"Les prix, c’est du jamais vu ! C’est plus fort que la canicule",
lance Aïcha, un couffin à la main, sous les étals ombragés du marché
central de Tunis écrasé par la chaleur en plein ramadan, ce mois de
jeûne musulman.
Les Tunisiens désargentés vivent dans la souffrance leur premier
ramadan sous le gouvernement islamiste qui, malgré ses promesses de
baisser les prix des produits alimentaires, n’a pu contenir la
spéculation sept mois après son entrée en fonction après les élections
post-révolution.
"Cette année tout est trop cher, les prix battent des records
historiques !", se plaint la ménagère jetant un regard impuissant sur
des étalages bien approvisionnés mais hors de portée.
"Les gens ne peuvent que regarder et passer leur chemin", observe
Aïcha obligée de contenter sa famille avec un plat "Kadhab" (sans
viande) pour la rupture du jeûne.
Entre les cris stridents des marchands et l’odeur âcre du poisson,
des Tunisois font plusieurs fois le tour du marché en quête de produits à
prix raisonnables.
"Un kilo de citron aujourd’hui à 4 dinars (2 euros), huit fois plus
qu’avant le ramadan ! c’est honteux !", crie Souha. Et "des briks sans
citron durant le ramadan, c’est pas la peine !", lâche-t-elle en
référence à un entremet quotidien incontournable du ramadan chez les
Tunisiens.
"Avec mon budget de 160 dinars (90 euros), je pouvais m’arranger pour
tout le mois, mais cette année j’ai tout dépensé la première semaine",
renchérit Selima, une ouvrière textile.
Fin avril, le chef du gouvernement Hamadi Jebali s’était
solennellement engagé devant la constituante à faire baisser les prix à
la consommation avant le ramadan, une promesse sans lendemain puisque
les prix ont encore grimpé.
"Un kilo de figues peut-il se vendre à 8,4 dinars (4,2 euros) ? Une
salade à près de 2 dinars", se lamente un groupe de jeûneurs à la sortie
du marché. Censé être un mois d’abstinence et de rigueur, le ramadan
donne paradoxalement lieu à une frénésie de consommation et à la
spéculation.
Plus de mille infractions ont été dénombrées durant les cinq premiers
jours de ce mois de jeûne par les contrôleurs des prix, des brigades
déployées par les autorités qui sont débordées et parfois agressées par
des commerçants.
"Le gouvernement doit faire ce qu’il faut pour contenir la hausse des
prix et augmenter les salaires, sinon il sera balayé aux prochaines
élections", lance Mohamed, un fonctionnaire dépité.
"Quoi de plus important que de remplir les ventres durant le
ramadan", renchérit-il, rappelant que la révolution avait été déclenchée
par la précarité et la paupérisation.
Le gouvernement a augmenté le salaire minium à 150 euros environ et
des négociations sociales ont à peine démarré pour des augmentations
salariales dans les secteurs public et privé.
Mais pour l’heure, le coût de la vie fait le pain béni des
chroniqueurs satiriques et des médias qui consacrent des rubriques
entières à la cherté des produits alimentaires, certains proposant des
recettes culinaires à petit prix.
"Il faut contracter un crédit bancaire pour se faire une
’chakchouka’", ironisait un commentateur de radio en référence au plat
le plus populaire, fait de tomates, d’oignons et de piments.
Le pays a connu une récession en 2011 (-1,8%). Et en dépit d’une
reprise en 2012, le chômage, un des facteurs de la révolution, atteint
19%.
Opprimés sous le régime du président déchu Zine El Abidine Ben Ali
qui affichait officiellement, année après année, un taux de pauvreté de
moins de 4%, les Tunisiens ont découvert après la révolution que près du
quart d’entre eux vivait sous le seuil de la pauvreté.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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