Les Frères musulmans se sont rassemblés mardi place Tahrir,
l’épicentre de la "révolution du Nil" au centre du Caire, aux côtés des
jeunes élites laïques à l’origine du soulèvement contre Moubarak, pour
protester contre la décision des généraux de s’octroyer de nouveaux
pouvoirs.
Des milliers de personnes se sont réunies à la tombée du jour pour
dénoncer la dissolution du Parlement dominé par les islamistes et le
transfert du pouvoir législatif à l’armée, ainsi que la limitation des
pouvoirs du futur président.
Une manifestation a également eu lieu à Alexandrie.
La jeunesse urbaine du Caire et les Frères musulmans considèrent ces
décisions comme une volonté des militaires et des élites de l’ancien
régime de se maintenir au pouvoir, et de confisquer définitivement les
premiers acquis de la révolution.
Mais alors que les candidats se disputent les résultats du second
tour de la présidentielle, qui seront normalement connus officiellement
jeudi, les Frères musulmans ne semblent pas prêts à en découdre avec
l’armée.
La confrérie a déclaré lundi que son candidat, Mohamed Morsi,
devançait largement avec 52% des voix son rival Ahmed Chafik, dernier
Premier ministre du président déchu Hosni Moubarak. Une victoire
aussitôt contestée par l’équipe de campagne d’Ahmed Chafik.
Quel que soit le vainqueur, les pouvoirs du futur président seront
strictement limités par le décret publié dimanche par le Conseil suprême
des forces armées (CSFA) dirigé par le maréchal Hussein Tantawi,
ministre de la Défense de Moubarak pendant vingt ans, jusqu’à la chute
du "raïs" en février 2011.
Premiers déçus par une élection qui ne leur laissait le choix
qu’entre l’armée et l’islam, les jeunes Cairotes ont appelé à se
mobiliser avant même la publication officielle des résultats du vote.
"Le décret confirme le maintien du conseil militaire à la tête de
l’Etat et l’absence de transmission des pouvoirs à un président élu,
contrairement à ce qui avait été promis au début de la révolution", a
déclaré la Coalition de la jeunesse révolutionnaire, rassemblement de
plusieurs mouvements.
Pour Khaled Ali, avocat militant éliminé au premier tour de
l’élection, le CSFA ne doit pas être autorisé à légiférer à la place du
parlement dissous. "Chaque patriote doit s’élever contre la tentative de
s’approprier ces droits", a-t-il dit.
Hussein Ibrahim, membre des Frères musulmans et de l’assemblée
dissoute, a déclaré pour sa part à Reuters que le décret du CSFA
prolongerait le régime militaire.
Mais un porte-parole des Frères a minimisé mardi, lors d’une
conférence de presse, le risque d’un conflit frontal avec les généraux.
"Pourquoi se ruer sur le mot ’confrontation’ ?", s’est interrogé
Yasser Ali. "Nous ne cherchons de confrontation avec personne. Personne
en Egypte ne veut de confrontation (...) Il doit y avoir un dialogue
entre les forces nationales, et le peuple doit décider seul de son
destin."
Cette volonté d’apaisement intervient au moment où un tribunal
égyptien annonce le report en septembre de l’examen de six plaintes
réclamant la dissolution de la confrérie et de sa vitrine politique, le
Parti de la liberté et la justice (PJL).
Six avocats ont déposé plainte contre la confrérie, exigeant la
publication de ses sources de financement, ont déclaré des sources
judiciaires. Un diplomate occidental a réagi à cette annonce en
soulignant que tout jugement visant à dissoudre les Frères musulmans,
quel que soit ses fondements juridiques, ne ferait que multiplier les
troubles dans un pays déjà en crise politique.
L’armée, qui a fourni à l’Egypte tous ses présidents depuis le
renversement de la monarchie en 1952, a promis de remettre le pouvoir
aux civils d’ici au 1er juillet. Mais le président n’aura comme seule
prérogative que de nommer un gouvernement dont chaque loi devra être
validée par les militaires.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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