La visite inédite du patriarche maronite libanais Bechara Raï en Terre
sainte a irrité le Hezbollah, ennemi juré d’Israël pays avec lequel le
Liban est toujours techniquement en guerre.
Cette initiative de Mgr Raï est considérée comme très sensible dans un
pays où chrétiens et musulmans partagent le pouvoir sur fond de
divisions politiques qui n’ont jamais cessé depuis la fin de la guerre
civile (1975-1990).
Même si la communauté chrétienne a perdu de son pouvoir et est devenue
minoritaire au fil des décennies, le Liban est le seul pays du monde
arabe à avoir un président chrétien.
La visite du patriarche est la première d’un dignitaire religieux
libanais en Terre sainte depuis la création de l’Etat d’Israël en 1948,
et coïncidera avec le pèlerinage du pape François à Jérusalem, à
Bethléem et en Jordanie du 24 au 26 mai.
Malgré les tentatives de dissuasion du Hezbollah, qui domine la vie
politique libanaise et prône la lutte armée contre Israël, Mgr Raï a
maintenu son projet.
"Il ne s’agit pas d’une visite politique mais religieuse. Le pape se
rend en Terre Sainte et à Jérusalem. Il va dans le diocèse du
patriarche, c’est normal que le patriarche l’accueille", s’est-il
défendu.
"Il est normal aussi que le patriarche aille visiter les paroisses de
son diocèse", a dit le patriarche maronite d’Antioche et de tout
l’Orient, la communauté maronite comptant quelque 10 000 fidèles en
Terre Sainte.
Mgr Raï ne fera pas partie de la délégation officielle du pape, mais il
accueillera le pontife en Jordanie, à Bethléem et à Jérusalem avant de
visiter aussi la communauté maronite en Galilée (Israël), a précisé à
l’AFP son premier adjoint, l’évêque Boulos Sayyah.
Il ne rencontrera aucun officiel israélien et "aucune coordination" n’a
eu lieu avec les autorités israéliennes pour ce voyage, a-t-il ajouté.
Il verra néanmoins le président palestinien Mahmud Abbas.
La Loi libanaise interdit tout contact avec Israël et les Libanais qui
se rendent dans ce pays sont poursuivis pour haute trahison. Mais des
dérogations existent pour les hommes de religion munis d’autorisations
spéciales.
Le Hezbollah, qui fut le fer de lance de la résistance face à
l’occupation israélienne du Liban sud jusqu’en 2000 et qui a livré six
ans plus tard une guerre à Israël, a mis en garde contre "les
répercussions négatives" de ce voyage.
Deux journaux proches du mouvement ont été plus loin dans leurs
critiques, As-Safir parlant de "péché historique" et de "précédent
dangereux".
Pour un responsable du journal, "ce voyage est le début d’une
normalisation avec Israël et peut encourager d’autres à faire de même",
alors que l’Etat hébreu continue d’occuper Jérusalem-Est.
S’expliquant encore une fois, Mgr Raï a répondu à des journalistes,
qu’il se rendait à Jérusalem "notre ville en tant que chrétiens (...),
pour dire que la ville est arabe et que mon autorité s’étend là bas".
"Les chrétiens sont là depuis 2000 ans (...) alors que la création d’Israël remonte à 1948", souligne-t-il.
Un autre projet de Mgr Raï devrait provoquer le mécontentement du
Hezbollah, celui de rencontrer des membres d’une ex-milice chrétienne
armée financée par Israël, qui avaient fui en Israël après 2000, et qui
sont considérés dans certains milieux libanais comme des "traîtres".
Mais pour le biographe Antoine Saad, un spécialiste des minorités, la
visite de Mgr Raï montrera aux chrétiens en Terre sainte qu’ils "ne sont
pas abandonnés", alors que ces derniers sont nombreux à émigrer.
Il leur dira de ne pas "avoir peur des pressions israéliennes" et les
"encouragera à ne pas vendre leur terre", a dit M. Saad à l’AFP.
Fadi Abillama, un fonctionnaire de 32 ans, envie même le patriarche. "Sa
visite confirmera l’identité chrétienne des lieux saints (...) En tant
que chrétien, je rêve du jour où je foulerai la terre où le Christ est
né, a vécu et mourut".
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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