mercredi 18 mars 2015

Syrie: les enquêteurs de l'ONU vont partager des noms de criminels avec des Etats

Les enquêteurs de l'ONU sur la Syrie ont annoncé mardi qu'ils allaient "partager" de manière "ciblée" avec la justice de certains Etats des "noms et des informations" relatives à des auteurs de crimes de guerre afin qu'ils soient jugés.
Depuis qu'ils ont commencé à dresser des listes confidentielles d'auteurs et organisations responsables de crimes de guerre, les enquêteurs de l'ONU, en place depuis septembre 2011, avaient toujours indiqué qu'ils voulaient les garder confidentielles, réservant ces informations à la Cour pénale internationale (CPI), une fois cette dernière saisie.
Présentant mardi son dernier rapport devant le Conseil des droits de l'Homme, le président de la commission d'enquête, le Brésilien Paulo Pinheiro, a expliqué que les enquêteurs avaient décidé de divulguer les noms et informations sur ces criminels, mais de façon "ciblée".
"Nous n'allons pas rendre publique aujourd'hui la liste des noms. (...) Nous allons partager des noms et des informations sur certains auteurs présumés" de crimes de guerre "avec les autorités judiciaires" des Etats qui se préparent à les juger "devant une instance compétente et impartiale", a-t-il précisé. "Nous encourageons ces autorités à nous contacter avec des demandes d'informations", a ajouté M. Pinheiro.
Cette transmission "ciblée" d'informations a déjà commencé, a expliqué une des enquêtrices, l'Américaine Karen Abuzayd, en conférence de presse.
Trois pays européens ont déjà reçu des informations dans le cadre de leurs enquêtes, a-t-elle assuré.
Faute d'une saisie de la CPI, bloquée notamment par la Russie au Conseil de Sécurité, la commission avait menacé de rendre publiques les données collectées. Mais les diplomates, y compris des pays soutenant l'opposition syrienne, les avaient mis en garde sur une démarche jugée contraire au droit international, explique-t-on de source diplomatique à Genève.
L'ambassadeur syrien auprès du Conseil, Hussam Edin Aala, a fustigé pour sa part mardi les propos de M. Pinheiro, estimant que les enquêteurs ne respectaient pas "le principe d'indépendance".
De son côté, l'ambassadeur français Nicolas Niemtchinow a déploré une fois de plus l'absence de saisine de la CPI et a affirmé que "nous devons ensemble trouver des pistes pour que justice soit rendue au peuple syrien".
Les cinq listes élaborées par les enquêteurs et gardées dans un coffre-fort de Genève comprennent des noms de commandants d'unités et de leaders de groupes armés. Les enquêteurs refusent toujours de dire si le président syrien Bashar al-Assad ou ses proches figurent sur les listes.
Les quatre membres de la commission d'enquête de l'ONU n'ont jamais pu entrer en Syrie mais ils ont recueilli des milliers de témoignages de victimes, de documents et de photos satellites.
Une des enquêtrices, la Suissesse Carla del Ponte, a été invitée personnellement à se rendre en Syrie, mais la commission s'y est toujours refusée, jugeant que les quatre enquêteurs devaient se rendre sur place ensemble. Mais lundi, Mme del Ponte a affirmé dans un entretien à la télévision suisse RTS que "les choses ont changé (...) tant et si bien que maintenant on a décidé que je peux y aller".
Elle a par ailleurs affirmé que la solution de négociation est "la seule possible" et "peut se faire seulement si Bashar Al-Assad reste au pouvoir" car "le régime syrien a encore le contrôle sur 60% de la population syrienne".
La Syrie est déchirée depuis quatre ans par une guerre civile qui a fait plus de 215.000 morts et a jeté des millions de Syriens à la rue ou sur les routes de l'exil.


(17-03-2015)

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