La crise politique qui accable l’Irak depuis des mois et paralyse
l’action de son gouvernement donne des signes d’aggravation avec des
appels répétés à la démission du Premier ministre Nouri al-Maliki,
accusé d’être "un dictateur".
"La crise politique a atteint son niveau le plus aigu depuis qu’elle a
commencé, mais elle reste dans le cadre du jeu démocratique", estime
l’analyste irakien Ihsan al-Chamari, professeur de sciences politiques à
l’Université de Bagdad.
"Le pays est paralysé à tous les niveaux : il y a clairement une
paralysie politique", tant au niveau du gouvernement que du Parlement,
souligne-t-il. "Les gens sont déçus et redoutent les conséquences en
matière de sécurité".
La crise, qui couvait depuis longtemps, s’est déclarée au grand jour
en décembre, au moment du retrait des troupes américaines d’Irak. Le
bloc Iraqiya, dominé par les sunnites, a annoncé un boycott du
gouvernement et du Parlement pour protester contre la monopolisation du
pouvoir par Maliki, un chiite.
Celui-ci a de son côté tenté d’évincer le vice-Premier ministre Saleh
Mutlak, membre d’Iraqiya, qui l’avait accusé d’être "pire que Saddam
Hussein". Le même mois, un mandat d’arrêt a été délivré contre le
vice-président Tareq al-Hashemi, accusé d’avoir fomenté des meurtres.
Mr. Hashemi, qui appartient également au bloc Iraqiya, a fui le pays et
son procès par contumace est en cours à Bagdad.
Les dirigeants kurdes ne sont pas en reste et le président de la
région autonome du Kurdistan, Massud Barzani, a attaqué à plusieurs
reprises le chef du gouvernement ces derniers mois. Le différend a aussi
une dimension économique, avec un bras de fer sur la répartition des
recettes pétrolières entre région et autorités centrales.
Le chef religieux radical chiite Moqtada Sadr, dont la formation fait
partie du gouvernement, de même qu’Iraqiya et les Kurdes, a également
rejoint en début d’année les rangs des détracteurs de Maliki, qu’il a
lui aussi qualifié de "dictateur".
Mais le ton s’est sensiblement durci ces dernières semaines, les
détracteurs de Maliki évoquant désormais son éviction du
gouvernement. Iraqiya a tenté de convaincre le président Jalal Talabani
de lancer un vote de défiance.
"Si Maliki reste Premier ministre, cela menace l’unité nationale et
conduira à la division du pays, à la poursuite de la corruption et à
plus de violations des droits de l’Homme", a accusé samedi le
vice-Premier ministre Saleh Mutlak, le qualifiant de nouveau de
"dictateur".
"Nous appelons les forces politiques (...) à s’unir pour (lui)
retirer la confiance et mettre fin à la dictature rampante en Irak",
a-t-il ajouté.
"Maliki doit changer, ou il sera remplacé", a pour sa part prévenu
récemment le chef de cabinet du dirigeant kurde Barzani, Fuwad Hussein.
L’intéressé a pour sa part affirmé samedi à l’issue d’une rencontre
avec des chefs tribaux de la province disputée de Kirkouk (nord) que
ceux-ci lui avaient apporté leur soutien.
L’étirement en longueur du conflit politique n’est pas sans
conséquence sur le travail des institutions qui apparaissent paralysées.
Le Parlement n’a adopté aucune loi importante ces derniers mois, à
l’exception du budget, laissant notamment de côté un texte sur les
hydrocarbures jugé crucial pour l’avenir du pays. Et une grande
conférence nationale, envisagée en décembre afin de désamorcer ces
tensions, n’a toujours pas eu lieu.
L’impact est aussi économique. "L’économie se replie en raison des
craintes croissantes des investisseurs", souligne le professeur Chamari.
Le député kurde indépendant Mahmud Othman estime aussi que "les
problèmes (politiques) ont commencé à influer sur le commerce, la
sécurité, tout" et appelle les responsables politiques à faire preuve de
plus de responsabilité.
Le président Talabani, qui se dit également inquiet de "la gravité de
la situation", a renouvelé son appel au dialogue, pour le moment en
vain.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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