samedi 21 mars 2015

Libye: Tripoli tente de survivre malgré les violences

Convois armés, check-points, échanges de tirs sporadiques: la capitale libyenne Tripoli reste en proie à l'insécurité malgré une baisse des violences mais ses habitants sont confiants d'un retour à la normale.
Tripoli "est une ville qui aime la vie, veut la paix et doit la retrouver", lance Mohamed, un étudiant de 19 ans attablé dans un café en bord de mer à Tripoli qui à l'instar des autres grandes villes du pays livré aux milices et plongé dans le chaos, est souvent le théâtre d'attentats, de bombardements ou d'affrontements.
La métropole de plus d'un million d'habitants est sous la coupe de la coalition de milices Fajr Libya qui s'en est emparée en août 2014 après des combats acharnés et y a installé un gouvernement et un Parlement parallèles après la fuite dans l'est du pays des autorités internationalement reconnues.
La montée en puissance du groupe jihadiste Etat islamique, qui a revendiqué de nombreuses attaques, y a renforcé le sentiment d'insécurité.
Mais les Tripolitains tentent de s'adapter tant bien que mal.
Dans le grand quartier de Gargarech, sur la côte, commerces, boutiques de marques, cafés et restaurants s'étirent sur quelque trois kilomètres. Le boulevard est bondé avec d'énormes embouteillages.
Des femmes aux foulards multicolores, des hommes et des enfants se baladent, certains faisant du lèche-vitrine, d'autres s'attablant dans les cafés et restaurants.
Quasiment rien ne manque dans les magasins qui continuent d'importer via le port de Tripoli, l'essence se vend à bas prix et la monnaie reste stable (1,36 dinar pour 1 dollar US). Les coupures de courant deviennent rares.
"Il y a eu quelques troubles, les gens ont déserté momentanément le quartier" mais désormais ils reviennent, affirme Anas, employé dans un restaurant.
"Cela ne veut pas dire que les gens sont totalement rassurés. Ils craignent l'avenir, ils ont peur des explosions et des combats qui risquent d'éclater à tout moment", dit-il.
Pour tenter d'assurer la sécurité, des convois armés sillonnent tous les jours dans des 4X4 la capitale et des check-points sont érigés dans certains quartiers. Leur nombre augmente en soirée.
"Certains habitants sortent le soir, mais d'autres préfèrent rester chez eux en raison de la multiplication des check-points", affirme Anas. "Il est difficile de savoir à qui on a à faire à ces barrages".
Même si les Tripolitains veulent oublier les violences qui ont ensanglanté leur ville, les panneaux publicitaires sont là pour les leur rappeler. Sur la route menant de Gargarech au centre-ville, les photos de "martyrs" tombés lors des combats y sont placardés.
Et sur les murs et portes en couleurs du vieux Tripoli, graffitis et inscriptions évoquent aussi bien la révolte qui chassa du pouvoir Mouammar Kadhafi en 2011 que le conflit actuel.
"Libye libre", "Tripoli, la citadelle des hommes libres" et un dessin du drapeau national adopté après la chute du régime Kadhafi côtoient les inscriptions "Oui à Fajr Libya, Non au criminel Haftar".
Le général Khalifa Haftar est l'homme fort de l'armée qui, outre son offensive contre les islamistes à Benghazi (est), mène des raids contre Fajr Libya à l'ouest de Tripoli.
Pour l'expert à l'Institut libyen Sadeq, Anas al-Qomati, "les Libyens veulent des choses opposées mais c'est sûr qu'ils ne veulent plus de guerre. Il y a un besoin pressant pour une solution politique".
A la base militaire de Mitiga, dans l'est de Tripoli, ouverte au trafic civil après que l'aéroport international a été endommagé par les combats, Raja raconte sa deuxième tentative de retour au pays après des années à l'étranger.
Il y a un an et demi, il y était revenu nourri de grands espoirs, mais en est reparti quasi aussitôt après un drame survenu dans un supermarché de Tripoli où des hommes armés ont menacé de le tuer avant d'emmener le propriétaire.
Mais il a finalement voulu retenter sa chance: "J'aime ma ville et je suis confiant que la paix s'y rétablira. Mais c'est sûr que je n'irai plus jamais dans un supermarché".

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