dimanche 3 juin 2012

Irak : Enlisement dans la crise politique

La crise politique qui accable l’Irak depuis des mois et paralyse l’action de son gouvernement donne des signes d’aggravation avec des appels répétés à la démission du Premier ministre Nouri al-Maliki, accusé d’être "un dictateur".

"La crise politique a atteint son niveau le plus aigu depuis qu’elle a commencé, mais elle reste dans le cadre du jeu démocratique", estime l’analyste irakien Ihsan al-Chamari, professeur de sciences politiques à l’Université de Bagdad.

"Le pays est paralysé à tous les niveaux : il y a clairement une paralysie politique", tant au niveau du gouvernement que du Parlement, souligne-t-il. "Les gens sont déçus et redoutent les conséquences en matière de sécurité".

La crise, qui couvait depuis longtemps, s’est déclarée au grand jour en décembre, au moment du retrait des troupes américaines d’Irak. Le bloc Iraqiya, dominé par les sunnites, a annoncé un boycott du gouvernement et du Parlement pour protester contre la monopolisation du pouvoir par Maliki, un chiite.

Celui-ci a de son côté tenté d’évincer le vice-Premier ministre Saleh Mutlak, membre d’Iraqiya, qui l’avait accusé d’être "pire que Saddam Hussein". Le même mois, un mandat d’arrêt a été délivré contre le vice-président Tareq al-Hashemi, accusé d’avoir fomenté des meurtres. Mr. Hashemi, qui appartient également au bloc Iraqiya, a fui le pays et son procès par contumace est en cours à Bagdad.

Les dirigeants kurdes ne sont pas en reste et le président de la région autonome du Kurdistan, Massud Barzani, a attaqué à plusieurs reprises le chef du gouvernement ces derniers mois. Le différend a aussi une dimension économique, avec un bras de fer sur la répartition des recettes pétrolières entre région et autorités centrales.

Le chef religieux radical chiite Moqtada Sadr, dont la formation fait partie du gouvernement, de même qu’Iraqiya et les Kurdes, a également rejoint en début d’année les rangs des détracteurs de Maliki, qu’il a lui aussi qualifié de "dictateur".

Mais le ton s’est sensiblement durci ces dernières semaines, les détracteurs de Maliki évoquant désormais son éviction du gouvernement. Iraqiya a tenté de convaincre le président Jalal Talabani de lancer un vote de défiance.

"Si Maliki reste Premier ministre, cela menace l’unité nationale et conduira à la division du pays, à la poursuite de la corruption et à plus de violations des droits de l’Homme", a accusé samedi le vice-Premier ministre Saleh Mutlak, le qualifiant de nouveau de "dictateur".
"Nous appelons les forces politiques (...) à s’unir pour (lui) retirer la confiance et mettre fin à la dictature rampante en Irak", a-t-il ajouté.
"Maliki doit changer, ou il sera remplacé", a pour sa part prévenu récemment le chef de cabinet du dirigeant kurde Barzani, Fuwad Hussein.

L’intéressé a pour sa part affirmé samedi à l’issue d’une rencontre avec des chefs tribaux de la province disputée de Kirkouk (nord) que ceux-ci lui avaient apporté leur soutien.
L’étirement en longueur du conflit politique n’est pas sans conséquence sur le travail des institutions qui apparaissent paralysées.
Le Parlement n’a adopté aucune loi importante ces derniers mois, à l’exception du budget, laissant notamment de côté un texte sur les hydrocarbures jugé crucial pour l’avenir du pays. Et une grande conférence nationale, envisagée en décembre afin de désamorcer ces tensions, n’a toujours pas eu lieu.
L’impact est aussi économique. "L’économie se replie en raison des craintes croissantes des investisseurs", souligne le professeur Chamari.

Le député kurde indépendant Mahmud Othman estime aussi que "les problèmes (politiques) ont commencé à influer sur le commerce, la sécurité, tout" et appelle les responsables politiques à faire preuve de plus de responsabilité.
Le président Talabani, qui se dit également inquiet de "la gravité de la situation", a renouvelé son appel au dialogue, pour le moment en vain.

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