Le richissime Qatar soutient les rebelles syriens opposés au
président Assad. L’enjeu n’est ni politique, ni démocratique, mais
plutôt un gazoduc à destination de l’Europe.
Selon le quotidien britannique Financial Times du 17 mai dernier, le
Qatar aurait, au cours de ces deux dernières années, apporté un soutien
financier de trois milliards de dollars à « la révolte syrienne ». Le
Qatar offre à chaque déserteur du régime Assad une prime de 50 000
dollars. Le Financial Times aurait également recueilli des dizaines de
témoignages sur le rôle du Qatar auprès de chefs rebelles en Syrie et à
l’étranger, mais aussi de fonctionnaires gouvernementaux dans la région
et en Occident.
Les observateurs aiment à plaisanter sur le fait que le l’émir du
Qatar, Hamad bin Khalifa al-Thani, « s’est payé une révolution en
Syrie ». En soutenant les rebelles islamistes dans tout le monde arabe,
l’émir espère devenir une sorte de « Nasser panislamique ».
Toutefois, ce que le Financial Times oublie de dire, c’est que l’émir
du Qatar vise à promouvoir ses intérêts économiques. Comme c’est
souvent le cas au Moyen-Orient, il est question de matières premières et
de pipelines.
Concrètement, il s’agit ici d’un projet de gazoduc qui devrait
traverser l’Arabie saoudite et la Jordanie jusque dans le Sud de la
Turquie. De là, le gaz qatari serait acheminé vers l’Europe occidentale
via le gazoduc Nabucco. Le problème, c’est que le régime de Bachar
al-Assad y est opposé. Ceci explique également pourquoi le gouvernement
turc a soudainement appelé à renverser Assad.
Les projets européens
La majorité du gaz exporté par le Qatar est du gaz naturel liquéfié (LNG, acronyme anglais).
En Amérique du Nord, le marché est saturé, des dizaines de nouveaux
réservoirs de LNG devraient bientôt inonder l’Asie de gaz américain,
avec pour conséquence une chute des prix du gaz naturel sur le marché
asiatique. La seule échappatoire pour le Qatar est la construction d’un
gazoduc vers l’Europe, un projet qui existe depuis 2009 déjà et dans
lequel la Syrie joue un rôle de premier ordre. Ce projet bénéficie par
ailleurs du soutien des politiciens européens, puisqu’il permettrait à
l’Europe de réduire sa dépendance par rapport au gaz russe.
Le gouvernement Assad a cependant refusé de participer au projet. En
effet, les relations entre le Qatar et la Syrie sont tout sauf
paisibles. En juillet 2011, la Syrie a conclu avec l’Iran et l’Irak un
accord stratégique qui prévoit la construction d’un gazoduc qui
acheminerait le gaz iranien vers la Syrie et, de là, vers l’Europe. Cet
accord constitue donc une entrave sérieuse aux projets de l’Europe et du
Qatar. Mais, par chance, c’est juste à ce moment-là qu’éclate la
« révolution » syrienne que le Qatar n’hésite pas à « racheter »...
(Article de Rainer Rupp pour Junge Welt, traduction des camarades du Parti du travail de Belgique.)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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