Le 1er mai au soir, l’Assemblée Nationale Constituante a salué le vote
de la nouvelle Loi électorale en entonnant l’hymne national. Après la
promulgation de la Constitution le 27 janvier dernier, il s’agissait du
deuxième chantier vital pour la jeune démocratie tunisienne. Désormais,
les législatives et les présidentielles sont sur les rails, prévues pour
début 2015. Bémol, la Loi électorale n’a bénéficié que de 132 votes en
sa faveur sur un total de 217. On dénombrait 65 absents dans l’hémicycle
du Bardo. La preuve d’un malaise ambiant. Un chiffre qui s’explique par
un article, le n° 167. Il visait à rendre "inéligibles les personnes
qui ont assumé des responsabilités au sein du RCD et au sein du
gouvernement" sous le règne de l’ancien dictateur Ben Ali. L’article 167
n’a pas obtenu la majorité. Les thuriféraires de Ben Ali pourront ainsi
se présenter aux élections grâce notamment aux votes du parti islamiste
Ennahdha. Une bizarrerie politique décidée au 5e étage du QG de
Montplaisir. Sur ordre de leur leader, Rached Ghannouchi, 39 des 89 élus
du parti ont voté en faveur de leurs bourreaux d’hier. Un acte qui rend
furieux certains qui ont fait de la prison sous Ben Ali, au seul motif
qu’ils étaient islamistes. Un homme de l’ombre explique qu’il s’agit de
"la concrétisation d’un accord de longue date". Flashback.
Le 7 novembre 1987, le Président Bourguiba est destitué par un coup
d’Etat médical mené par Ben Ali. Une pléiade de médecins décrète l’homme
de l’indépendance inapte à gérer le pays. Un parti sur-mesure est créé
le 27 février 1988 : le RCD (Rassemblement Constitutionnel
Démocratique). Il sera dissout par la justice le 9 mars 2011. Ce parti
unique quadrillait la Tunisie, ville par ville, quartier par quartier,
rue par rue. Il fallait y adhérer sous peine de représailles. Un petit
commerçant pouvait perdre son pas de porte en refusant sa cotisation au
RCD. La fuite de Ben Ali en Arabie Saoudite le 14 janvier 2011 entraîna
l’effondrement de la façade de cette pieuvre. Trois ans plus tard, ses
ténors recouvrent une superbe à défaut d’une vitrine. Ainsi du destin de
l’ancien secrétaire général du RCD, Mohamed Ghariani. Arrêté le 11
avril 2011, il est libéré le 10 juillet 2013. Après deux mois festifs à
Hammamet, le St Trop tunisien, l’homme adhère à Nidaa Tounes, le parti
dirigé par le vétéran de la vie politique, Beji Caïd Essebsi dit BCE, 87
ans. Il écope d’un vague titre de "conseiller politique". Nidaa Tounes
et Ennahdha sont les deux grands partis en termes de militants et de
financements.
Le coup de pouce de la direction d’Ennahdha aux caciques de l’ancien
régime peut surprendre. Pour la députée Karima Souid, membre du groupe
Al-Massar (gauche), "des discussions sérieuses ont lieu depuis un
certain temps entre Nidaa et Ennahdha et leurs leaders se sont
rapprochés". Elle déplore "que ceux qui ont eu les commandes du pays
depuis la révolution aient retardé la justice transitionnelle" et
termine par un constat au vitriol : "La jeunesse a été complètement
oubliée, méprisée et ignorée". Le come-back des "Rcdistes" en atteste.
La Loi électorale sera promulguée d’ici un mois. Entretemps, l’ISIE,
l’Instance chargée de l’organisation du scrutin, commence son travail.
Mais manque singulièrement de moyens matériels (locaux, ordinateurs...)
et humains. Pour le reste la Loi électorale adoptée hier ressemble à
biens des égards à celle qui a gouverné les élections du 23 octobre
2011 : circonscriptions similaires, parité verticale, pas de restriction
du nombre de listes (plus d’une centaine lors des précédentes)... La
Tunisie emprunte les sentiers des ex-républiques communistes au
lendemain de la chute du mur de Berlin. Des compromis, des alliances
baroques, des jeux de couloirs et d’argent. Un homme d’affaires
conclut : "La Tunisie se roumanise".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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