jeudi 22 mai 2014

Syrie : la Russie et la Chine bloquent une résolution française

C’est devenu une dramatique habitude à New York, trois ans après le début de la révolution syrienne. La Russie et la Chine ont mis jeudi leur veto à un projet de résolution français à l’ONU qui prévoyait de saisir la Cour pénale internationale (CPI) des crimes commis en Syrie par les deux camps. Il s’agit du quatrième blocage par les deux pays de résolutions occidentales depuis le début de la crise en Syrie, le précédent datant du 19 juillet 2012. Moscou protège systématiquement son allié syrien de toute pression et Pékin s’aligne généralement sur la position russe.
Le texte, rédigé par la France, était coparrainé par 65 pays, membres du Conseil ou non, dont les membres de l’Union européenne, le Japon et la Corée du Sud et des États africains (Côte d’Ivoire, Sénégal). La Syrie n’ayant pas adhéré à la CPI, c’est le Conseil qui doit décider de saisir la Cour des crimes de guerre et crimes contre l’humanité commis sur son territoire. Il l’a déjà fait pour le Darfour en 2005 et la Libye en 2011. Avant le vote, le secrétaire général de l’ONU Ban Ki-moon avait appelé, dans un message lu par le vice-secrétaire général Jan Eliasson, le Conseil à adopter enfin une position commune sur la Syrie, affirmant que, sinon, "la crédibilité de cet organe continuerait d’en souffrir".
L’ambassadeur français Gérard Araud a prévenu juste avant le vote que si la résolution était bloquée "ce serait une insulte pour des millions de Syriens qui souffrent" et il a dénoncé d’avance "le soutien inconditionnel" de Moscou au régime syrien. Les États-Unis, non membres de la CPI, s’étaient ralliés au texte français après avoir obtenu que leurs soldats ne soient pas soumis à la CPI en cas d’opération autorisée par l’ONU en Syrie, et à condition de ne pas être obligés de payer. Le ministre britannique des Affaires étrangères William Hague s’est déclaré "consterné" par le veto russo-chinois, le jugeant "indéfendable".
Les représentants russe et chinois ont justifié leur veto en affirmant qu’une saisine de la CPI risquait de nuire aux maigres chances de relancer les pourparlers de paix. L’ambassadeur russe Vitali Tchourkine a aussi accusé la France de vouloir "créer un prétexte pour une intervention militaire extérieure dans le conflit en Syrie". Il a évoqué le précédent de l’opération internationale en Libye qui a abouti à la chute de Muammar Kadhafi et a rappelé que le ministre français des Affaires étrangères Laurent Fabius avait critiqué récemment Washington pour avoir renoncé in extremis à une frappe militaire en Syrie.
Son collègue français Gérard Araud a qualifié cette accusation d’"absurdité" et a fustigé le "culot" de Vitali Tchourkine. Il a mis celui-ci au défi de voter un embargo sur les armes à destination de la Syrie, rappelant que Moscou "ne cesse de vendre des armes au régime". Il a aussi rejeté l’autre argument de Moscou en affirmant qu’il n’y avait pour l’instant "pas de perspectives de règlement politique" en Syrie. La Chine "est embarrassée", selon des diplomates occidentaux, mais elle a choisi de ne pas mécontenter la Russie une nouvelle fois après s’être démarquée de Moscou le 15 mars lors du vote d’une résolution occidentale qui dénonçait le référendum séparatiste en Crimée. Moscou avait bloqué le texte, mais Pékin s’était abstenu.
Pour Amnesty International, le blocage "sans pitié" de Moscou et Pékin "risque d’inciter ceux qui commettent des crimes impunément et il montre une nouvelle fois que la communauté internationale abandonne les Syriens à leur sort". Malgré ce veto, les Occidentaux veulent maintenir la pression et l’ampleur des co-parrainages les incite à persévérer, soulignent des diplomates. Une des options est de faire adopter un texte par l’Assemblée générale de l’ONU, où le veto n’existe pas.

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