L’écrivain franco-libanais Amin Maalouf est reçu jeudi en grande
pompe à l’Académie française, paré de son habit vert et de son épée
d’immortel ornée des symboles de sa double culture : "Un grand bonheur,
un beau rituel mais une cérémonie intimidante", confie-t-il à l’AFP.
"Cette cérémonie, probablement la plus intimidante de toutes, je
l’apprécierai mieux quand elle sera devenue un souvenir lumineux. La
vivre est forcément une épreuve. Mais je l’ai désirée, et je
m’efforcerai de la traverser sans que mon angoisse n’étouffe mon
bonheur", sourit Amin Maalouf, élu le 23 juin 2011 pour succéder à
Claude Lévi-Strauss au fauteuil 29, après deux tentatives malheureuses
en 2004 et 2007.
Devant ses pairs, sa famille et un parterre de personnalités françaises
et étrangères, le nouvel immortel fera selon la tradition l’éloge de son
prédécesseur.
"J’ai commencé à réfléchir à ce discours à l’instant où j’ai appris que
j’avais été élu", dit-il. "Je me suis plongé dans l’oeuvre de Claude
Lévi-Strauss comme si je l’abordais pour la première fois". Tout aussi
importantes que ces lectures "ont été les conversations que j’ai eues
avec sa veuve Monique Lévi-Strauss".
"Grâce à elle, mon discours sera centré sur l’homme plus encore que sur l’oeuvre", souligne l’écrivain de 63 ans.
Son épée a été fabriquée par la maison Arthus-Bertrand. Elle comporte
une Marianne et un Cèdre du Liban, en deux médaillons de même taille,
une sculpture représentant l’enlèvement d’Europe, princesse phénicienne,
par le dieu Zeus déguisé en taureau.
"J’y vois le symbole des relations fort anciennes entre l’Occident et le Levant", explique l’auteur.
Sur la lame sont gravés d’un côté les prénoms de sa femme et de ses
trois fils, de l’autre les premiers mots d’un poème composé par son
père.
Pour le costume d’académicien, Amin Maalouf a choisi "Stark & sons".
Les broderies sont relativement discrètes mais il y a là aussi une
touche libanaise.
"Quand on regarde de près les boutons, on y voit, au lieu des rameaux d’olivier, de tout petits cèdres", s’amuse-t-il.
Beaucoup des invités à son "intronisation" viennent du Liban, des Etats-Unis ou de l’île d’Yeu, l’un de ses refuges favoris.
Son Comité d’honneur est présidé par Jean-Claude Fasquelle, légende de
l’édition et ancien PDG de Grasset et Fasquelle. Parmi ses membres,
Ismaïl Kadaré, Luis Sepúlveda, Jean Daniel, Peter Sellars, Jordi Savall,
Georges Moustaki, Michel Barnier ou le fils de Paul Claudel, Henri
Claudel.
Né le 25 février 1949 à Beyrouth, dans une famille chrétienne melkite dont une
des branches est francophone et vient d’Istanbul, le nouvel académicien a
consacré son oeuvre au rapprochement des civilisations, s’interrogeant
sur les rapports politiques et religieux entretenus par l’Orient et
l’Occident.
Journaliste au principal quotidien de Beyrouth, An-Nahar, Amin Maalouf est contraint par la guerre civile à l’exil en 1976.
Ces thèmes de l’exil et de l’identité, lui "qui se sent chrétien dans le
monde arabe et Arabe en Occident", occupent une large place dans ses
essais, parmi lesquels "Les identités meurtrières" ou "Le dérèglement du
monde".
A Paris, il devient rédacteur en chef de la revue Jeune Afrique. En
1983, il publie un ouvrage historique "Les croisades vues par les
Arabes". Mais c’est son roman "Léon l’Africain" qui le fait connaître en
1986. Il décide alors de se consacrer à la littérature et... décroche
le Goncourt en 1993 pour "Le Rocher de Tanios".
Avant lui, à la double culture arabe et française, l’Académie a
accueilli en 2006 la romancière algérienne Assia Djebar, première
personnalité du Maghreb élue sous la Coupole.
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