En l'absence de forces de sécurité, des groupes armés circulant parfois à
bord de chars d'assaut, faisaient samedi la loi à Aden, deuxième ville
du Yémen, dans le sud, plongée dans un chaos total au milieu de tirs et
d'explosions.
Dans l'après-midi, toute la ville a tremblé à la suite de puissantes
explosions survenues dans un grand dépôt d'armes, situé dans une cave de
la montagne Jebel Hadid, non loin du port.
Livré depuis vendredi aux pilleurs, ce dépôt a été le théâtre d'affrontements avant les déflagrations, selon des témoins.
Dans tout le secteur, de nombreuses vitres ont volé en éclats et des
maisons ont été endommagées, tandis que des colonnes de fumée
s'élevaient vers le ciel, ont indiqué des habitants.
Le dépôt appartient à l'armée yéménite, mais ses soldats l'avaient
déserté, alors qu'Aden sombrait dans l'anarchie après le départ
précipité jeudi du président Abd Rabbo Mansour Hadi, dans la ligne de
mire de rebelles chiites Houthis et de leurs alliés (des militaires
fidèles à l'ex-président Ali Abdallah Saleh) qui avançaient vers la
ville.
"Nous avons retiré jusqu'ici 14 corps carbonisés et il y a, selon nos
informations, d'autres cadavres à l'intérieur", a déclaré à l'AFP le
directeur du département municipal de la Santé, Al-Kheder Lassouar.
Un précédent bilan faisait état de neuf corps.
Des pilleurs ont accusé des Houthis et leurs alliés présents dans la ville, d'être à l'origine des explosions.
"Les Houthis et les gens de Saleh ont fait explosé le dépôt. Ils ne
veulent pas que nous mettions la main sur ces armes pour les combattre",
a affirmé l'un d'eux.
Un vice-gouverneur d'Aden, Nayef Al-Bekri, donne la même explication.
"L'arrivée des Houthis à Aden a provoqué le chaos. Ils veulent prendre
le contrôle de la ville par la force", a-t-il déclaré à l'AFP.
Alors que le bilan de trois jours d'affrontements entre groupes rivaux
s'établissait samedi à au moins 75 morts, les habitants d'Aden se
terraient chez eux, a rapporté un correspondant de l'AFP.
Les
commerces étaient fermés dans la plupart des quartiers et les
principaux axes routiers étaient tenus par des factions rivales.
De jeunes volontaires se sont constitués en comités de défense de leurs
quartiers. Ils font face aux miliciens Houthis qui ont brusquement fait
leur apparition à Aden, où s'était retranché le président Hadi, après sa
fuite de la capitale Sanaa en février.
Certains arborent fièrement des Kalashnikov, d'autres des
lance-roquettes RPG. Dans une rue, deux jeunes ploient sous une caisse
de munitions qu'ils s'entraident à porter sur leurs épaules.
Soudain, des tirs partent vers le ciel: "J'essaie ma nouvelle
Kalashnikov", dit l'auteur de la rafale, avec un brin de gaieté, mais
aussi d'inconscience.
Certaines artères sont jonchées de pneus. Ailleurs, ce sont des blocs de
pierre qui barrent des rues totalement désertes. Et, parfois, à un
croisement, un char d'assaut surgit sans qu'on sache qui sont ses
occupants.
Les
sécessionnistes du Mouvement sudiste (il y avait deux Yémen jusqu'en
1990) ont profité du chaos ambiant pour rappeler leur présence dans la
ville et leurs drapeaux ont flotté au vent à Aden ces derniers jours.
C'était le cas sur certains chars de combat.
Le complexe de l'administration locale, la télévision et la radio sont
parmi les rares bâtiments à être encore gardés par la police militaire.
(28-03-2015)
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