lundi 27 août 2012

Israël : un rabbin influent appelle à prier pour la destruction de l’Iran

À la recherche de soutiens pour légitimer son projet d’attaquer les sites nucléaires iraniens, le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, a réclamé la semaine dernière l’aide de l’influent rabbin Ovadia Yossef, chef spirituel du parti ultraorthodoxe Shass, jusqu’ici catégoriquement opposé à un tel projet sans consentement américain préalable. Et celui-ci n’a pas déçu. Au cours d’un sermon enflammé prononcé dimanche, le chef religieux a appelé à prier pour la destruction de l’Iran. "(Lorsque) nous appelons Dieu à "amener la fin de nos ennemis", nous devrions penser à l’Iran, ces démons qui menacent Israël. Puisse Dieu les détruire", a annoncé le rabbin, selon Reuters.

"La formule du rabbin Ovadia Yossef reste ambiguë", note Denis Charbit, professeur en sciences politiques à l’université ouverte d’Israël. "Si elle traduit l’hostilité réelle d’Israël à l’encontre de la République islamique, elle ne répond pas pour autant à la demande de Benyamin Netanyahou." C’est la première fois qu’un rabbin s’en prend de la sorte à Téhéran, mettant à mal l’argument principal de Tel-Aviv selon lequel ce sont les appels répétés de l’Iran à la destruction d’Israël qui rendent légitime une intervention militaire contre l’Iran.
Le 15 août dernier, le guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei, a encore déclaré qu’Israël, une "excroissance sioniste artificielle", "disparaîtra du paysage" de la région. Le 17 août, c’est le président iranien Mahmud Ahmadinejad, qui a affirmé que les "pays de la région" allaient "en finir prochainement avec la présence des usurpateurs sionistes sur la terre de Palestine", qualifiant à l’occasion l’État israélien de "tumeur cancéreuse".

"Ces déclarations iraniennes ont été prononcées à l’occasion de la fête de Jérusalem, comme les dirigeants iraniens en sont coutumiers depuis plus de trente ans", explique au Point.fr Bernard Hourcade*, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’Iran. Le régime iranien chercherait-il à se tirer une balle dans le pied ? "Effectivement l’Iran n’a rien à y gagner", concède Bernard Hourcade, "mais face aux menaces d’attaques israéliennes Téhéran fait dans la surenchère verbale. Les dirigeants iraniens participent à la guerre des ondes, et tiennent à réagir face à un pays qui veut les attaquer, hors du cadre de l’ONU".

De son côté, le rabbin Ovadia Yossef demeure lui aussi coutumier de ce genre de diatribes, même si elles épargnaient jusqu’ici l’Iran. Par le passé, le religieux de 91 ans, né à Bagdad, avait déjà provoqué la polémique en comparant les Palestiniens à des "serpents", en appelant le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, à "périr de ce monde", ou encore en décrivant les non-juifs comme "nés uniquement pour nous servir". Il s’est toutefois prononcé pour la cession des territoires occupés en faveur des Palestiniens afin de mettre un terme au conflit et de sauver des vies juives.

Estimant que des frappes ciblées contre les sites iraniens ne retarderaient le programme nucléaire de l’Iran que d’"un an ou deux", le parti Shass avait jusque-là jugé "trop risquée" l’éventualité d’une attaque contre l’Iran, en termes de répercussions diplomatiques et militaires, sans l’aval de Washington. Membre-clé de la coalition au pouvoir, la formation religieuse possède un ministre parmi les huit membres du cabinet de sécurité du Premier ministre, pour l’heure toujours divisé sur le dossier iranien.

"Le parti Shass possède une vue très pessimiste, et donc très prudente sur la question", explique Denis Charbit au Point.fr. "Estimant que l’homme n’est pas capable de tout, il ne souhaite pas se lancer dans un tel projet aventureux." Conscient que son projet ne fait pas l’unanimité, au sein tant de la communauté internationale - qui privilégie encore la voie diplomatique - que de la population israélienne - inquiète du nombre de morts en cas de représailles iraniennes -, le Premier ministre israélien a accentué ces dernières semaines les déclarations annonçant l’imminence de l’attaque.

D’après l’AFP, l’inquiétude ambiante a été renforcée par la distribution massive de masques à gaz à la population, par la vérification du bon fonctionnement d’un système d’alerte via SMS, ainsi que par des spéculations sur le nombre de victimes israéliennes : 500 morts, d’après le ministre de la Défense Ehud Barak. Pour Denis Charbit, cette mise à nu de la diplomatie israélienne s’explique par le fait que Benyamin Netanyahou sait qu’il n’a pas la légitimité pour attaquer l’Iran. "Il veut mettre tout le monde devant le fait accompli, pour ainsi faire pression sur les Américains et obtenir leur consentement", explique le politologue. Vendredi, le Premier ministre israélien a affirmé à un membre du Congrès américain, en visite en Israël, que la République islamique accélérait sa course à l’arme nucléaire, au mépris des sanctions internationales.
Des déclarations anticipant la publication du nouveau rapport trimestriel de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), attendu cette semaine. D’après le Washington Post, qui cite diplomates et experts, le prochain opus annonce que Téhéran a mis en place des centaines de nouvelles centrifugeuses "et pourrait également être en train d’accélérer sa production de combustible nucléaire", dont l’enrichissement à 90 % peut servir à la fabrication de la bombe.

"Netanyahou table sur une approbation de l’opération militaire a posteriori", analyse Denis Charbit. "Tout dépend de son degré de réussite : si, en plus des installations nucléaires, les sites de lancement de missiles sont rasés, la communauté internationale, même si elle ne le criera pas sur tous les toits, se satisfera de l’attaque. En revanche, si cela ne fonctionne pas, et que l’Iran bloque le détroit d’Ormuz, ce qui entraînera de facto une flambée des prix du pétrole, Israël se mettra tout le monde à dos."

(27 août 2012 - Armin Arefi)

(*) Bernard Hourcade, auteur de Géopolitique de l’Iran (Éditions Armand Colin).

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