mercredi 25 mars 2015

Maroc : Rabat veut s'afficher en maillon fort dans la lutte antijihadiste

Fort de ses opérations antijihadistes mais aussi de son encadrement du champ religieux, le Maroc veut s'afficher comme un maillon fort de la lutte antiterroriste après l'attaque de Tunis, qui ravive les craintes d'attentats au Maghreb.
En 12 ans, de 2002 à 2015, le Maroc a démantelé 132 "cellules terroristes", arrêté 2.720 suspects et fait avorter "276 projets d'actes terroristes", a affirmé lundi à la presse Abdelhak Khiam, le directeur du Bureau central des investigations judiciaires (BCIJ), structure inaugurée trois jours plus tôt et qualifiée de "FBI marocain" par les médias.
Les autorités avaient annoncé le 23 mars le démantèlement, le dernier en date, d'une vaste cellule opérant dans une dizaine de villes au total. Ayant prêté allégeance au groupe État islamique (EI), ses membres s'apprêtaient, selon Rabat, à viser des "personnalités" marocaines.
Le Maroc, où les affaires de terrorisme en justice ont plus que doublé en 2014, est "dans un état de veille permanent", a récemment assuré le porte-parole du gouvernement, Mustapha Khalfi. L'an dernier, un nouveau dispositif de sécurité nommé "vigilance" avait été inauguré.
Le Maroc est "le pays le plus stable de la région" et apparaît notamment moins menacé que ceux "qui partagent des frontières avec la Libye", en proie au chaos, avance le directeur du Centre marocain d'études et de recherches statégiques (CMERS), Tarik Tlaty.
Mais parmi les explications figure aussi la "qualité" de ses services de sécurité, lesquels ont acquis "une compétence remontant aux années 1990 avec les combattants (marocains) en Afghanistan", affirme Louis Caprioli, ancien sous-directeur à la Direction française de la surveillance du territoire (DST).
Le royaume dispose, de surcroît, "d'une base de données complète sur ce phénomène", qu'il partage avec ses alliés occidentaux, relève le directeur du Centre maghrébin des études sécuritaires et d'analyses des politiques (CMESAP), Manar Slimi.
En début d'année, la fin de la longue brouille diplomatique avec la France a été présentée par des médias locaux comme une expression de la volonté française de reprendre au plus vite une pleine coopération sécuritaire avec Rabat, dans le sillage des attentats de Paris.
L'approche sécuritaire marocaine s'est aussi doublée, ces dernières années, d'une vaste réforme du champ religieux.
Doté de près de 20 millions d'euros, un programme de formation d'imams a été lancé en 2008 afin de promouvoir un islam "tolérant" et non violent, basé sur le rite malékite, le rite officiel de l'islam sunnite au Maroc.
Ce projet a depuis suscité l'intérêt de plusieurs pays, dont le Mali, et un accord a été signé en 2013 avec Bamako pour la formation de 500 imams maliens.
Rabat est également parvenu à réinsérer certains prédicateurs arrêtés et condamnés dans la foulée des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca, comme Mohamed Fizazi, considéré comme un des théoriciens du salafisme jihadiste, un mouvement islamiste radical.
Perpétré par 12 kamikazes issus des bidonvilles de Sidi Moumen, à Casablanca, ces attaques avaient fait 33 morts et profondément marqué le royaume.
Après s'être désolidarisé des attentats pendant son procès, M. Fizazi a été gracié en 2011 avant de tenir un prêche inédit l'an dernier devant le roi Mohammed VI, lors duquel il a insisté sur "l'importance de la sécurité et de la stabilité pour exercer sa foi".
Pour autant, "aucun pays n'est à l'abri" d'une action jihadiste, relève Manar Slimi.
Huit ans après Casablanca, Marrakech a à son tour été visé en 2011. L'attentat à la bombe, perpétré contre un café de la célèbre place Jemaa el-Fna, a fait 16 morts dont huit touristes français.
Ces derniers mois, le Maroc n'a d'ailleurs pas masqué son inquiétude face à la montée du fléau jihadiste: avec près de 2.000 ressortissants ayant rejoint les rangs d'organisations comme l'EI, il fait partie des pays les plus touchés.
Alors que le chômage continue de frapper près d'un jeune Marocain sur trois, selon la Banque mondiale, le royaume est d'autant plus préoccupé par le contexte régional que le tourisme, qui constitue un secteur vital de son économie, pourrait en subir les conséquences.

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