Des enfants jouent pieds nus au ballon tandis que des chèvres paissent
alentour: la paisible vie du village bédouin de Khan al-Ahmar, en
Cisjordanie occupée, est aujourd'hui menacée par un projet israélien de
relocalisation de ses habitants.
L'administration israélienne affirme à l'AFP que ces bédouins dont les
tentes sont plantées à quelques kilomètres de Jérusalem seront installés
dans des logements près de Jéricho, à une dizaine de kilomètres plus à
l'est. Ce projet "vise à améliorer leurs conditions de vie en
réglementant leurs habitations et en leur donnant accès à des
infrastructures correctes pour l'eau, l'électricité, les égouts et le
système scolaire", assure-t-elle dans une réponse écrite à l'AFP.
Mais Aïd Khamiss Souilem, porte-parole de la tribu des Jahalines, assure
qu'à Khan al-Ahmar, personne ne croit à ce discours. "Israël essaye de
dire qu'en tant qu'Etat démocratique, il se soucie de rendre la vie des
bédouins meilleure, mais la question n'est ni économique ni sociale: la
question ici, c'est celle de Jérusalem", dit-il.
Car, souligne M. Souilem, de la limite orientale de Jérusalem-Est,
occupée et annexée par Israël, jusqu'à la mer Morte, qui borde la
Jordanie, il ne subsiste plus aucune présence palestinienne: Khan
al-Ahmar est actuellement encerclé par les colonies israéliennes,
illégales aux yeux de la communauté internationale, et une fois les
Jahalines délogés, "la région allant de Jérusalem à la mer Morte sera
totalement israélienne et le rêve des deux Etats sera mort et enterré".
Les Palestiniens réclament depuis des décennies un Etat indépendant dans
les frontières de 1967, soit 22% de la Palestine historique regroupant
la bande de Gaza, la Cisjordanie et Jérusalem-Est dont ils veulent faire
leur capitale. Ils affirment qu'Israël cherche à morceler un peu plus
leur terre pour empêcher l'installation d'un Etat viable.
Les organisations internationales et de défense des droits de l'Homme
dénoncent depuis des années une tentative délibérée de déplacer la
population palestinienne, notamment dans les 60% de la Cisjordanie sous
son contrôle total, dits "zone C".
Si les Jahalines étaient déplacés vers Jéricho, alors les colonies qui
encerclent Jérusalem-Est couperaient de fait en deux la Cisjordanie,
séparant la partie au nord de Jérusalem de celle au sud de la Ville
sainte.
"Si nous ne restons pas, il n'y aura jamais d'Etat palestinien", affirme
M. Souilem. Alors, dit-il, "nous ne bougerons pas". Le seul endroit où
il accepterait d'aller, c'est son village bédouin du Néguev, dans le
sud, que ses parents ont été forcés de quitter quand l'Etat hébreu a été
créé en 1948 et qui est désormais habité par des Israéliens.
"Ou alors le monde entier doit reconnaître la Palestine et j'y aurai un village bédouin reconnu", espère-t-il.
Pourtant, l'administration israélienne assure avoir discuté de son plan
de transfert "une dizaine" de fois avec des dignitaires bédouins et
soutient que le projet vise à "améliorer la qualité de vie de la
population bédouine". Faux, rétorque Shlomo Lecker, qui défend les
Jahalines.
Pour cet avocat israélien, Nouweima, où les bédouins doivent être
transférés "est un ghetto où ils veulent entasser 12.000 personnes pour
vider leurs terres". "Depuis 15 ans, la colonisation s'étend dans cette
zone dont les Palestiniens sont éloignés. Le plan concernant les
bédouins s'inscrit dans cette campagne et concerne des zones que l'Etat
veut annexer", explique-t-il.
De fait, souligne l'agence de l'ONU pour l'aide aux réfugiés
palestiniens (UNRWA), les plus de 12.000 bédouins menacés de "transfert
forcé" vivent "dans la zone dite E1 et dans celle de (la colonie de)
Maalé Adoumim près de Jérusalem, des régions choisies pour la
construction de nouvelles colonies israéliennes".
Awda Jahaline, un bédouin qui vit, lui, à Jabal al-Baba, près de Maalé
Adoumim, refuse également son transfert et dénonce un "massacre" contre
les bédouins. En mesure de rétorsion, affirme-t-il, Israël "fait
pression en jouant sur nos autorisations de travail sur son sol". Mais,
dit-il, même privé du droit de travailler en Israël, lui non plus ne
partira pas.
"Ils veulent que nous quittions les terres où nous sommes nés",
accuse-t-il. "Mais pour nous déplacer vers d'autres terres qu'ils ont
aussi volées à des Palestiniens".
(06-12-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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