vendredi 23 mai 2014

Israël/Palestine : Bataille de sites historiques au premier jour de la visite du pape (Michel Colomès)

Dans le contexte de l’affrontement permanent et de la paix toujours impossible entre Juifs et Arabes, aucune visite d’un pape en Terre sainte n’est innocente. Et aucun de ses gestes n’est anodin. Ce sera le cas samedi de la visite de François à Béthanie, le lieu où Jésus a été immergé dans les eaux du Jourdain pour être baptisé par saint Jean-Baptiste. Béthanie se trouve sur la rive est du Jourdain, côté jordanien. Problème : il n’est pas sûr que l’endroit soit vraiment celui où le Christ a été baptisé. Le Nouveau Testament n’est pas précis sur ce point. Si, à l’époque, il était sans doute indifférent que la scène se passe sur la rive est ou sur la rive ouest des eaux boueuses du Jourdain, ce n’est plus le cas dans une région ou Arabes et Israéliens se disputent non seulement la plus petite parcelle de terre mais aussi le moindre signe de légitimité de leurs droits.
Car les Israéliens contestent la thèse jordanienne. Pour eu,x c’est sur la rive ouest du Jourdain qu’ils occupent, au lieu dit Qasr Al-Yahud, c’est-à-dire le château des Juifs, que Jésus a été baptisé. À l’appui de leur thèse, une certaine logique : le Christ venait de Nazareth, donc de la rive ouest de la rivière qui coule du nord au sud. Alors, pourquoi l’aurait-il traversée pour rejoindre Jean-Baptiste ? Une thèse qui a été confortée par la sagesse populaire et des siècles de pèlerinage puisque c’est de ce côté-ci du Jourdain que viennent se recueillir la majorité des touristes et des fidèles désireux d’aller visiter le lieu du baptême de Jésus. Rien que l’année dernière, 430 000 visiteurs sont venus à Qasr Al-Yahud, contre 90 000 à Béthanie. La manne générée par ce tourisme n’est d’ailleurs pas pour rien dans cette querelle de sites entre Israël et la Jordanie.
Le pape, lui, a tranché. Comme d’ailleurs ses deux prédécesseurs qui, au grand dam des Israéliens, étaient venus prier à Béthanie et non à Qasr Al-Yahud. La raison officielle donnée par le Vatican est que de récentes découvertes archéologiques, dans les années 1990, ont permis de découvrir les vestiges d’une église datant du Ve siècle et dont les proportions permettent de conforter le fait qu’elle est bien celle décrite dans les récits des premiers pèlerins chrétiens venus se recueillir sur les lieux du baptême.
Mais la véritable raison n’est-elle pas politique ? Certes, un pèlerinage en Terre sainte implique pour un pape de ménager la susceptibilité israélienne comme la conscience arabe. Mais l’occupation dans des conditions de plus en plus pérennes et humiliantes pour les populations palestiniennes qui y habitent de territoires dont les Nations unies ne manquent jamais de rappeler qu’elle est indue ne peut pas être considérée par le Vatican comme une situation acceptable. En cette période où les interminables négociations entre Israéliens et Palestiniens sont une fois de plus au point mort, les gestes symboliques, a fortiori ceux du pape François, prennent encore plus d’importance. Une raison de plus de privilégier la rive est jordanienne et non les territoires occupés de l’ouest du Jourdain.

(23-05-2014 - Par Michel Colomès)

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