Les forces du régime ont repris vendredi leurs bombardements des
quartiers rebelles près de Damas et à Alep, théâtre d’une bataille
cruciale dans la guerre en Syrie où l’échec de la diplomatie a poussé le
médiateur international Kofi Annan à la démission. À New York,
l’Assemblée générale de l’ONU doit voter sur une résolution présentée
par des pays arabes pour dénoncer le pilonnage des villes par l’armée et
réclamer une transition politique, une initiative essentiellement
symbolique, mais qui pourrait contribuer à accroître la pression sur le
régime. Malgré l’escalade des violences qui ont fait jeudi 179 morts,
selon une ONG syrienne, des manifestations sont attendues dans le pays à
l’appel de militants anti-régime avec comme slogan "Deir ez-Zor - la
victoire vient de l’Est", une région visée par une offensive
destructrice de l’armée.
Mettant à profit les divisions internationales, le régime reste
déterminé à en finir avec la révolte lancée en mars 2011, et qui s’est
militarisée face à la répression sanglante. L’armée livrait ainsi
bataille aux rebelles dans le quartier de Tadamoun à Damas, voisin du
camp de réfugiés palestiniens de Yarmouk où 21 civils ont été tués la
veille par des tirs d’obus, a affirmé l’Observatoire syrien des droits
de l’homme (OSDH). Des combats ont également éclaté aux abords de
l’aéroport militaire à Marj el-Sultane dans la province de Damas, selon
l’ONG. L’armée avait pris il y a une semaine le contrôle de la capitale
après des combats violents et cherche à nettoyer les poches de
résistance rebelle.
Dans la deuxième ville du pays, Alep, où se joue une bataille cruciale,
le quartier de Salaheddine était de nouveau bombardé par les soldats qui
encerclent ce principal bastion rebelle et plusieurs autres quartiers
de la cité (355 kilomètres au nord de Damas), a ajouté l’ONG. Les
insurgés affirment contrôler la moitié d’Alep. Selon une source de
sécurité, l’armée "observe et teste le système de défense des
terroristes, tente de découvrir leurs cachettes avant de les annihiler
en menant une opération chirurgicale".
Il est très difficile d’avoir une idée claire de la situation militaire
en raison de l’absence de sources indépendantes et des restrictions
imposées aux médias.
En outre, des "dizaines" de civils et de
rebelles ont été tués jeudi dans un quartier de Hama (centre) assiégé
par les forces régulières, selon l’OSDH, les militants dénonçant un
nouveau "massacre". Aucune confirmation indépendante n’a pu être obtenue
dans l’immédiat.
Face à la spirale de violences et à l’échec des efforts en vue d’un
règlement du conflit qui a fait plus de 20 000 morts en 16 mois selon
l’OSDH, le médiateur de l’ONU et de la Ligue arabe Kofi Annan a jeté
l’éponge jeudi, en fustigeant le manque de soutien des grandes
puissances à sa mission. "Je n’ai pas reçu tous les soutiens que la
cause méritait. (...) Il y a des divisions au sein de la communauté
internationale. Tout cela a compliqué mes devoirs", a expliqué Kofi
Annan, qui avait été nommé en février.
Kofi Annan faisait allusion à l’incapacité des 15 pays membres du
Conseil de sécurité de l’ONU à s’unir sur les moyens de régler la crise,
Moscou et Pékin, des alliés du régime de Bashar el-Assad, mettant leur
veto à trois projets de résolutions occidentaux contre le pouvoir
syrien. Il avait proposé un plan de paix en six points prévoyant une
cessation des combats et une transition politique, mais ce plan pourtant
appuyé par le Conseil de sécurité, n’a jamais été appliqué. L’ONU doit
mener des consultations avec la Ligue arabe pour nommer un successeur.
Le régime syrien a regretté cette démission, de même que ses alliés
chinois et russe. Washington a accusé Moscou et Pékin d’en être
responsables. Les divisions vont d’ailleurs ressurgir à l’Assemblée
générale de l’ONU. Le projet de résolution, rédigé par l’Arabie saoudite
avec d’autres pays arabes et appuyé par l’Occident, souligne notamment
l’inquiétude suscitée par les armes chimiques syriennes et appelle à
cesser le bombardement des villes.
