dimanche 19 mai 2013

Tunisie : affrontements entre force de l’ordre et salafistes

Samedi 18 mai, un important dispositif sécuritaire avait été mis en place à Kairouan, haut lieu de l’islam dans le centre de la Tunisie, où devaient se réunir en meeting les djihadistes d’Ansar al-Charia, malgré l’interdiction du gouvernement. La mosquée Okba Ibn Nafaa, où s’était tenu l’an dernier le second congrès annuel d’Ansar al-Charia qui avait réuni quelque 5 000 personnes, est fermée ce dimanche. "C’est la première fois, je crois", pense Cheikh Taieb Ghozzi, principal de la mosquée Okba Ibn Nafaa, d’obédience malékite, qui prêche depuis les années 1980. C’est sur cette même place vide, derrière les remparts de la vieille ville, que l’an dernier, Abou Iyadh de son vrai nom Seifallah Ben Hassine, vétéran d’Afghanistan, avait fait allégeance à Oussama Ben Laden et présentait un programme social basé sur la charia. Il est désormais recherché par les autorités pour son rôle présumé dans l’attaque de l’ambassade américaine de Tunisie, en septembre dernier, qui avait fait quatre morts.
Le gouvernement a récemment durci le ton face aux djihadistes, qu’il accuse d’être en lien avec les événements de Chaambi, près de Kasserine, où une quinzaine d’agents des forces de l’ordre ont été blessés par des mines artisanales. Mais aussi après l’assassinat d’un policier près de Tunis, où les djihadistes sont aussi montrés du doigt. "Il y a eu des pressions de l’opinion publique, mais aussi peut-être de l’appareil sécuritaire sur le gouvernement pour intervenir. Sans oublier que le dialogue national apaise la situation politique et permet à Ennahda de s’attaquer au problème sécuritaire. Mais là, ils ciblent des actions pacifiques comme la prédication", commente Michael Ayari, chercheur à l’International Crisis Group, qui mettait en garde dans un rapport contre une réponse sécuritaire.
La semaine dernière, des tentes de prédication ont été démantelées par les autorités, faute d’autorisation. Des échauffourées ont éclaté. Peu après, de sa cachette, le leader du mouvement djihadiste, Abou Iyadh, lançait un message virulent au gouvernement : "Vous ne combattez pas des jeunes, mais la religion d’Allah. (...) Nos jeunes ont remporté des victoires pour défendre l’islam en Afghanistan, en Tchétchénie, en Irak, en Somalie et en Syrie. Ils n’hésiteront pas à se sacrifier pour la défendre en terre de Kairouan." Seifeddine Erraies, porte-parole du mouvement, déclarait quant à lui qu’aucune demande d’autorisation n’avait été formulée par le mouvement, et que cette dernière venait d’Allah. Une association avait bien tenté de faire la demande auprès du gouverneur, "mais pendant la conférence de presse, ils ont insulté les forces de l’ordre", affirme-t-il. Le gouvernement sera "responsable de toute goutte de sang versée", avait lancé Seifeddine Erraies jeudi, avant d’être, semble-t-il, arrêté la nuit dernière. "Il s’agit d’un mouvement djihadiste qui joue sur la rhétorique anti-système, comme le fait le leader. Mais, d’un autre côté, ils agissent pragmatiquement, comme ils sont en train de le faire sur les pages Facebook", commente Fabio Merone, chercheur italien, spécialiste de la mouvance djihadiste.
"Le gouvernement veut faire croire à la population que ce mouvement est un danger. Mais en quoi des tentes de prédication sont-elles dangereuses ? Il s’agit d’un jeu politique dont l’une des conséquences sera la répression des salafistes djihadistes", craint Bilel Chaouachi, jeune imam djihadiste, qui écume les plateaux télé tunisiens. Prosélytisme, actions caritatives, soins médicaux gratuits... Les jeunes du mouvement sillonnent le pays pour aller à la rencontre de la population. "Ansar al-Charia est une organisation dont la logique est, selon moi, politique. À leurs yeux, ils ont le droit de faire un congrès, comme les autres. Sinon, cela signifie pour eux qu’on les empêche d’exister", analyse Fabio Merone, qui précise que "les négociations se poursuivent en coulisse". Ansar al-Charia en Libye, des djihadistes de Syrie ou encore al-Qaida du Maghreb islamique ont envoyé des messages de soutien au mouvement tunisien.
Tandis que les cheikhs avaient appelé les jeunes d’Ansar al-Charia à reporter le meeting à la semaine prochaine, les djihadistes ont annoncé dimanche que le congrès aurait finalement lieu à Ettadhamen, dans la banlieue ouest de Tunis. Des affrontements ont éclaté vers midi entre policiers et salafistes à la cité Ettadhamen, où les militants d’Ansar al-Charia se sont finalement réunis. Des centaines de salafistes, qui ont érigé des barricades à l’aide de pneus en feu dans les rues de ce quartier, jetaient des pierres sur les policiers, qui répondaient par des tirs de gaz lacrymogènes.

