mardi 24 mars 2015

Tunisie: Devant le Bardo, "montrer l'image d'un peuple debout"

"Nous voulons montrer l'image d'un peuple debout", martèle Amel Smaoui, une journaliste tunisienne. Mardi, moins d'une semaine après l'attentat, jusqu'à 300 personnes se sont rassemblées devant le musée du Bardo, certaines exprimant toutefois leur déception face au report de sa réouverture.
Si la réouverture au public du principal musée du pays, prévue mardi, a été reportée sine die, une cérémonie officielle reste programmée dans l'après-midi pour les médias et des personnalités.
Des internautes tunisiens avaient dans le même temps appelé à un rassemblement devant le Bardo sous le mot d'ordre "Ils ont voulu tuer la culture, ils ont touché un symbole. Ils ont voulu nous faire peur, ils ont échoué".
"Je trouvais ça dommage que le musée +ouvre+ en catimini. Il s'agit de montrer une image positive, de contrer l'effet voulu" par les auteurs de l'attentat, explique à l'AFP Amel Smaoui, une des organisatrices.
Sous une pluie intermittente, l'atmosphère qui se dégage de la petite foule paraît presque festive. Des employés dans le secteur du tourisme dansent au son de tambourins. D'autres ont ramené trois chameaux.
Quelques dizaines de personnes, essentiellement des guides touristiques et des journalistes, ont pu accéder à l'intérieur de l'enceinte où se trouvent le musée et le Parlement. Mais l'essentiel des manifestants est à l'extérieur, brandissant des pancartes "Visit Tunisia", "Nous sommes Bardo", et reprenant en choeur le slogan "Tunisie libre, terrorisme dehors".
"Je suis là par amour pour la Tunisie et pour défier le terrorisme. Je ne veux pas que les touristes fuient. Il fallait que nous venions pour donner l'exemple", dit Najet Nouri, une quadragénaire.
Installé dans le pays depuis deux ans, Philippe Dedrie, chef d'entreprise français d'une cinquantaine d'années, est venu "par solidarité". "Je me sens Tunisien. (...) Si j'avais peur, je ne serais pas là. Ce qui s'est passé est un acte sans frontières", avance-t-il.
Venue visiter le musée avant de rebrousser chemin, faute d'ouverture au public, une touriste française, Eliane Cotton, acquiesce. "Non, je n'ai pas peur. Ce n'est pas plus sûr à Paris", juge-t-elle.
Même tonalité chez une compatriote, Marie-Christine, la soixantaine: "On continue d'aller à Paris après Charlie Hebdo (l'attaque contre le journal début janvier, ndlr). Pourquoi donnerait-on raison aux terroristes?".
Ezzedine Bejaoui, 58 ans, qui travaille pour une agence de voyages au port de la Goulette, admet toutefois avoir "peur pour le tourisme".
"C'est un énorme coup. Les gens, je les avais vus sortir (des bateaux de croisière) le matin en riant et en se prenant en photo. J'ai le coeur en miettes", dit-il.
Héros d'un jour pour avoir permis d'exfiltrer 30 touristes italiens du musée lors du drame, Hamadi Ben Abdessalam parle "de grande catastrophe si les bateaux ne reviennent pas", le tourisme constituant un secteur vital pour la fragile économie tunisienne.
Devant le musée, un sentiment d'improvisation se dégage par ailleurs du report de l'ouverture au public, pour des "raisons de sécurité" selon les uns, de "travaux à finir" pour d'autres.
A la hâte, la police renforce le dispositif de sécurité en installant de nouvelles barrières. La route longeant le musée est finalement fermée à la circulation.
"On veut déranger les gens au minimum. La sécurité est garantie, avec l'aide de Dieu", assure un responsable de la police.
Un petit groupe de lycéens qui n'a jamais visité le musée exprime son agacement.
"On vient pour un acte symbolique et on trouve la porte fermée. (...) Soyez ponctuels, au moins devant les étrangers! Nous, on peut revenir", s'emporte Inès el-Béchir, 17 ans.
Une Tunisienne brandit le drapeau national devant le musée du Bardo lors d'une manifestation le 24 mars 2015 contre l'attentat qui a fait 21 morts dans le musée le 18 mars"Les gens ne vont jamais au musée (en Tunisie), alors quand ils viennent pour défier (le terrorisme) laissez-les entrer!", lance-t-elle.
"Il y a eu cafouillage, mais je dis aux gens qui s'en plaignent qu'il ne faut pas se tromper d'ennemi", tempère la journaliste Amel Smaoui.

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