Pendant que l’Euro 2012 bat son plein, un autre match, autrement plus
important, se joue en Israël. Espoir de toute une nation, le
footballeur palestinien Mahmoud Sarsak serait aujourd’hui entre la vie
et la mort, enfermé dans une prison israélienne, rapporte Le Monde.fr.
Originaire de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le petit Mahmoud a
toujours rêvé de devenir footballeur professionnel. Encore adolescent,
il joue déjà pour la sélection nationale gazaouie. Très vite, il tape
dans l’oeil des recruteurs de Batala, un camp de réfugiés dont l’équipe
est l’une des plus brillantes des territoires palestiniens.
Problème, il est presque impossible pour les habitants de Gaza de
sortir de l’enclave, soumise à un blocus par Israël depuis la capture de
Gilad Shalit en juin 2006, renforcé un an plus tard après la prise de
contrôle du territoire par le Hamas. Mais, conscients de détenir leur
future pépite, les dirigeants de Batala vont tout mettre en oeuvre pour
permettre au joueur de traverser la frontière israélienne, et ainsi de
pouvoir gagner la Cisjordanie. Mais le rêve va se heurter à un mur. Le
22 juillet 2009, le transfert, pourtant concrétisé, s’arrête net au
terminal d’Erez. Le considérant comme un "combattant ennemi", les forces
israéliennes l’arrêtent sur-le-champ, avant de le placer en détention
administrative. Cette disposition spécifique, héritée du mandat
britannique sur la Palestine, permet à l’État hébreu d’incarcérer sans
inculpation ni jugement un suspect pour une période de six mois,
renouvelable indéfiniment.
"Le niveau de preuve nécessaire à une détention administrative est
encore plus bas que pour les cas criminels", indique au Point.fr Bill
Van Esveld, rapporteur à Jérusalem de l’organisation Human Rights Watch.
"Aucune preuve n’est présentée au détenu ou à son avocat", ajoute-t-il.
"Le fait d’appartenir à une organisation définie comme terroriste par
Israël suffit dans beaucoup de cas à justifier une arrestation, sans
pour autant prouver que la loi a été enfreinte", rappelle, de son côté,
Ran Cohen, membre de l’organisation des Médecins pour les droits de
l’homme-Israël. En témoigne, par exemple, l’arrestation jeudi matin d’un
Palestinien de 95 ans dans le sud de la Cisjordanie.
"Israël avait accordé à Mahmoud Sarsak une autorisation de passage de
Gaza vers la Cisjordanie", déplore à l’AFP Mouzaffar Dhouqan, un
responsable du club de Balata, assurant avoir suivi "toutes les
procédures requises" par l’administration militaire israélienne. Depuis,
c’est le néant... jusqu’au 19 mars dernier. Craignant de tomber dans
les oubliettes de l’histoire, le joueur recourt à la dernière arme de
prisonniers palestiniens : la grève de la faim. Mahmoud Sarsak se joint
aux quelque 1 600 détenus palestiniens réclamant l’abolition de la
détention administrative et de l’isolement carcéral, deux pratiques
considérées comme illégales au regard du droit international.
L’action collective fait grand bruit. Après une médiation de
l’Égypte, Israël accède finalement aux revendications des prisonniers
palestiniens, en échange d’un engagement signé de "s’abstenir de tout
acte de terrorisme" ainsi que de toute nouvelle grève de la faim. Or,
dans les faits, l’accord serait loin d’être respecté. Amnesty
International affirme avoir relevé depuis l’accord plus de 30 cas où les
ordres de détention administrative ont été renouvelés. D’après
l’organisation, trois nouveaux cas auraient même été enregistrés.
N’ayant obtenu aucun engagement écrit de la fin de sa détention
administrative, Mahmoud Sarsak a de nouveau cessé de s’alimenter, se
limitant à l’absorption de glucose et de vitamines. D’après Amnesty
International, il risque de mourir très prochainement. Pour la première
fois depuis le début de sa grève de la faim, un médecin indépendant (de
l’ONG israélienne Médecins pour les droits humains-Israël, NDLR) a été
autorisé à lui rendre visite le 6 juin dernier. Le professionnel de la
santé a constaté que le prisonnier avait perdu un tiers de son poids et
qu’il s’évanouissait fréquemment.
Interrogée par Le Point.fr, la porte-parole de l’administration
pénitentiaire israélienne confirme que Mahmoud Sarsak se trouve toujours
en détention administrative. Sivan Weizman affirme toutefois que le
prisonnier a été conduit dimanche dans un hôpital extérieur à la prison
de Ramleh et qu’il a recommencé à s’alimenter de retour au centre
médical pénitentiaire, version que contestent ses proches. Son avocat a
indiqué à l’AFP que le service de sécurité israélien allait examiner
jeudi le dossier secret de son client, conformément à une décision de la
Cour suprême. "S’il n’y a pas de preuve supplémentaire que Mahmoud
Sarsak représente un danger pour Israël, il devrait être libéré", a
ajouté Mohammad Jabbarine à l’AFP.
"Nous ignorons pourquoi il est détenu. Il n’a rien à voir avec la
politique", s’est insurgé son frère, Imad, à l’occasion d’une
manifestation organisée devant le quartier général du Comité
international de la Croix-Rouge (CICR) à Gaza. "Nous appelons les clubs
arabes et européens à sauver la vie d’un footballeur", a-t-il ajouté.
L’appel semble avoir été entendu. Mardi, Mahmoud Sarsak a bénéficié d’un
soutien de poids en la personne d’Éric Cantona. "Il est temps de mettre
fin à l’impunité d’Israël et d’insister sur les mêmes critères
d’égalité, de justice et de respect de la législation internationale que
nous exigeons des autres États", indique sa missive, adressée au
ministre britannique des Sports et au président de l’UEFA, Michel
Platini, et également signée par l’intellectuel américain Noam Chomsky
et le réalisateur de cinéma britannique Ken Loach.
Le message n’est pas resté lettre morte. Le même jour, le président
de la Fifa, Joseph Blatter, qui n’est pourtant pas réputé pour son
courage, a exhorté la Fédération israélienne (IFA) à intervenir en
faveur des joueurs palestiniens "détenus de manière prétendument
illégale", citant Mahmoud Sarsak. Et sa famille d’espérer que l’État
hébreu ne jouera pas les prolongations.
(14 juin 2012 - Armin Arefi)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire