Les Frères musulmans ont revendiqué lundi la victoire de leur
candidat Mohammed Morsi à l’élection présidentielle en Égypte, annonce
aussitôt contestée par son rival Ahmad Chafik, une ancienne figure du
régime de Moubarak renversé en février 2011. Peu après la fermeture des
bureaux de vote, la junte aux commandes du pays s’est, elle, attribué de
vastes prérogatives, dont le pouvoir législatif.
"Le docteur Mohammed Morsi est le premier président de la République
élu par le peuple", a affirmé sur son compte Twitter le Parti de la
liberté et de la justice (PLJ), bras politique des Frères musulmans,
présidé par Mohammed Morsi. Son directeur de campagne, Ahmad Abdelati, a
pour sa part affirmé lors de la même conférence de presse que Mohammed
Morsi avait obtenu 52,5 % des voix contre 47,5 % pour son rival Ahmad
Chafik, après le dépouillement des bulletins dans près de 98 % des
bureaux de vote et en tenant compte du vote des Égyptiens à l’étranger
dont les résultats ont été compilés ces derniers jours.
Bataille de chiffres
Cette annonce a aussitôt été rejetée par le camp de Ahmad Chafik, un
général à la retraite considérée comme le candidat de l’armée qui tient
les rênes du pays depuis la chute de Moubarak et s’est arrogé dimanche
de vastes prérogatives réduisant largement les pouvoirs du futur
président. "Nous la rejetons totalement", a déclaré à la presse un
responsable de la campagne de Ahmad Chafik, Mahmud Barakeh. "Nous
sommes étonnés par ce comportement bizarre qui revient à détourner le
résultat de l’élection", a-t-il ajouté.
Un autre responsable de la campagne Mahmud Farrag a affirmé que
Ahmad Chafik avait recueilli 51,6 % des voix, selon des résultats
partiels en provenance des bureaux de vote.
"Ils savent que le résultat qu’ils annoncent n’est pas le bon, mais
ils font ça pour crier à la fraude par la suite", a ajouté un autre
responsable parlant sous le couvert de l’anonymat.
Après l’annonce de sa victoire, Mohammed Morsi a remercié lors d’une
allocution dans son QG ceux qui ont voté pour lui et s’est engagé à
travailler "main dans la main avec les Égyptiens pour un avenir
meilleur, pour la liberté, la démocratie et la paix". Il a aussi promis
de "servir tous les Égyptiens", quelles que soient leurs obédiences
politiques ou religieuses.
Les résultats officiels doivent être annoncés le 21 juin par la
Commission électorale. Mais la junte aux commandes du pays s’est d’ores
et déjà attribuée dimanche de vastes prérogatives, dont le pouvoir
législatif. Quel que soit le vainqueur du scrutin, l’essentiel du
pouvoir restera ainsi aux mains des militaires jusqu’à l’élection d’une
nouvelle Assemblée du peuple à la place de la chambre dissoute samedi.
Les nouvelles dispositions, vivement contestées par les Frères
musulmans et les partis de la mouvance révolutionnaire qui les ont
assimilées à "un coup d’État", sont contenues dans une Déclaration
constitutionnelle complémentaire publiée par le Conseil suprême des
forces armées (CSFA). Les prérogatives législatives, assumées par le
CSFA après le départ de Moubarak, avaient été transférées un an plus
tard au Parlement issu des législatives.
La Chambre des députés dissoute
Mais la Chambre des députés, dominée par les Frères musulmans, a été
dissoute samedi en application d’un arrêt de la Haute Cour
constitutionnelle. Le nouveau texte précise que le CSFA exercera le
pouvoir législatif "jusqu’à l’élection d’une nouvelle Assemblée du
peuple".
Ce scrutin ne pourra toutefois pas avoir lieu avant la rédaction
d’une nouvelle Constitution par une commission ad hoc et son adoption
"par voie de référendum", précise le texte. La rédaction de la nouvelle
Constitution sera confiée à une "commission constitutionnelle
représentant tous les segments de la société" et qui disposera de trois
mois pour terminer ses travaux, ajoute le texte. Le CSFA s’accorde en
outre un droit de veto sur tout article qu’il estime "contraire aux
intérêts suprêmes du pays". Le texte donne également le droit au CSFA de
former une nouvelle commission constitutionnelle si l’instance
actuelle, dominée par les islamistes, "est empêchée d’accomplir son
travail".
La Déclaration précise aussi que le CSFA du maréchal Hussein Tantawi
"dans sa composition actuelle a le pouvoir de décision pour tout ce qui
relève des forces armées, la nomination de ses commandants et la
prolongation de leur service".
Les mesures annoncées par les militaires et la dissolution de la
Chambre ont éclipsé le scrutin présidentiel qui s’est déroulé samedi et
dimanche sans accroc majeur.
Les bureaux de vote ont fermé leurs portes à 22 heures, soit deux
heures plus tard que prévu afin de favoriser la participation. Quelque
50 millions d’électeurs étaient appelés à voter. Le dépouillement a
commencé aussitôt après. Ancien commandant en chef de l’armée de l’air,
Ahmad Chafik, 70 ans, a fait campagne sur le thème de la stabilité,
chère à de nombreux Égyptiens après plus d’un an d’une transition
politique chaotique. Il est soutenu par de nombreux Coptes (chrétiens
d’Égypte), inquiets d’une victoire islamiste.
Mohammed Morsi, un ingénieur de 60 ans, a de son côté cherché à
gommer son image d’islamiste conservateur pour se présenter comme le
seul recours des partisans de la "révolution" contre un retour de
l’ancien régime.
Hosni Moubarak, 84 ans, est détenu dans une aile médicalisée de la
prison de Tora, au sud du Caire, après sa condamnation le 2 juin à la
perpétuité pour son rôle dans la répression de la révolte de 2011.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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