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Le porte-parole des salafistes interpellé
Les forces de sécurité tunisiennes déployées par centaines à Kairouan pour empêcher la tenue du congrès d’un mouvement salafiste, Ansar Ashariaa, ont interpellé dimanche à l’aube le porte-parole de cette organisation, selon des sources concordantes.
L’interpellation du porte-parole, Seifeddine Raïs, a été annoncée par l’organisation salafiste jihadiste sur sa page Facebook, puis confirmée par une source sécuritaire interrogée par l’AFP.
"Il a été interpellé à l’aube alors qu’il faisait un footing devant les policiers", a indiqué la source policière, qui a qualifié le comportement de M. Raïs de "provocation".
Des centaines d’agents des forces de l’ordre et des militaires ont été déployés à Kairouan et aux entrées de la ville pour empêcher coûte que coûte la tenue du congrès d’Ansar Ashariaa, un rassemblement interdit par le gouvernement qui l’a qualifié de "menace" pour la sécurité de la Tunisie.
Le dispositif est particulièrement imposant sur la place face à la mosquée Oqba ibn Nafaa, où Ansaar Ashariaa compte rassembler dimanche après 15H00 GMT les 40.000 partisans qu’il revendique.
Partout en ville, des véhicules des forces de l’ordre patrouillent, sirènes hurlantes, avec à bord des agents cagoulés. Les policiers procèdent aussi à de nombreuses fouilles de véhicules.
Ansar Ashariaa, une organisation salafiste jihadiste, a juré de maintenir son congrès malgré son interdiction, laissant craindre une confrontation.
La Tunisie a vu depuis la révolution de 2011 se multiplier les violences orchestrées par la mouvance salafiste. Le pays est aussi déstabilisé par une profonde crise politique et le développement des conflits sociaux face à la misère.
Le parti islamiste au pouvoir Ennahda a longtemps été accusé de laxisme pour avoir toléré les groupuscules salafistes jihadistes. Il a cependant considérablement durci sa position après que seize militaires et gendarmes ont été blessés fin avril-début mai par des mines posées par des groupes armés liés à Al-Qaïda traqués à la frontière avec l’Algérie.

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Les salafistes appellent à un rassemblement près de Tunis
Le mouvement salafiste jihadiste Ansar Ashariaa a appelé ses partisans à se rassembler dimanche dans une banlieue de Tunis, les autorités ayant interdit leur congrès à Kairouan (150 km de Tunis).
"Nous appelons tous nos frères à être présents en grand nombre à la cité Ettadhamen, dans la capitale", a annoncé Ansar Ashariaa sur sa page officielle Facebook.
Un représentant du mouvement salafiste, Sami Essid a ensuite assuré que le congrès du mouvement était en cours dans cette banlieue.
"Notre congrès a lieu à la cité Ettadhamen", a-t-il dit à l’AFP.
M. Essid n’a pas voulu dire clairement si le rassemblement de Kairouan était dès lors annulé et la page Facebook d’Ansar Ashariaa n’a pas non plus donné de précisions à ce sujet.
Selon une habitante d’Ettadhamen, quartier populaire de l’ouest de Tunis et un bastion salafiste, un grand nombre de militants d’Ansar Ashariaa y circulaient en groupes.
Certains étaient armés de bâtons, d’autres d’armes blanches et brandissaient la bannière noire de leur mouvement.
Sur la place du marché, ils scandaient "nous allons à Ettadhamen", a relaté ce témoin.
Le gouvernement tunisien a interdit le congrès d’Ansar Ashariaa le qualifiant de "menace" pour la sécurité du pays. La ville de Kairouan a été bouclée par un impressionnant dispositif sécuritaire.
Malgré l’interdiction, les militants salafistes avaient juré maintenir ce rassemblement laissant craindre une confrontation violente avec les forces de l’ordre.

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