La réouverture à Bagdad du Musée national a redonné
fierté et orgueil aux Irakiens, privés du fleuron de leur patrimoine
depuis douze ans et marqués par les destructions récentes de sculptures
préislamiques inestimables par des djihadistes à Mossoul. En réponse aux
actes du groupe État islamique (EI), qui a réduit à néant des oeuvres
du riche patrimoine antique irakien à l'aide de burins et de
marteaux-piqueurs, les autorités irakiennes ont voulu hâter la
réouverture du musée de Bagdad, pillé et vandalisé en 2003. Cette
précipitation a surpris jusqu'aux Bagdadis, qui n'étaient qu'une
centaine à avoir passé les portes de l'établissement dimanche matin, au
premier jour d'ouverture.
Certaines des pièces exposées dans ce nouvel écrin font partie de celles
qui avaient été pillées dans le musée alors que Bagdad s'enfonçait dans
le chaos au moment de l'intervention américaine contre Saddam Hussein
en 2003. Avant cette date, le fonds archéologique du musée de Bagdad
était considéré comme l'un des plus riches au monde. Seulement un
cinquième des oeuvres dérobées a été récupéré.
Employée du ministère de l'Éducation, Oum Ahmed a visité le musée pour
la première fois dimanche. "J'ai toujours pensé que je devais aller voir
ce musée", dit-elle en marchant lentement le long d'une série de neuf
dalles montrant le roi assyrien Sargon. "Ce sont des chefs d'oeuvre, je
ne me suis jamais sentie aussi fière." "Cela fait une heure et demie que
je suis là et je prévois de revenir, je ne m'en lasse pas",
ajoute-t-elle en regardant, admirative, les statues de souverains qui
régnaient il y a des millénaires sur ce qu'est l'Irak aujourd'hui.
Attiré par une oeuvre représentant le roi sumérien Ur-Nammu, qui aurait
donné au monde son premier code de justice il y a environ 4 000 ans,
Hassan Ali a, lui aussi, profité de la réouverture pour découvrir un
musée pillé alors qu'il n'avait que neuf ans. "Ur-Nammu figure toujours
dans nos livres et nos cours, il fallait qu'on vienne le voir", assure
cet étudiant en droit, accompagné de deux amis. "On est fiers que ces
civilisations se trouvent dans notre pays."
Pour l'universitaire américain Charles E. Jones, qui a travaillé à
récupérer les biens volés en 2003, voir ce musée rouvert est tout
bonnement "extraordinaire". "Après avoir été invisibles pendant une
génération, les collections sans égales qu'abritent ses galeries sont
désormais accessibles au public", se réjouit-il. "Il s'agit vraiment
d'un des grands musées du monde." La réouverture s'est faite si vite que
le musée lui-même n'était pas tout à fait prêt : certains murs sont
encore en réfection, d'autres sans éclairage. Des oeuvres anciennes
s'entassent dans une pièce à l'écart. Une sortie de sécurité était
ouverte et sans surveillance.
Les images montrant des djihadistes détruisant des biens culturels
inestimables à Mossoul, diffusées jeudi, ont choqué les Irakiens. Un
djihadiste a indiqué devant la caméra qu'ils détruisaient les statues
car elles favorisaient "l'idolâtrie". Mais des responsables et des
experts estiment que l'EI a détruit uniquement des pièces volumineuses,
se gardant les autres plus petites pour les vendre probablement en
contrebande.
Grâce au musée de Bagdad, les Irakiens peuvent maintenant se
réapproprier les richesses de leurs glorieuses civilisations, pour la
somme d'un dollar le ticket d'entrée et sans avoir à se rendre au Louvre
à Paris ou au British Museum à Londres. À l'heure où le pays est
déchiré par des violences confessionnelles et communautaires, le symbole
offert par ce patrimoine commun est fort. "La politique nous a séparés,
mais voilà quelque chose qui peut nous rassembler", confie un jeune
guide, Junaid Amer Hamid, à l'entrée du musée.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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