"Nous voulons montrer l'image d'un peuple debout", martèle Amel Smaoui,
une journaliste tunisienne. Mardi, moins d'une semaine après l'attentat,
jusqu'à 300 personnes se sont rassemblées devant le musée du Bardo,
certaines exprimant toutefois leur déception face au report de sa
réouverture.
Si la réouverture au public du principal musée du pays, prévue mardi, a
été reportée sine die, une cérémonie officielle reste programmée dans
l'après-midi pour les médias et des personnalités.
Des internautes tunisiens avaient dans le même temps appelé à un
rassemblement devant le Bardo sous le mot d'ordre "Ils ont voulu tuer la
culture, ils ont touché un symbole. Ils ont voulu nous faire peur, ils
ont échoué".
"Je trouvais ça dommage que le musée +ouvre+ en catimini. Il s'agit de
montrer une image positive, de contrer l'effet voulu" par les auteurs de
l'attentat, explique à l'AFP Amel Smaoui, une des organisatrices.
Sous une pluie intermittente, l'atmosphère qui se dégage de la petite
foule paraît presque festive. Des employés dans le secteur du tourisme
dansent au son de tambourins. D'autres ont ramené trois chameaux.
Quelques dizaines de personnes, essentiellement des guides touristiques
et des journalistes, ont pu accéder à l'intérieur de l'enceinte où se
trouvent le musée et le Parlement. Mais l'essentiel des manifestants est
à l'extérieur, brandissant des pancartes "Visit Tunisia", "Nous sommes
Bardo", et reprenant en choeur le slogan "Tunisie libre, terrorisme
dehors".
"Je suis là par amour pour la Tunisie et pour défier le terrorisme. Je
ne veux pas que les touristes fuient. Il fallait que nous venions pour
donner l'exemple", dit Najet Nouri, une quadragénaire.
Installé dans le pays depuis deux ans, Philippe Dedrie, chef
d'entreprise français d'une cinquantaine d'années, est venu "par
solidarité". "Je me sens Tunisien. (...) Si j'avais peur, je ne serais
pas là. Ce qui s'est passé est un acte sans frontières", avance-t-il.
Venue visiter le musée avant de rebrousser chemin, faute d'ouverture au
public, une touriste française, Eliane Cotton, acquiesce. "Non, je n'ai
pas peur. Ce n'est pas plus sûr à Paris", juge-t-elle.
Même tonalité chez une compatriote, Marie-Christine, la soixantaine: "On
continue d'aller à Paris après Charlie Hebdo (l'attaque contre le
journal début janvier, ndlr). Pourquoi donnerait-on raison aux
terroristes?".
Ezzedine Bejaoui, 58 ans, qui travaille pour une agence de voyages au
port de la Goulette, admet toutefois avoir "peur pour le tourisme".
"C'est un énorme coup. Les gens, je les avais vus sortir (des bateaux de
croisière) le matin en riant et en se prenant en photo. J'ai le coeur
en miettes", dit-il.
Héros d'un jour pour avoir permis d'exfiltrer 30 touristes italiens du
musée lors du drame, Hamadi Ben Abdessalam parle "de grande catastrophe
si les bateaux ne reviennent pas", le tourisme constituant un secteur
vital pour la fragile économie tunisienne.
Devant le musée, un sentiment d'improvisation se dégage par ailleurs du
report de l'ouverture au public, pour des "raisons de sécurité" selon
les uns, de "travaux à finir" pour d'autres.
A la hâte, la police renforce le dispositif de sécurité en installant de
nouvelles barrières. La route longeant le musée est finalement fermée à
la circulation.
"On veut déranger les gens au minimum. La sécurité est garantie, avec l'aide de Dieu", assure un responsable de la police.
Un petit groupe de lycéens qui n'a jamais visité le musée exprime son agacement.
"On vient pour un acte symbolique et on trouve la porte fermée. (...)
Soyez ponctuels, au moins devant les étrangers! Nous, on peut revenir",
s'emporte Inès el-Béchir, 17 ans.
Une
Tunisienne brandit le drapeau national devant le musée du Bardo lors
d'une manifestation le 24 mars 2015 contre l'attentat qui a fait 21
morts dans le musée le 18 mars"Les gens ne vont jamais au musée (en
Tunisie), alors quand ils viennent pour défier (le terrorisme)
laissez-les entrer!", lance-t-elle.
"Il y a eu cafouillage, mais je dis aux gens qui s'en plaignent qu'il ne
faut pas se tromper d'ennemi", tempère la journaliste Amel Smaoui.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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