Trois militantes Femen européennes ont été arrêtées à Tunis mercredi,
lors de leur première action seins nus dans le monde arabe pour réclamer
la libération d’une militante tunisienne et dénoncer la condition de la
femme dans le pays.
Face à une foule de journalistes réunis devant le palais de Justice, les
trois jeunes femmes, deux Françaises et une Allemande, hurlaient "Free
Amina", la militante Femen tunisienne emprisonnée dans l’attente de son
procès jeudi à Kairouan (centre) pour port illégal d’un spray
lacrymogène, délit passible de six mois de prison.
Elles ont été interpellées sans ménagement par les policiers qui les ont
traînées à l’intérieur du tribunal. Lorsque les trois jeunes filles ont
été transférées d’un bureau à un autre à travers la cour du bâtiment,
des avocats présents ont chanté l’hymne national et scandé "dégage", mot
d’ordre de la révolution de janvier 2011.
"Une enquête a été ouverte et elles seront placées en état d’arrestation
et traduites en justice", a déclaré le porte-parole du ministère de la
Justice, Adel Riahi, à l’AFP, sans préciser les accusations qui
pourraient être retenues alors que l’attentat à la pudeur est passible
de six mois de prison en Tunisie.
L’action des Femen a déclenché la colère d’une foule de passants et
d’avocats qui ont agressé les journalistes présents, en frappant
certains.
Après cette bagarre, des policiers sont intervenus et ont interpellé six
journalistes français et tunisiens travaillant pour l’agence Reuters et
la télé Canal+ notamment, selon le témoignage de l’un d’entre eux,
Mohamed Haddad.
Ils ont refusé de remettre leurs images à la police qui n’était pas en
mesure dans l’immédiat de leur expliquer les motifs de l’interpellation.
"C’est la première action que nous menons dans le monde arabe (...) j’ai
préparé cette équipe internationale à Paris et elles ont été envoyées
hier (mardi) à Tunis", a expliqué à l’AFP par téléphone Inna Shevchenko,
dirigeante de Femen à Paris.
La jeune Femen tunisienne, connue sous le pseudonyme d’Amina Tyler, a
été arrêtée le 19 mai à Kairouan après qu’elle eut peint sur un muret
proche d’un cimetière le mot Femen. Elle est en détention depuis et
risque six mois de prison pour possession d’un spray d’auto-défense.
Elle pourrait aussi être poursuivie pour profanation de cimetière, délit
passible de deux ans de prison.
Amina avait fait scandale en mars en publiant des photos d’elle seins
nus à la manière des Femen, recevant notamment des menaces d’islamistes
radicaux, selon son témoignage.
Ses proches la présentent comme une dépressive chronique suicidaire et
ses parents l’ont longtemps empêchée de sortir de chez elle, arguant de
sa sécurité. Amina, qui accusait sa famille de la séquestrer, a fugué
fin avril, et elle apparaissait depuis régulièrement en public, sans
pour autant se dénuder.
Le mouvement Femen, fondé en Ukraine et désormais basé à Paris, mène
depuis plusieurs années des actions seins nu à travers le monde pour
dénoncer la condition de la femme mais aussi les régimes dictatoriaux.
La Tunisie, dirigée depuis la fin 2012 par un gouvernement dominé par
les islamistes d’Ennahda, dispose de la législation la plus libérale du
monde arabe concernant les droits des femmes mais l’égalité n’y est pas
consacrée.
L’opposition et les associations féministes militent pour l’inscription
de l’égalité des sexes dans la Constitution en cours d’élaboration et
accusent régulièrement Ennahda de remettre en cause les acquis de la
femme.
Ennahda avait notamment fait scandale durant l’été 2012 en proposant que
la future loi fondamentale évoque la "complémentarité" des sexes et non
l’égalité, un projet abandonné depuis.
Dans le dernier brouillon du projet de Constitution, daté d’avril, trois
articles traitent de ce thème. L’article 6 stipule que "tous les
citoyens et citoyennes ont les mêmes droits et devoirs" et le 11 note
que "la femme et l’homme sont associés dans la construction de l’Etat".
L’article 42 souligne que l’État protège "les droits de la femme et
soutient ses acquis (...) garantit l’égalité des chances entre la femme
et l’homme (...) et garantit l’élimination de toutes les formes de
violence à l’égard de la femme".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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