La création d'une force multinationale va dominer le sommet des chefs
d'Etat de la Ligue arabe qui s'est ouvert samedi en Egypte, au moment où
l'intervention militaire d'une coalition arabe au Yémen contre une
rébellion chiite est perçue comme un "coup d'essai" de ce projet.
Depuis plusieurs semaines, c'est le président égyptien Abdel Fattah
al-Sissi qui réclamait avec le plus d'insistance cette force arabe pour
lutter contre les groupes "terroristes", en particulier l'organisation
Etat islamique (EI), qui multiplie les atrocités en Irak et en Syrie et
gagne du terrain en Libye et en Egypte dans le Sinaï.
Mais plus que le groupe extrémiste sunnite, c'est la crainte de voir le
grand rival iranien chiite étendre son influence dans la région qui
pourrait obliger les pays arabes à surmonter leurs dissensions et
entériner à Charm el-Cheikh la création d'une force militaire conjointe.
Conduite par Ryad, une coalition arabe regroupant notamment cinq pays du
Golfe et l'Egypte, a lancé jeudi des frappes aériennes au Yémen pour
stopper l'avancée des rebelles chiites Houthis, soutenus par l'Iran et
qui tentent de s'emparer du pouvoir.
Le président yéménite Abd Rabbo Mansour Hadi est arrivé vendredi en Egypte pour participer aux deux jours de sommet.
L'émir du Koweït, les rois de Jordanie et du Bahreïn, les présidents de
la Tunisie et de l'Autorité palestinienne, le chef du parlement libyen
reconnu par la communauté internationale, ainsi que le secrétaire
général de l'ONU, seront notamment présents à Charm el-Cheikh.
Dès vendredi, des patrouilles de police et de l'armée étaient déployées
dans les rues, tandis que des avions militaires survolaient cette
station balnéaire de la mer Rouge, selon un journaliste de l'AFP.
Si le conflit israélo-palestinien et la progression de l'EI sont
également au menu, le point focal des débats est indéniablement la
création d'une force multinationale arabe, dont le besoin avait été
qualifié de "pressant" par la Ligue.
Les chefs d'Etat devraient d'ailleurs adopter un projet de résolution
égyptien déjà approuvé par les chefs de diplomatie arabes jeudi durant
une réunion de préparation.
Le texte indique que la force, regroupant des troupes des Etats membres,
sera chargée de mener "des interventions militaires rapides" pour parer
aux menaces sécuritaires planant sur les pays arabes.
L'Egypte --qui dispose de l'armée la plus nombreuse et parmi les mieux
équipées du monde arabe-- s'affiche comme le fer de lance de cette force
au moment où son aviation et sa marine participent à l'intervention au
Yémen.
Le gouvernement égyptien s'est dit prêt à envoyer des troupes au sol si cela s'avérait nécessaire.
Pour Mathieu Guidère, professeur de géopolitique arabe à l'université de
Toulouse (France), l'opération au Yémen représente "un coup d'essai
pour la future force arabe d'intervention rapide".
"Cette opération donne une idée des contours de cette force",
ajoute-t-il, avant de préciser que "certains comme l'Egypte ou la
Jordanie" pourraient par la suite apporter "des troupes générales
(artillerie) ou particulières (forces spéciales)".
Mais les divergences de points de vue entre les 22 membres de la Ligue pourraient ralentir le processus.
"Il est important que cette force ait des objectifs spécifiques, ainsi
qu'un plan et un programme clairs", avertit un diplomate yéménite
s'exprimant sous le couvert de l'anonymat.
Oraib al-Rentawi, directeur du centre Al-Qods pour les études
politiques, estime ainsi que si la priorité de l'Arabie saoudite reste
de "faire face à l'influence grandissante de l'Iran dans la région",
l'Egypte et la Jordanie veulent en revanche "lutter contre le
terrorisme".
Car c'est l'expansion de l'EI dans l'est de la Libye qui inquiète
réellement Le Caire, déjà en lutte contre sa branche égyptienne dans le
Sinaï.
Le président Sissi, l'ex-chef de l'armée élu président après avoir
destitué l'islamiste Mohamed Morsi en 2013, avait envoyé en février ses
avions de combat bombarder des positions de l'EI en Libye, pour venger
la décapitation d'Egyptiens coptes.
"Pour l'instant, l'EI passe au second plan face à la menace d'extension
du pouvoir chiite au Yémen, qui risque de modifier profondément la
géopolitique de la région", estime M. Guidère, précisant cependant
qu'une intervention en Libye "dépendra du succès de l'intervention au
Yémen."
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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