Bashar al-Assad a appelé lundi
les Etats-Unis à joindre les actes à la parole tandis que des opposants
s'offusquaient après les propos de John Kerry affirmant que Washington
devait négocier avec le régime.
Les propos de M. Kerry ont été rapidement nuancés par une porte-parole
du département d'Etat, qui a démenti tout changement de la position
américaine et précisé qu'il n'y avait "pas d'avenir pour un dictateur
brutal comme Assad en Syrie".
Les alliés des Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne, se sont
empressés de se démarquer des propos de M. Kerry, Paris affirmant que Assad "ne peut s'inscrire" dans le cadre d'un règlement négocié et
Londres soulignant qu'il n'avait "pas sa place" dans l'avenir du pays.
Mais à Damas, la presse a interprété ces déclarations comme un
revirement de la politique américaine, même si Assad a souligné qu'il
fallait attendre pour voir s'ils allaient être suivis d'une action
concrète.
"Nous écoutons toujours les déclarations. Nous devons attendre les actes
et à ce moment-là on décidera", a affirmé Bashar à une chaîne
iranienne, selon des propos reproduits par l'agence officielle Sana.
Depuis le début de la révolte en mars 2011, le pouvoir syrien a accusé
les pays occidentaux, Etats-Unis en tête, ainsi que les pays du Golfe et
la Turquie de soutenir et de financer le "terrorisme" en Syrie, en
référence à la rébellion.
Lundi, toujours ce même Bashar a réaffirmé que tout changement de politique impliquait
la fin de ce soutien. "Tout changement international qui intervient à ce
niveau serait une chose positive s'il est sincère et effectif", a-t-il
dit.
"Au final, il faudra négocier. Nous avons toujours été pour les
négociations dans le cadre du processus (de paix) de Genève I", avait
déclaré M. Kerry dans une interview diffusée sur la chaîne de télévision
CBS dimanche
Le document de Genève, rédigé à l'été 2012 entre les grandes puissances,
--notamment les Etats-Unis et la Russie, qui soutient Damas-- a appelé à
un gouvernement de transition ayant les pleins pouvoirs, sans évoquer
clairement le sort de Assad.
Le régime a toujours catégoriquement refusé tout départ d'Assad, alors
que pour l'opposition affirme qu'il n'a aucun rôle à jouer dans l'avenir
du pays.
Dans son interview, M. Kerry n'a pas évoqué l'avenir du président mais a
parlé de pressions pour l'amener à la table des négociations.
Washington travaille à "relancer" les efforts visant à trouver une
solution politique, a-t-il précisé.
La presse syrienne n'a pas caché sa satisfaction. "C'est une nouvelle
reconnaissance de la légitimité du président Assad, de son rôle clé, de
sa popularité et par conséquent de la nécessité de négocier avec lui",
selon le quotidien privé al-Watan proche du pouvoir. "L'administration
américaine a enfin reconnu qu'elle ne pouvait pas faire partir le
président Assad par la force militaire".
Le journal a estimé en outre que les propos de M. Kerry ouvraient "une
nouvelle étape dans les négociations politiques", évoquant la
possibilité qu'un "émissaire américain" se rende "à Moscou le 6 avril
pour participer aux efforts russes visant à trouver une solution.
Les propos de M. Kerry interviennent après ceux du directeur de la CIA
John Brennan, selon qui les Etats-Unis craignaient un effondrement des
institutions en Syrie qui laisserait le champ libre aux extrémistes
islamistes.
La consternation prédominait lundi du côté de l'opposition et des militants anti-régime.
La coalition de l'opposition en exil a rappelé que "la chute du régime
et de tous les responsables des crimes commis contre le peuple syrien"
restait son "principal objectif".
Pour Samir Nashar, un membre de cette coalition, il s'agit d'"un test"
et M. Kerry a tenu volontairement des propos ambigus afin de laisser la
porte ouverte à l'implication d'Assad dans toute solution politique".
"Depuis le début, les Américains ont lâché la révolution", a réagi via
internet Abou Adel, un militant de Jobar, quartier rebelle de l'est de
Damas pilonné quotidiennement par l'aviation du régime. "Mais nous
n'accepterons pas qu'Assad reste au pouvoir après les dizaines de
milliers de martyrs".
Sur Twitter, certains ont qualifié les propos de "bombe", accusant M.
Kerry de proposer un dialogue avec un "tueur d'enfants". "Qui est Kerry
pour décider de l'avenir du peuple syrien?", s'exclame un autre
internaute syrien.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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