

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