Selon des diplomates, cette initiative reflète la frustration de
nombreux pays devant le blocage au Conseil de sécurité. Moscou, qui
accueille vendredi une importante délégation économique syrienne, a
indiqué qu’il voterait contre. Le vote aura une portée essentiellement
symbolique puisque l’Assemblée ne peut émettre que des recommandations.
Mais il pourrait contribuer à accroître la pression sur Damas si les 193
pays membres votent massivement en faveur du texte, qui doit être
adopté à la majorité sans possibilité de veto.
Démission de Kofi Annan : l’’Iran accuse l’Occident
Le ministre iranien des Affaires étrangères, Ali Akbar Salehi, a accusé
l’Occident, notamment les États-Unis, d’être à l’origine de l’échec de
la mission du médiateur international Kofi Annan en Syrie, pays en proie
à un conflit sanglant depuis plus de 16 mois. "L’Occident et certains
pays de la région ne voulaient pas que Annan réussisse dans sa mission. À
chaque fois qu’il cherchait à résoudre la crise, l’Occident créait des
obstacles", a dit Ali Salehi, dont le pays est un allié du régime de
Bashar el-Assad, cité par l’agence officielle Irna.
Selon lui, la démission de Kofi Annan de son poste d’émissaire de l’ONU
et de la Ligue arabe pour la Syrie, annoncée jeudi, est due à
l’intransigeance des États-Unis au sein du Conseil de sécurité de l’ONU
et non à celle de Moscou et de Pékin, également des alliés du régime
syrien, comme Washington l’a affirmé. "L’absence d’unité au Conseil de
sécurité évoquée par monsieur Annan ne concernait pas la Russie ou la
Chine. Les Américains ont détourné (cette accusation) pour la mettre sur
le dos (de Moscou et de Pékin) et cherchent à imposer leurs propres
idées car ils ne veulent pas dire la vérité", a dit Ali Salehi.
Le plan de paix de l’ancien secrétaire général de l’ONU a été accepté
par la Syrie et d’autres pays régionaux mais, selon le ministre iranien,
les États soutenant les rebelles "n’ont pas permis à monsieur Annan de
réussir dans la mise en application de son initiative". Il a émis
l’espoir que le successeur de Kofi Annan travaillera de manière
"indépendante", comme l’avait fait ce dernier, et a averti que tout
médiateur qui s’alignerait sur les Occidentaux "échouerait, car l’autre
partie ne voudra pas coopérer avec lui".
De son côté, l’ayatollah ultraconservateur Ahmad Jannati a déclaré lors
de son prêche à Téhéran que les "États-Unis, Israël, l’Arabie saoudite,
la Turquie et le Qatar travaillent main dans la main pour renverser le
régime". "Qui ne sait pas que vous intervenez directement en Syrie",
a-t-il lancé. Plus tôt, le porte-parole des Affaires étrangères
iraniennes, cité par Irna, a affirmé que la démission de Kofi Annan
était le résultat d’"ingérences" de certains États non identifiés, et a
laissé entendre que l’Iran pourrait désormais jouer un plus grand rôle
dans le règlement du conflit.
Il n’a pas nommé ces pays mais Téhéran accuse l’Arabie saoudite, le
Qatar et la Turquie d’armer les rebelles en Syrie, en collusion avec les
États-Unis et Israël. Washington, pour sa part, accuse l’Iran de
fournir armes et expertise aux forces du régime syrien.
Le HCR doit préparer des "plans d’urgence"
Le Haut Commissariat de l’ONU pour les réfugiés doit mettre sur pied des
"plans d’urgence" en vue d’une éventuelle intensification du conflit
syrien, a déclaré vendredi le patron du HCR, Antonio Guterres. "Le
travail que nous effectuons pour aider les réfugiés" dans les pays
voisins "n’est pas directement lié avec ce qui se passe en Syrie", a
affirmé Antonio Guterres, lors d’une conférence de presse. Mais, a-t-il
souligné, le HCR vient aussi en aide à des réfugiés et déplacés en
Syrie, en collaboration avec le Croissant-Rouge arabe syrien.
