lundi 13 août 2012

Egypte : Le maréchal Tantawi mis à la retraite d’office

Le président égyptien Mohamed Morsi a ordonné dimanche la mise à la retraite du maréchal Hussein Tantawi, tout-puissant ministre de la Défense qui a conduit la transition après la chute, en février 2011, du président Hosni Moubarak.
Selon le porte-parole de la présidence, le chef de l’Etat a également mis à la retraite d’office le général Sami Ena, chef d’état-major des armées.
Les deux officiers sont nommés conseillers auprès du chef de l’Etat, qui est issu des Frères musulmans. Ces mesures prennent effet immédiatement.
Le président Mohamed Morsi a également abrogé un décret constitutionnel pris par l’armée peu avant son élection qui visait à rogner ses prérogatives.
"Les décisions que j’ai prises aujourd’hui ne visaient pas certaines personnes et n’avaient pas non plus pour but de gêner les institutions, et ce n’était pas non plus mon but de restreindre les libertés", a déclaré Morsi lors d’un discours prononcé à l’occasion du mois sacré du ramadan.
"Je n’ai pas voulu envoyer des messages négatifs à propos de qui que ce soit, mais mon objectif était de servir cette nation et son peuple", a-t-il ajouté en rendant hommage au travail des forces armées.
Le général Mohamed al Assar, promu dimanche vice-ministre de la Défense, a expliqué que la décision du chef de l’Etat de mettre le maréchal Hussein Tantawi à la retraite avait été prise après des consultations avec l’intéressé et le Conseil suprême des forces armées (CSFA) qu’il présidait.
Toutes ces mesures devraient pouvoir desserrer l’emprise des généraux, traditionnellement très puissants en Egypte, sur le chef de l’Etat, issu des rangs civils pour la première fois depuis six décennies.
Le pays le plus peuplé du monde arabe, qui a signé un traité de paix historique avec Israël en 1979, attend une nouvelle Constitution après des décennies de régime militaire.
"Le maréchal Hussein Tantawi est admis à faire valoir ses droits à la retraite à compter de ce jour", a déclaré le porte-parole du chef de l’Etat dans un communiqué. Il est remplacé aux postes de ministre de la Défense et de président du CSFA par le général Abdellatif Sisi.
Le général Sidki Sohbi succède quant à lui au général Sami Enan à la tête de l’état-major. Ce dernier, âgé de 64 ans, a longtemps été considéré comme très proche des Etats-Unis, qui financent en grande partie l’armée égyptienne.
Quant au maréchal Hussein Tantawi, 76 ans, il est considéré comme un pilier du régime Moubarak dont il a été le ministre de la Défense pendant 20 ans avant d’assurer la transition sous la pression de la rue au lendemain de la "révolution du Nil".
Le président Mohamed Morsi a également nommé un magistrat, Mahmud Mekky, au poste de vice-président de la République. Ce juge a pour frère le nouveau ministre de la Justice, Ahmed Mekky, qui avait dénoncé sous Moubarak les fraudes électorales.

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Morsi crée la surprise en reprenant la main face à l’armée
Le président islamiste égyptien Mohamed Morsi a créé la surprise dimanche en annulant des dispositions donnant de vastes pouvoirs à l’armée et en écartant le maréchal Tantawi, ministre de la Défense qui fut chef d’Etat de fait après la chute de Hosni Moubarak.
Dans une large redistribution des cartes politiques, M. Morsi, élu en juin, a également nommé un vice-président, le juge Mahmud Mekki, deuxième personne à occuper ce poste en plus de 30 ans.
"Le président a décidé d’annuler la déclaration constitutionnelle adoptée le 17 juin" par le Conseil suprême des forces armées (CSFA), qui dirigeait à l’époque le pays et dans laquelle les militaires s’arrogeaient notamment le pouvoir législatif, a annoncé le porte-parole du président, Yasser Ali.
Cette "déclaration", adoptée après la dissolution de l’Assemblée du peuple dominée par les islamistes et juste avant l’annonce de la victoire de M. Morsi à la présidentielle, avait provoqué une profonde crise politique entre l’armée et les islamistes.
Avec le pouvoir législatif, les généraux gardaient un droit de veto sur toute nouvelle loi ou mesure budgétaire et se réservaient aussi un droit de regard sur la rédaction de la future Constitution.
Mohamed Morsi récupère le pouvoir législatif et s’octroie également le droit, si l’actuelle commission constituante ne peut "achever son travail", d’en former une nouvelle "représentant toutes les composantes de la société égyptienne".
Pour l’analyste indépendant Issandr al-Amrani, "Morsi a effectivement, sur le papier, des pouvoirs dictatoriaux". "Reste à savoir comment il va les utiliser", dit-il sur son blog.
"Vu les circonstances, c’est le bon moment pour effectuer des changements dans l’institution militaire", estime Mourad Ali, un haut responsable du Parti de la Liberté et de la Justice (PLJ), la formation de M. Morsi.
"C’est un président fort, et il exerce son autorité", a-t-il dit à l’AFP.
M. Morsi a également décidé dimanche de mettre à la retraite le maréchal Hussein Tantaoui, longtemps proche de Hosni Moubarak, et l’a remplacé au ministère de la Défense par le général Abdel Fattah al-Sissi, le chef des renseignements militaires.
Le chef d’état-major de l’armée et No2 du CSFA, Sami Anan, a également été mis à la retraite, et remplacé par le général Sedki Sobhi.
Tantawi et Anan ont toutefois tous deux été nommés conseillers auprès du président Morsi, selon les médias officiels.
Le nouveau vice-président, Mahmud Mekki, est un magistrat qui a joué un rôle dans la fronde des juges en 2005 contre la fraude électorale pendant le scrutin présidentiel qui s’était terminé par une victoire écrasante de M. Moubarak, finalement renversé par une révolte populaire le 11 février 2011.
Il s’agit seulement du deuxième vice-président égyptien en 30 ans. M. Moubarak, qui était le vice-président d’Anouar al-Sadate au moment de l’assassinat de ce dernier en 1981, n’avait jamais pourvu le poste jusqu’à la révolte de 2011, pendant laquelle il avait nommé son chef des renseignements Omar Souleimane vice-président.
M. Morsi, formellement investi le 30 juin, est le premier civil à accéder à la magistrature suprême. Depuis son élection, il a alterné compromis et bras de fer avec l’armée pour tenter de s’imposer.
L’armée a donné à l’Egypte tous ses présidents depuis le renversement de la monarchie par les "officiers libres" en 1952. Le mouvement des Frères musulmans, qu’elle a longtemps réprimé et maintenu dans la semi-clandestinité, mais avec qui elle a su à l’occasion dialoguer, reste son seul rival de taille sur la scène politique.
Ce coup de théâtre politique survient alors que sur le plan de la sécurité l’Egypte fait face à une grave crise dans la péninsule du Sinaï, où 16 de ses gardes-frontières ont été tués le 5 août près de la frontière israélienne et de l’enclave palestinienne de Gaza.
L’armée égyptienne est depuis engagée dans une offensive d’envergure contre les "éléments terroristes" accusés d’avoir mené ou soutenu l’attaque, dans cette péninsule où l’instabilité s’est considérablement aggravée depuis la chute de M. Moubarak.

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