Fort de ses opérations antijihadistes mais aussi de son encadrement du
champ religieux, le Maroc veut s'afficher comme un maillon fort de la
lutte antiterroriste après l'attaque de Tunis, qui ravive les craintes
d'attentats au Maghreb.
En 12 ans, de 2002 à 2015, le Maroc a démantelé 132 "cellules
terroristes", arrêté 2.720 suspects et fait avorter "276 projets d'actes
terroristes", a affirmé lundi à la presse Abdelhak Khiam, le directeur
du Bureau central des investigations judiciaires (BCIJ), structure
inaugurée trois jours plus tôt et qualifiée de "FBI marocain" par les
médias.
Les autorités avaient annoncé le 23 mars le démantèlement, le dernier en
date, d'une vaste cellule opérant dans une dizaine de villes au total.
Ayant prêté allégeance au groupe État islamique (EI), ses membres
s'apprêtaient, selon Rabat, à viser des "personnalités" marocaines.
Le Maroc, où les affaires de terrorisme en justice ont plus que doublé
en 2014, est "dans un état de veille permanent", a récemment assuré le
porte-parole du gouvernement, Mustapha Khalfi. L'an dernier, un nouveau
dispositif de sécurité nommé "vigilance" avait été inauguré.
Le Maroc est "le pays le plus stable de la région" et apparaît notamment
moins menacé que ceux "qui partagent des frontières avec la Libye", en
proie au chaos, avance le directeur du Centre marocain d'études et de
recherches statégiques (CMERS), Tarik Tlaty.
Mais parmi les explications figure aussi la "qualité" de ses services de
sécurité, lesquels ont acquis "une compétence remontant aux années 1990
avec les combattants (marocains) en Afghanistan", affirme Louis
Caprioli, ancien sous-directeur à la Direction française de la
surveillance du territoire (DST).
Le royaume dispose, de surcroît, "d'une base de données complète sur ce
phénomène", qu'il partage avec ses alliés occidentaux, relève le
directeur du Centre maghrébin des études sécuritaires et d'analyses des
politiques (CMESAP), Manar Slimi.
En début d'année, la fin de la longue brouille diplomatique avec la
France a été présentée par des médias locaux comme une expression de la
volonté française de reprendre au plus vite une pleine coopération
sécuritaire avec Rabat, dans le sillage des attentats de Paris.
L'approche sécuritaire marocaine s'est aussi doublée, ces dernières années, d'une vaste réforme du champ religieux.
Doté de près de 20 millions d'euros, un programme de formation d'imams a
été lancé en 2008 afin de promouvoir un islam "tolérant" et non
violent, basé sur le rite malékite, le rite officiel de l'islam sunnite
au Maroc.
Ce projet a depuis suscité l'intérêt de plusieurs pays, dont le Mali, et
un accord a été signé en 2013 avec Bamako pour la formation de 500
imams maliens.
Rabat est également parvenu à réinsérer certains prédicateurs arrêtés et
condamnés dans la foulée des attentats du 16 mai 2003 à Casablanca,
comme Mohamed Fizazi, considéré comme un des théoriciens du salafisme
jihadiste, un mouvement islamiste radical.
Perpétré par 12 kamikazes issus des bidonvilles de Sidi Moumen, à
Casablanca, ces attaques avaient fait 33 morts et profondément marqué le
royaume.
Après s'être désolidarisé des attentats pendant son procès, M. Fizazi a
été gracié en 2011 avant de tenir un prêche inédit l'an dernier devant
le roi Mohammed VI, lors duquel il a insisté sur "l'importance de la
sécurité et de la stabilité pour exercer sa foi".
Pour autant, "aucun pays n'est à l'abri" d'une action jihadiste, relève Manar Slimi.
Huit ans après Casablanca, Marrakech a à son tour été visé en 2011.
L'attentat à la bombe, perpétré contre un café de la célèbre place Jemaa
el-Fna, a fait 16 morts dont huit touristes français.
Ces derniers mois, le Maroc n'a d'ailleurs pas masqué son inquiétude
face à la montée du fléau jihadiste: avec près de 2.000 ressortissants
ayant rejoint les rangs d'organisations comme l'EI, il fait partie des
pays les plus touchés.
Alors que le chômage continue de frapper près d'un jeune Marocain sur
trois, selon la Banque mondiale, le royaume est d'autant plus préoccupé
par le contexte régional que le tourisme, qui constitue un secteur vital
de son économie, pourrait en subir les conséquences.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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