La Palestine devient formellement mercredi membre de la Cour pénale
internationale (CPI) avec l'intention d'y faire juger les dirigeants
israéliens pour crimes de guerre ou liés à l'occupation, malgré les
incertitudes attachées à ce nouveau chapitre du conflit.
Cette adhésion est un pas de plus dans la confrontation diplomatique et
judiciaire engagée en 2014 par la direction palestinienne.
C'est aussi une démarche aux conséquences incertaines, non seulement
parce que le Premier ministre Benjamin Netanyahu et d'autres dirigeants
israéliens semblent loin de comparaître un jour à La Haye, siège de la
CPI, mais aussi parce qu'on ignore où mènera cette nouvelle dégradation
annoncée dans les relations.
Les Palestiniens disent n'en avoir cure. Exaspérés par des décennies de
vaines négociations, sans aucune perspective de voir naître
prochainement l'Etat auquel ils aspirent depuis longtemps, ils ont fait
le choix d'internationaliser leur cause.
Fin 2014, ils ont décidé de rejoindre la CPI, qui a pour vocation de
poursuivre les auteurs de génocides, crimes contre l'humanité et crimes
de guerre, après avoir vu rejeter par le Conseil de sécurité un projet
de résolution mettant fin à l'occupation sous trois ans.
"La Palestine emploie et continuera à employer tous les moyens légitimes
à sa disposition pour se défendre contre la colonisation israélienne et
les autres violations du droit international", disait alors le
dirigeant palestinien Saëb Erakat.
La CPI était brandie de longue date comme l'une des armes ultimes des
Palestiniens. Depuis, ils en ont dégainé une autre sur la voie du
non-retour: la fin de la coopération sécuritaire, cruciale, avec les
Israéliens.
Les rapports ont continué à se tendre. L'éventualité d'enquêtes de la
CPI révulse Israël. Netanyahu a accusé le gouvernement palestinien,
incluant le Hamas considéré comme terroriste par Israël, de "manipuler"
la Cour.
En représailles, Israël a cessé de reverser à l'Autorité palestinienne
les plus de 100 millions d'euros de taxes qu'il prélève chaque mois pour
son compte.
Les récentes élections israéliennes ont donné lieu à une nouvelle
surenchère. Netanyahu a enterré l'idée d'un Etat palestinien si -
comme ce fut le cas - il restait à son poste.
Depuis, Netanyahu a accepté de débloquer les sommes dues à l'Autorité
palestinienne, essentielle aux finances d'une institution aux abois qui
fait vivre des dizaines de milliers de Palestiniens.
Différents journaux israéliens ont fait état d'un donnant-donnant: en
échange de l'argent, les Palestiniens accepteraient de ne pas déposer
leurs premières plaintes devant la CPI le 1er avril.
"C'est un énorme mensonge", réagit Xavier Abou Eid, un porte-parole de
la direction palestinienne, "ces taxes n'ont rien à voir avec notre
démarche à la CPI. Le train de la CPI a déjà quitté le quai".
Dans les faits, le 1er avril risque d'avoir surtout une dimension
cérémonielle quand sera remise au ministre palestinien Ryiad al-Malki la
copie du Statut de Rome, fondateur de la CPI.
Certains dirigeants palestiniens ont annoncé de premières plaintes dès
mercredi. En réalité, les Palestiniens pourraient attendre, ne serait-ce
que parce qu'un Etat membre ne peut déposer de telles plaintes, mais
porter à l'attention de la cour des situations précises, à charge pour
la procureure d'enquêter ou non.
Ensuite, cette même procureure, Fatou Bensouda, qui a participé au
tribunal international pour le Rwanda, a déjà décidé le 16 janvier de se
pencher sur le conflit israélo-palestinien.
En même temps qu'il demandait l'adhésion à la CPI, le président
palestinien Mahmud Abbas avait envoyé à la cour un document autorisant
la procureure à enquêter sur des crimes présumés commis dans les
Territoires palestiniens depuis le 13 juin 2014.
Les évènements de juin 2014 avaient déclenché une escalade culminant
dans la guerre de Gaza, qui a fait près de 2.200 morts côté palestinien
et 73 côté israélien.
Pour l'instant, aucune enquête n'est ouverte et les faits en sont à
l'examen préliminaire. Aucun délai n'est fixé. Mais les Palestiniens se
veulent confiants que les choses ne devraient pas traîner étant donné
"toute l'attention accordée à la Palestine" à la CPI selon eux.
Ils rejettent l'objection selon laquelle les dirigeants israéliens
n'auront jamais de compte à rendre puisqu'Israël n'est pas signataire du
Statut de Rome. La Cour peut aussi poursuivre des faits commis sur le
territoire d'un Etat membre comme la Palestine, disent-ils.
"Dans quels abîmes d'absurdité la CPI a-t-elle sombré", avait demandé Netanyahu en commentant l'examen préliminaire. Parmi différentes formes
de riposte, Israël soutient les plaintes de victimes d'attentats. En
février, un jury new-yorkais a signalé que de tels procès pouvaient
avoir des effets désastreux pour les Palestiniens, en condamnant
l'Autorité et l'Organisation de libération de la Palestine (OLP) à des
centaines de millions de dollars d'indemnités aux familles.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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