Le 30 mars 1976, les masses
palestiniennes de l’intérieur se sont soulevées contre l’occupation, inaugurant
une nouvelle étape de la lutte de libération nationale du peuple palestinien. C’est
autour de leur lutte pour la défense de leurs terres que l’ensemble du peuple
palestinien s’est rassemblé, considérant que la bataille pour préserver la
terre palestinienne des confiscations et de la judaïsation représente une étape
importante et cruciale sur le long chemin de la libération. Le 30 mars est un
moment de lutte, avant d’être une commémoration folklorique, ce qu’il est
devenu avec l’instauration de l’Autorité palestinienne sur des morceaux épars de
la Palestine. Le 30 mars 1976, des martyrs sont tombés, parce qu’un peuple menacé
par la lente disparition de son identité arabe palestinienne a relevé la tête
et osé affronter l’occupant. Les 150.000 Palestiniens demeurés en 1948 (après
la Nakba) dans leur patrie, transformée en colonie juive israélienne reconnue
par les Nations-Unies, sont devenus un demi-million de Palestiniens (de l’intérieur)
en 1976 et comptent aujourd’hui plus d’un million et demi de personnes, vivant
dans al-Jalil, al-Muthallath (« Triangle » ) et al-Naqab, ainsi
que dans les villes côtières. Malgré les mesures négationnistes (et pas
seulement racistes) des autorités sionistes prises à leur égard, depuis 1948,
les Palestiniens de l’intérieur ont développé leurs outils de lutte et de
résistance, défiant à la fois l’occupation sioniste de leur pays et la
communauté internationale qui les considère encore comme des « citoyens
israéliens » réclamant leur participation et leur égalité avec des colons
venus d’ailleurs.
Si la Journée de la terre du 30
mars 1976 reste le symbole de la lutte palestinienne pour la préservation et la
récupération de la terre en Palestine, la bataille d’al-Rawha dans
al-Muthallath fut un autre moment décisif dans la longue lutte des Palestiniens
de 48, s’étant déroulée en 1998 après les funestes accords d’Oslo, et peut être
considérée comme une sorte de « répétition générale » avant le
déclenchement de l’intifada al-Aqsa en septembre 2000 et de « Habbat
al-Aqsa » en octobre 2000, lorsque les Palestiniens de 48 se sont soulevés
en masse pour défendre la mosquée al-Aqsa, et la terre et le peuple de
Palestine, sacrifiant 13 martyrs sur le chemin de la libération.
Comme à son accoutumée, l’entité
coloniale décide de confisquer 28.000 dunums des terres d’al-Rahwa, située
entre Umm al-Fahem, Ara et Ar’ara, dans la vallée de ‘Ara et proclame le
terrain « zone militaire ». La population se mobilise et les comités
populaires des villages menacés se rassemblent dans un comité populaire de la
vallée de ‘Ara, pour mener la lutte. Le comité décide d’investir la zone en
septembre 1998 et de planter la tente de la résilience sur les terres d’al-Rahwa.
Bientôt, ce sont de délégations unifiées de plusieurs régions de la Palestine
occupée en 48 qui viennent soutenir la lutte, bravant l’interdiction non
seulement d’entrer mais de s’installer dans une « zone militaire ».
Des pourparlers sont engagés entre la direction sioniste et le comité
populaire, mais au même moment, les forces militaires de l’occupant chargent :
600 Palestiniens sont blessés par balles réelles, et l’école de Umm al-Fahem
est investie par les forces sécuritaires. Des centaines sont arrêtés, mais la
lutte se poursuit. Le comité populaire, fort de l’unité massive autour de lui,
pose ses revendications : les terres d’al-Rawha appartiennent aux
Palestiniens. Au terme d’une lutte de plusieurs mois, les sionistes reculent et
14.000 dunums (la moitié des terres menacées) sont rendus aux villages et
villes arabes, selon un accord conclu entre l’entité sioniste et le comité
populaire. Jusqu’à présent, les Palestiniens de 48 se réjouissent qu’une
première a été réalisée lors de cette bataille, puisque les autorités de l’occupation
ont été obligées de conclure un accord avec un comité populaire, qui a réussi à
faire l’unité autour de lui en représentant les revendications populaires.
Cependant, il faut signaler que
la bataille des terres d’al-Rawha porte deux autres leçons aussi importantes :
d’abord, l’unité palestinienne est la condition de toute victoire, même après
les accords d’Oslo, qui ont divisé et effrité le peuple palestinien. Toute
bataille engagée contre l’occupant et exprimant les revendications nationales
aboutit nécessairement à une victoire palestinienne, à la seule condition de ne
marchander, ni l’unité réalisée ni les acquis obtenus, car tout marchandage ou
en termes plus politiques, toute négociation avec l’occupant sur la base de ces
acquis entraîne automatiquement un recul palestinien et la perte de ces acquis,
tant que le rapport de forces régional et international n’est pas encore en
faveur de la lutte de libération nationale du peuple palestinien et des peuples
arabes. C’est plutôt une accumulation des « petites victoires » qui
permet de faire reculer l’occupant et de le mettre en situation difficile et même
en crise existentielle.
Ensuite, défier l’occupation en refusant son
ordre colonial. Installer une tente de protestation sur des terres déclarées « zone
militaire », reconstruire plus de 80 fois le village menacé d’al-Araqib
dans al-Naqab, oser envoyer ses fusées et roquettes sur les colonies
considérées comme des installations légales par la communauté internationale,
tirer sur des soldats ou des colons ou les écraser, et ne pas se contenter du
champ de « la libre expression » accordé par le régime colonial, qui
se rétrécit d’ailleurs de plus en plus au fur et à mesure que la lutte
nationale se développe. Car la présence même de l’occupation sioniste est
illégale et par conséquent, toutes les mesures qu’elle adopte. Seul le refus
global et sans concessions de la présence de l’entité coloniale en Palestine permet
de tracer la voie de la libération, et toute autre démarche ou vision (Etat
ni-national, deux Etats, égalité des citoyens ou toute autre) ne fait que
brouiller l’objectif de la libération et entraîne, par conséquent, la division
du peuple palestinien.
Fadwa Nassar
29 mars 2015
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire