Après trois jours d'émeutes, Nairobi accuse les Shebaab somaliens de vouloir déclencher une guerre de religion.
Mercredi soir, une attaque à la grenade contre un véhicule de police a fait un mort. Crédits photo : THOMAS MUKOYA/REUTERS
L'assassinat, lundi, d'Aboud Rogo Mohammed, un prêcheur musulman extrémiste, n'en finit pas d'embraser Mombasa, deuxième ville du Kenya et fleuron touristique du pays au bord de l'Océan Indien. Mercredi soir, une attaque à la grenade contre un véhicule de police a fait un mort - probablement un assaillant - et quatre blessés. Trois policiers et un civil avaient déjà été tués 48 heures auparavant.
Les émeutes ont commencé lundi peu après le meurtre de Rogo, abattu par balles par des inconnus alors qu'il se trouvait à bord de son véhicule avec sa famille. Des milliers de personnes en colère, dont beaucoup de jeunes désœuvrés, ont investi les rues, caillassant des passants, pillant des magasins et incendiant des églises. Le Kenya, majoritairement chrétien, ne compte que 10 % de musulmans, mais ces derniers se concentrent sur la côte.
Aussi populaire que sulfureux, Rogo était accusé par l'ONU et les Etats-Unis de lever des fonds et de recruter des combattants pour le compte des Shebaab, ces islamistes somaliens ralliés à al-Qaida.On le disait proche de Fazul Abdullah Mohammed, l'ex-chef de la cellule d'al-Qaida de l'Est africain, décédé l'an dernier et responsable des attentats antiaméricains de Nairobi et Dar es-Salaam en 1998 (224 morts). En 2002, le prédicateur avait été soupçonné d'avoir participé à un attentat anti-israélien qui avait fait 18 morts près de Mombasa. Et, en janvier 2012, la police avait trouvé chez lui des armes à feu, des munitions et des détonateurs.
Proche d'al-QaidaQui l'a abattu? Plusieurs organisations musulmanes dénoncent «une nouvelle exécution extrajudiciaire» et accusent les autorités kenyanes d'avoir commandité le meurtre. Human Rights Watch rappelle que d'autres personnes accusées de collaborer avec les Shebaab ont connu un sort identique par le passé. Le cheikh Samir Hashim Khan, par exemple, dont le corps a été retrouvé mutilé en avril à Mombasa.
Le premier ministre kenyan Raila Odinga pointe, lui, «des forces extérieures» déterminées à déstabiliser le Kenya «en divisant chrétiens et musulmans». En octobre 2011, en représailles, officiellement, à une série d'enlèvements sur le territoire kenyan (dont celui de la Française Marie Dedieu) attribués aux islamistes somaliens, Nairobi s'est engagé militairement en Somalie. Comme l'Ethiopie, le Kenya veut protéger son territoire de l'anarchie somalienne en instaurant une zone tampon autour du port de Kismayo et en tirer des dividendes économiques.
Les forces éthiopiennes et kenyanes ont déjà réussi à chasser les Shebaab de Mogadiscio et de leurs bastions du Sud et du centre. Au lendemain du meurtre de Rogo, les Shebaab ont appelé les musulmans du Kenya à «se lever devant l'infidèle et à protéger leur religion».
Un calme précaire régnait jeudi à Mombasa placée sous haute sécurité pour accueillir le président Mwai Kibaki, venu participer à une foire agricole. La France, via son ambassade, a appelé ses ressortissants à «la vigilance s'agissant des déplacements en ville ou ses environs».
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