Les enquêteurs de l'ONU sur la Syrie ont annoncé mardi qu'ils allaient
"partager" de manière "ciblée" avec la justice de certains Etats des
"noms et des informations" relatives à des auteurs de crimes de guerre
afin qu'ils soient jugés.
Depuis qu'ils ont commencé à dresser des listes confidentielles
d'auteurs et organisations responsables de crimes de guerre, les
enquêteurs de l'ONU, en place depuis septembre 2011, avaient toujours
indiqué qu'ils voulaient les garder confidentielles, réservant ces
informations à la Cour pénale internationale (CPI), une fois cette
dernière saisie.
Présentant mardi son dernier rapport devant le Conseil des droits de
l'Homme, le président de la commission d'enquête, le Brésilien Paulo
Pinheiro, a expliqué que les enquêteurs avaient décidé de divulguer les
noms et informations sur ces criminels, mais de façon "ciblée".
"Nous n'allons pas rendre publique aujourd'hui la liste des noms. (...)
Nous allons partager des noms et des informations sur certains auteurs
présumés" de crimes de guerre "avec les autorités judiciaires" des Etats
qui se préparent à les juger "devant une instance compétente et
impartiale", a-t-il précisé. "Nous encourageons ces autorités à nous
contacter avec des demandes d'informations", a ajouté M. Pinheiro.
Cette transmission "ciblée" d'informations a déjà commencé, a expliqué
une des enquêtrices, l'Américaine Karen Abuzayd, en conférence de
presse.
Trois pays européens ont déjà reçu des informations dans le cadre de leurs enquêtes, a-t-elle assuré.
Faute d'une saisie de la CPI, bloquée notamment par la Russie au Conseil
de Sécurité, la commission avait menacé de rendre publiques les données
collectées. Mais les diplomates, y compris des pays soutenant
l'opposition syrienne, les avaient mis en garde sur une démarche jugée
contraire au droit international, explique-t-on de source diplomatique à
Genève.
L'ambassadeur syrien auprès du Conseil, Hussam Edin Aala, a fustigé pour
sa part mardi les propos de M. Pinheiro, estimant que les enquêteurs ne
respectaient pas "le principe d'indépendance".
De son côté, l'ambassadeur français Nicolas Niemtchinow a déploré une
fois de plus l'absence de saisine de la CPI et a affirmé que "nous
devons ensemble trouver des pistes pour que justice soit rendue au
peuple syrien".
Les cinq listes élaborées par les enquêteurs et gardées dans un
coffre-fort de Genève comprennent des noms de commandants d'unités et de
leaders de groupes armés. Les enquêteurs refusent toujours de dire si
le président syrien Bashar al-Assad ou ses proches figurent sur les
listes.
Les quatre membres de la commission d'enquête de l'ONU n'ont jamais pu
entrer en Syrie mais ils ont recueilli des milliers de témoignages de
victimes, de documents et de photos satellites.
Une des enquêtrices, la Suissesse Carla del Ponte, a été invitée
personnellement à se rendre en Syrie, mais la commission s'y est
toujours refusée, jugeant que les quatre enquêteurs devaient se rendre
sur place ensemble. Mais lundi, Mme del Ponte a affirmé dans un
entretien à la télévision suisse RTS que "les choses ont changé (...)
tant et si bien que maintenant on a décidé que je peux y aller".
Elle a par ailleurs affirmé que la solution de négociation est "la seule
possible" et "peut se faire seulement si Bashar Al-Assad reste au
pouvoir" car "le régime syrien a encore le contrôle sur 60% de la
population syrienne".
La Syrie est déchirée depuis quatre ans par une guerre civile qui a fait
plus de 215.000 morts et a jeté des millions de Syriens à la rue ou sur
les routes de l'exil.
(17-03-2015)
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