samedi 2 juin 2012

Syrie : Pour Kofi Annan, la Syrie bascule dans un "conflit généralisé"

L’émissaire de la communauté internationale Kofi Annan a reproché samedi au président syrien Bashar al Assad de ne pas appliquer le plan de paix et il a accusé l’armée syrienne de commettre des atrocités, de procéder à des arrestations arbitraires en dépit du tollé que cela soulève à l’étranger.

Lors d’une réunion de la Ligue arabe à Doha, au Qatar, Kofi Annan a dressé un sombre tableau de la situation en Syrie, 15 mois après le début des premières manifestations anti-Assad, à la mi-mars 2011.
Il a notamment admis que les efforts entrepris par les Nations unies pour faire tenir le cessez-le-feu avaient échoué et a déclaré que le spectre d’un conflit généralisé en Syrie grandissait de jour en jour, risquant de déborder sur toute la région.

Des affrontements entre partisans et opposants au président syrien Bashar al Assad ont fait sept morts et 30 blessés, samedi à Tripoli, ville portuaire du nord du Liban, selon un médecin militaire présent sur les lieux. Le bilan de samedi est le plus lourd qui ait été enregistré en plusieurs semaines d’escarmouches à Tripoli.
Annan, ancien secrétaire général de l’Onu et lauréat du prix Nobel de la paix, dit avoir déclaré à Assad, "en des termes très directs et francs", lorsqu’ils se sont entretenus mardi dernier à Damas, qu’il devait mettre en oeuvre la totalité des six points du plan de paix.

"Il doit prendre des mesures audacieuses et tangibles, tout de suite, pour changer d’attitude sur le plan militaire et honorer son engagement de retirer les armes lourdes et de cesser toute violence", a dit Annan.
"Ce qui importe, ce ne sont pas les mots qu’il emploie, mais les mesures qu’il prend - maintenant".
"Des centaines de milliers de Syriens sont déplacés, à l’intérieur de leur pays. Au même moment, les détentions arbitraires continuent, et, de plus, les accusations importantes d’atteintes aux droits de l’homme", a-t-il continué.

"Le spectre d’une guerre généralisée, avec une dimension confessionnelle alarmante, grandit de jour en jour", a prévenu Kofi Annan.

Bourhan Ghalioun, du Conseil national syrien, a déclaré pour sa part à la réunion de Doha que "En soutenant le régime et le maintien en place d’Assad, la Russie est devenue une partie du problème plutôt qu’une partie de la solution. Si elle coopère à la recherche d’une formule permettant le départ d’Assad, elle deviendra une composante de la solution".

Le Premier ministre du Qatar, le cheikh Hamad bin Djassim al Thani, qui soutient l’insurrection armée en lutte contre le régime Assad, a estimé que Kofi Annan devait fixer une limite à la durée de sa mission.
Il a également demandé à ce que le Conseil de sécurité des Nations unies place le plan de paix d’Annan sous le régime du chapitre 7 de la charte de l’Onu, mesure qui pourrait autoriser un recours à la force.
"Nous souhaitons que le Conseil de sécurité place le plan en six points (de Kofi Annan) sous le chapitre 7. Nous, au sein de la communauté internationale, ne pouvons accepter que la situation perdure en l’état", a-t-il dit.

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Les pays de la Ligue arabe demandent un calendrier pour l’application du plan Annan
Les pays de la Ligue arabe ont demandé samedi à l’ONU de fixer un calendrier pour l’application du plan de l’émissaire international en Syrie Kofi Annan et à recourir au Chapitre VII de sa charte pour imposer à Damas des sanctions et la rupture des relations diplomatiques.
Dans un communiqué publié au terme d’une réunion extraordinaire, les ministres des Affaires étrangères des membres de la Ligue ont exhorté le Conseil de sécurité de l’ONU à "prendre les mesures nécessaires pour assurer une application totale et immédiate du plan de (...) Kofi Annan selon un calendrier bien défini, et ce en ayant recours au Chapitre VII de la Charte des Nations unies".
Par ce recours, les ministres demandent "la suspension partielle ou totale des relations économiques, des liaisons ferroviaires, maritimes, aériennes, postales, télégraphiques et de télécommunications et la rupture des relations diplomatiques" entre la Syrie et les autres pays, selon le communiqué.
Le Chapitre VII de la Charte des Nations unies prévoit aussi la possibilité d’un recours à la force en cas de menaces contre la paix.
"Nous n’avons demandé aucune action militaire" contre la Syrie, a répondu laconiquement le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil al-Arabi, interrogé par les journalistes sur la possibilité d’un recours à la force.
"C’est au Conseil de sécurité de décider des sanctions économiques ou d’aller au delà", a-t-il ajouté, faisant remarquer que trois pays membres (Irak, Algérie et Liban) avaient émis des réserves sur la référence faite dans le communiqué au Chapitre VII de la Charte.
"Nous demandons au Conseil de sécurité de placer les six points (du plan Annan) sous le chapitre VII pour que la communauté internationale assume ses responsabilités" vis-à-vis de la sanglante répression en Syrie, a déclaré peu auparavant le Premier ministre qatari, cheikh Hamad Ben Jassam Al-Thani.
En "l’absence de progrès" dans la mise en oeuvre de son plan, il a invité M. Annan à fixer un calendrier à sa mission "car il est inadmissible que les massacres et l’effusion de sang continuent alors que la mission se poursuit indéfiniment".
Selon lui, le régime de Bachar al-Assad "n’a pas appliqué le premier point (du plan Annan) et il a ignoré les autres points".
Le dirigeant qatari, qui s’exprimait lors d’une réunion d’un comité ministériel arabe restreint, a ajouté que "le régime syrien commet une erreur s’il parie sur la poursuite de sa politique" actuelle.
Le secrétaire général de la Ligue arabe a proposé par ailleurs de modifier le mandat des observateurs qui, au nombre de près de 300, sont chargés de superviser un cessez-le-feu, constamment violé depuis son entrée en vigueur le 12 avril.
"Une modification du mandat des observateurs ou la transformation (de ce corps) en une force de la paix sont des alternatives", afin "de superviser un arrêt de la violence", a déclaré Nabil al-Arabi.
"La violence a atteint des niveaux totalement inacceptables", a dénoncé de son côté Kofi Annan, ajoutant : "le spectre d’une guerre totale, ayant une dimension confessionnelle inquiétante, augmente au fil des jours".
Il a précisé avoir demandé au président Assad, qu’il a rencontré cette semaine à Damas, d’"agir maintenant pour appliquer tous les points du plan".
Le chef démissionnaire du Conseil national syrien (CNS), Burhan Ghalioun, présent à la réunion, a souligné que "le peuple syrien est plus que jamais déterminé à obtenir la chute du régime", devenu "un danger pour la sécurité et la stabilité du Proche-Orient".
Burhan Ghalioun a indiqué à l’AFP espérer "la mise en place d’une force arabe de dissuasion".
Il a par ailleurs annoncé que l’opposition syrienne, minée par ses divisions, devrait tenir "un congrès avant la fin du mois" pour unifier ses rangs.

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