L’émissaire de la communauté internationale Kofi Annan a reproché
samedi au président syrien Bashar al Assad de ne pas appliquer le plan
de paix et il a accusé l’armée syrienne de commettre des atrocités, de
procéder à des arrestations arbitraires en dépit du tollé que cela
soulève à l’étranger.
Lors d’une réunion de la Ligue arabe à Doha, au Qatar, Kofi Annan a
dressé un sombre tableau de la situation en Syrie, 15 mois après le
début des premières manifestations anti-Assad, à la mi-mars 2011.
Il a notamment admis que les efforts entrepris par les Nations unies
pour faire tenir le cessez-le-feu avaient échoué et a déclaré que le
spectre d’un conflit généralisé en Syrie grandissait de jour en jour,
risquant de déborder sur toute la région.
Des affrontements entre partisans et opposants au président syrien
Bashar al Assad ont fait sept morts et 30 blessés, samedi à Tripoli,
ville portuaire du nord du Liban, selon un médecin militaire présent sur
les lieux. Le bilan de samedi est le plus lourd qui ait été enregistré
en plusieurs semaines d’escarmouches à Tripoli.
Annan, ancien secrétaire général de l’Onu et lauréat du prix Nobel de
la paix, dit avoir déclaré à Assad, "en des termes très directs et
francs", lorsqu’ils se sont entretenus mardi dernier à Damas, qu’il
devait mettre en oeuvre la totalité des six points du plan de paix.
"Il doit prendre des mesures audacieuses et tangibles, tout de suite,
pour changer d’attitude sur le plan militaire et honorer son engagement
de retirer les armes lourdes et de cesser toute violence", a dit Annan.
"Ce qui importe, ce ne sont pas les mots qu’il emploie, mais les mesures qu’il prend - maintenant".
"Des centaines de milliers de Syriens sont déplacés, à l’intérieur de
leur pays. Au même moment, les détentions arbitraires continuent, et,
de plus, les accusations importantes d’atteintes aux droits de l’homme",
a-t-il continué.
"Le spectre d’une guerre généralisée, avec une dimension
confessionnelle alarmante, grandit de jour en jour", a prévenu Kofi
Annan.
Bourhan Ghalioun, du Conseil national syrien, a déclaré pour sa part à
la réunion de Doha que "En soutenant le régime et le maintien en place
d’Assad, la Russie est devenue une partie du problème plutôt qu’une
partie de la solution. Si elle coopère à la recherche d’une formule
permettant le départ d’Assad, elle deviendra une composante de la
solution".
Le Premier ministre du Qatar, le cheikh Hamad bin Djassim al Thani,
qui soutient l’insurrection armée en lutte contre le régime Assad, a
estimé que Kofi Annan devait fixer une limite à la durée de sa mission.
Il a également demandé à ce que le Conseil de sécurité des Nations
unies place le plan de paix d’Annan sous le régime du chapitre 7 de la
charte de l’Onu, mesure qui pourrait autoriser un recours à la force.
"Nous souhaitons que le Conseil de sécurité place le plan en six
points (de Kofi Annan) sous le chapitre 7. Nous, au sein de la
communauté internationale, ne pouvons accepter que la situation perdure
en l’état", a-t-il dit.
***
Les pays de la Ligue arabe demandent un calendrier pour l’application du plan Annan
Les pays de la Ligue arabe ont demandé samedi à l’ONU de fixer un
calendrier pour l’application du plan de l’émissaire international en
Syrie Kofi Annan et à recourir au Chapitre VII de sa charte pour imposer
à Damas des sanctions et la rupture des relations diplomatiques.
Dans un communiqué publié au terme d’une réunion extraordinaire, les
ministres des Affaires étrangères des membres de la Ligue ont exhorté le
Conseil de sécurité de l’ONU à "prendre les mesures nécessaires pour
assurer une application totale et immédiate du plan de (...) Kofi Annan
selon un calendrier bien défini, et ce en ayant recours au Chapitre VII
de la Charte des Nations unies".
Par ce recours, les ministres demandent "la suspension partielle ou
totale des relations économiques, des liaisons ferroviaires, maritimes,
aériennes, postales, télégraphiques et de télécommunications et la
rupture des relations diplomatiques" entre la Syrie et les autres pays,
selon le communiqué.
Le Chapitre VII de la Charte des Nations unies prévoit aussi la
possibilité d’un recours à la force en cas de menaces contre la paix.
"Nous n’avons demandé aucune action militaire" contre la Syrie, a
répondu laconiquement le secrétaire général de la Ligue arabe, Nabil
al-Arabi, interrogé par les journalistes sur la possibilité d’un recours
à la force.
"C’est au Conseil de sécurité de décider des sanctions économiques ou
d’aller au delà", a-t-il ajouté, faisant remarquer que trois pays
membres (Irak, Algérie et Liban) avaient émis des réserves sur la
référence faite dans le communiqué au Chapitre VII de la Charte.
"Nous demandons au Conseil de sécurité de placer les six points (du
plan Annan) sous le chapitre VII pour que la communauté internationale
assume ses responsabilités" vis-à-vis de la sanglante répression en
Syrie, a déclaré peu auparavant le Premier ministre qatari, cheikh Hamad
Ben Jassam Al-Thani.
En "l’absence de progrès" dans la mise en oeuvre de son plan, il a
invité M. Annan à fixer un calendrier à sa mission "car il est
inadmissible que les massacres et l’effusion de sang continuent alors
que la mission se poursuit indéfiniment".
Selon lui, le régime de Bachar al-Assad "n’a pas appliqué le premier point (du plan Annan) et il a ignoré les autres points".
Le dirigeant qatari, qui s’exprimait lors d’une réunion d’un comité
ministériel arabe restreint, a ajouté que "le régime syrien commet une
erreur s’il parie sur la poursuite de sa politique" actuelle.
Le secrétaire général de la Ligue arabe a proposé par ailleurs de
modifier le mandat des observateurs qui, au nombre de près de 300, sont
chargés de superviser un cessez-le-feu, constamment violé depuis son
entrée en vigueur le 12 avril.
"Une modification du mandat des observateurs ou la transformation (de
ce corps) en une force de la paix sont des alternatives", afin "de
superviser un arrêt de la violence", a déclaré Nabil al-Arabi.
"La violence a atteint des niveaux totalement inacceptables", a
dénoncé de son côté Kofi Annan, ajoutant : "le spectre d’une guerre
totale, ayant une dimension confessionnelle inquiétante, augmente au fil
des jours".
Il a précisé avoir demandé au président Assad, qu’il a rencontré
cette semaine à Damas, d’"agir maintenant pour appliquer tous les points
du plan".
Le chef démissionnaire du Conseil national syrien (CNS), Burhan
Ghalioun, présent à la réunion, a souligné que "le peuple syrien est
plus que jamais déterminé à obtenir la chute du régime", devenu "un
danger pour la sécurité et la stabilité du Proche-Orient".
Burhan Ghalioun a indiqué à l’AFP espérer "la mise en place d’une force arabe de dissuasion".
Il a par ailleurs annoncé que l’opposition syrienne, minée par ses
divisions, devrait tenir "un congrès avant la fin du mois" pour unifier
ses rangs.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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