La liste électorale unifiée des Palestiniens de l’intérieur a obtenu 14
sièges à la Knesset sioniste, en troisième position après le Likoud et le
Bloc sioniste. Cette liste unifiée est composée de l’ensemble des
partis palestiniens participant aux élections d’un des organismes les
plus racistes et les plus criminels de l’entité. Bien que ces partis
aient été formés à des dates différentes (le plus ancien étant le parti
communiste), leur présence au sein de la Knesset sioniste a témoigné du
recul du vote palestinien pour les partis sionistes, notamment après les
années 90. En un sens, la participation électorale des Palestiniens de
l’intérieur à la Knesset leur a permis d’affirmer leur autonomie
politique.
Malgré leur présence au sein de la Knesset, les partis palestiniens qui
composent cette liste unifiée ne votent ni les lois racistes ni les lois
coloniales, au contraire. Ils ont tenu, depuis leur formation, à
rejeter systématiquement toute proposition de loi coloniale (visant les
terres du Naqab et d’al-Jalil par exemple), toute loi raciste (imposant
des sanctions économiques, culturelles ou sociales aux Palestiniens) et
toute loi criminelle (envers les prisonniers palestiniens par exemple).
Mais, malgré leur voix unie, ils n’ont jamais réussi à contrecarrer les
législations sionistes ni à empêcher une quelconque mesure raciste. Au
mieux, les députés palestiniens participant à quelques commissions
subalternes issues de la Knesset sont-ils parvenus à faire accepter des
lois sociales générales (des mesures en faveur des handicapés, par
exemple) ou à dénoncer des mesures ou des propositions de lois, ou même à
rendre visite à des prisonniers palestiniens.
La loi sioniste ayant relevé le seuil d’éligibilité à la Knesset visait en
partie les partis arabes qui, jusqu’aux élections précédentes, ne
parvenaient pas à s’entendre sur une liste unique, malgré les vœux des
Palestiniens de l’intérieur. Aux élections précédentes, la participation
des Palestiniens de l’intérieur aux élections de la Knesset n’a pas
dépassé les 50%, pour deux raisons essentielles : la vague croissante de
l’appel au boycott de ces élections sionistes, d’une part et le manque
d’unité entre les partis d’autre part, même si les partis concernés
l’expliquaient par la « dépolitisation » de l’électorat arabe
palestinien, pour éviter la discussion en profondeur de l’alternative du
boycott. Il reste que la liste unifiée de ces partis n’a pas été le
fruit de la pression de l’électorat palestinien, mais plutôt de la
pression engendrée par la loi sioniste sur le seuil d’éligibilité.
Les partis arabes palestiniens composant cette liste crient à présent
victoire. Ils sont parvenus à mobiliser 70% de l’électorat arabe en leur
faveur et leur liste est en troisième position. Mais s’ils sont
capables de s’unifier pour participer à cet organisme sioniste qu’est la
Knesset, avec l’illusion de pouvoir changer quoi que ce soit dans la
politique coloniale, pourquoi ne parviennent-ils pas à s’unir pour
organiser des élections au sein du « Haut Comité de Suivi des masses
arabes », organe représentatif des Palestiniens de l’intérieur ? Alors
que c’est le Haut Comité qui appelle aux manifestations, aux journées de
protestation et qui dénonce incessamment les mesures coloniales de
l’entité ? Il est symptomatique que les partis qui entravent le plus les
élections démocratiques au sein du Haut Comité de Suivi soient ceux qui
crient le plus victoire aux élections de la Knesset. Pourtant, organiser
la lutte des Palestiniens de l’intérieur et assurer la liaison entre eux
et les Palestiniens des autres territoires occupés et de l’exil
apparaissent de plus en plus comme les tâches vitales et prioritaires,
ce que ne peuvent faire les députés élus à la Knesset sioniste, mais que
peuvent faire et sont appelés à faire les représentants au sein du Haut
Comité de suivi.
Si le public colonial sioniste fut disputé, au cours de la bataille
électorale, par les ultras et les moins ultras, les fascistes et les
moins fascistes, des partis en compétition, le public arabe palestinien
fut par contre disputé entre les partis ayant décidé de s’unifier pour
la bataille électorale et les forces politiques qui ont décidé de
poursuivre et d’accentuer la campagne de boycott de ces élections,
jugées internes à l’entité sioniste. Que ce soit pour le parti Abnaa
al-Balad (qui a toujours refusé cette participation et qui appelle au
boycott, et qui a déjà subi une scission interne, précisément à cause de
cette participation), ou pour le Mouvement islamique – partie nord (qui
ne participe pas, sans cependant appeler au boycott, et qui est
l’émanation de la partie du Mouvement islamique ayant refusé la
participation aux élections de la Knesset), la participation aux élections
de la Knesset témoigne d’une vision étriquée du conflit arabo-sioniste où
les Palestiniens de l’intérieur sont perçus comme des citoyens ayant
pour tâche de lutter pour l’égalité des droits au sein de l’entité
coloniale, outre le fait qu’elle permet aux sionistes de se vanter d’une
démocratie qui n’exclut pas « ses minorités ». S’ajoutent à ces deux
formations politiques refusant le principe de la participation au
Knesset, une nouvelle formation issue de la jeunesse du Rassemblement
National démocratique et de nombreux comités estudiantins ou de
quartiers, d’intellectuels ou de militants « indépendants », qui furent
souvent aux pointes des luttes contre la judaïsation du Naqab (contre le
plan Prawer) et dans le soutien aux prisonniers palestiniens.
La campagne pour le boycott des élections de la Knesset a été largement
écartée des médias palestiniens et arabes, qui ont préféré mettre en
avant la liste unifiée et appelant même à la soutenir. Au niveau
palestinien, les partis de l’Autorité Palestinienne (Fateh, FDLP, etc..)
n’ont pas caché leur préférence pour la participation, ce qui a fait
frémir Netanyahu qui en a profité pour accuser l’Autorité d’intervenir
dans les élections. Au niveau arabe, même La Ligue arabe a appelé les
masses palestiniennes de l’intérieur à voter pour la liste unifiée.
Malgré cet alignement, les formations appelant au boycott, et notamment
Abnaa al-Balad, ont dénoncé l’attaque fasciste ayant visé Hanine Zo’bi
(Rassemblement) au cours de la campagne et ont tenu à souligner qu’il
n’est pas question de juger les participants de « collaborateurs » et
que les différences de positionnement envers ces élections ne doivent
pas influer sur le cours des luttes communes contre l’entité coloniale
et ses projets (déclaration du collectif représentant les réfugiés
internes, par exemple).
Même si le taux de boycott fur moins élevé au sein des masses arabes, en
comparaison avec les élections précédentes, à cause précisément de
l’unité de la liste arabe, il faut cependant remarquer que face aux
colons et à leur entité, la seule voie encore porteuse d’espoirs demeure
dans l’unité de la lutte et dans l’unité du Haut Comité de Suivi élu
pour représenter les masses palestiniennes, au niveau des Palestiniens
de l’intérieur, et au niveau de l’unité de l’ensemble du peuple
palestinien, qu’il soit en exil, dans les territoires occupés en 67 ou
en 48. C’est précisément dans ces luttes unies qu’apparaîtra le
dérisoire de ce que peuvent faire 14 députés palestiniens à la Knesset sioniste.
Fadwa Nassar
20 mars 2015
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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