Interrogé sur la démission du médiateur international Kofi Annan,
Antonio Guterres a dit : "Espérons qu’une solution (au conflit en
général, NDLR) soit trouvée, mais, bien sûr, nous devons mettre sur pied
des plans d’urgence au cas où la situation vienne à être plus
dramatique." Ces propos interviennent alors que l’organisation s’est
trouvée jeudi dans l’incapacité de faire entrer de l’aide humanitaire à
Alep, toujours en proie à des violences meurtrières, en raison du
bouclage de la ville par les militaires.
"Il était impossible hier d’envoyer des articles de secours
additionnels, car la ville a été bouclée par les forces militaires", a
déclaré une porte-parole du HCR, Melissa Fleming, lors d’un point de
presse. "Notre équipe dans Alep a aussi fait état d’une absence complète
de couverture pour les téléphones portables et pour Internet", a-t-elle
par ailleurs indiqué. Elle a précisé ne pas savoir quelle était la
situation sur le terrain vendredi. Les civils qui ne peuvent quitter
Alep, deuxième ville de Syrie en proie à de violents combats, continuent
de cherchent refuge dans les écoles, universités et mosquées de la
capitale économique du pays. Selon le HCR, quelque 7 200 personnes ont
trouvé refuge dans 45 écoles et 6 dortoirs.
Les forces du régime ont repris vendredi leurs bombardements des
quartiers rebelles près de Damas et à Alep, théâtre d’une bataille
cruciale dans la guerre en Syrie où l’échec de la diplomatie a poussé
jeudi le médiateur international Kofi Annan à la démission. Pour Antonio
Guterres, toute intensification du conflit risque de se traduire par
"un plus grand nombre de flux de (réfugiés et déplacés) syriens" et de
plus grandes difficultés à avoir accès aux civils. Le HCR est
particulièrement préoccupé par la situation des réfugiés en Syrie.
En un seul jour, environ 700 d’entre eux sont ainsi venus voir le bureau
de l’agence onusienne à Damas pour obtenir de l’aide et des conseils, a
relevé Melissa Fleming. Par ailleurs, l’Agence de l’ONU pour les
réfugiés palestiniens (UNRWA) a confirmé que 20 personnes avaient été
tuées et 10 autres blessées à Yarmouk, dans la région de Damas, selon le
HCR. Toujours à Damas, des groupes armés ont tiré sur les jambes d’un
réfugié soudanais, tandis qu’un jeune réfugié irakien a essuyé des tirs
et est décédé à l’hôpital.
À l’extérieur de la Syrie, le HCR a comptabilisé 40 199 réfugiés en
Jordanie, 35 364 au Liban, 12 409 en Irak et 44 038 en Turquie. En
Turquie, entre 400 à 600 personnes arrivent chaque jour, la plupart
venant d’Alep et des villages voisins. En Irak, le HCR finalise la mise
sur pied d’un deuxième camp de réfugiés.
Des navires de guerre russes vont faire escale en Syrie
Des navires de guerre russe vont effectuer dans les prochains jours une
brève escale dans le port syrien de Tartous, seule base russe en
Méditerranée, a indiqué vendredi une source au sein de l’état-major des
forces armées russes.
Ces bâtiments, qui font des manoeuvres en Méditerranée, vont faire
escale à Tartous à la fin de la semaine ou en début de semaine prochaine
pour se ravitailler en eau et en nourriture, précise cette source citée
par les agences russes. "Nos navires vont entrer à Tartous pour se
ravitailler. Ils vont y passer quelques jours avant de mettre le cap sur
le nord-est de la Méditerranée" pour retourner en Russie, a ajouté
cette source.
La Russie a nié que les manoeuvres de ces navires en Méditerranée
étaient liées à la situation en Syrie - pays auquel Moscou livre des
armes - et a démenti des informations selon lesquelles elle utilise ses
navires pour transporter des armes destinées au régime du président
Bashar el-Assad.
Selon des experts militaires russes, Moscou se
préparerait à évacuer ses ressortissants de Syrie, où les forces du
régime ont repris vendredi leurs bombardements des quartiers rebelles
près de Damas et à Alep.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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