Les bureaux de vote ont ouvert lundi en Egypte pour une présidentielle
sans enjeu puisque Abdel Fattah al-Sissi, l’ex-chef de l’armée, est
quasi assuré de remporter face à un unique rival, Hamdeen Sabbahi.
Grand pourfendeur des islamistes, le maréchal de 59 ans, aujourd’hui à
la retraite, dirige déjà de facto le gouvernement intérimaire installé
lorsqu’il a destitué et fait emprisonner il y a 11 mois le président
islamiste Mohamed Morsi.
Et il est extrêmement populaire depuis qu’il a lancé une répression
implacable et sanglante contre les pro-Morsi, notamment les Frères
musulmans.
Pour une majorité d’Egyptiens, M. Sissi est l’homme à poigne qui
ramènera la stabilité après les trois années de "chaos" et de crise
économique ayant suivi la révolte populaire de 2011 contre Hosni
Moubarak.
Mais pour ses détracteurs, l’armée confirmera avec son élection qu’elle a
repris en main le pays après avoir laissé M. Morsi et les islamistes se
brûler les ailes pendant un an d’exercice éphémère du pouvoir.
Le gouvernement intérimaire est déjà considéré par les défenseurs des
droits de l’Homme comme plus autoritaire que celui de M. Moubarak.
Pour justifier leur coup de force du 3 juillet 2013, l’armée et M. Sissi
avaient invoqué les millions d’Egyptiens descendus dans la rue trois
jours plus tôt pour réclamer le départ de M. Morsi, accusé de vouloir
accaparer le pouvoir au profit de ses Frères musulmans et islamiser la
société à marche forcée.
Depuis le 3 juillet, policiers et soldats ont tué plus de 1.400
manifestants pro-Morsi, emprisonné plus de 15.000 Frères musulmans et
autres islamistes présumés, dont plusieurs centaines ont déjà été
condamnés à la peine de mort dans des procès de masse expéditifs.
Une répression qualifiée de sans précédent dans ce pays par les
capitales occidentales et l’ONU, mais applaudie par la grande majorité
des 86 millions d’Egyptiens, chauffés à blanc par les médias qui
alimentent un véritable culte de la personnalité depuis 11 mois.
A tel point que le maréchal, dont les portraits couvrent tous les murs depuis des mois, n’a pas eu besoin de battre la campagne.
Il faut dire que son unique rival, le leader de la gauche Hamdeen
Sabbahi, fait bien pâle figure malgré une campagne très active sur le
terrain, et n’est guère en mesure d’empocher un nombre significatif de
voix, selon les experts et diplomates unanimes. Certains le considèrent
comme un faire-valoir, au mieux résigné, au pire consentant, pour une
élection jouée d’avance.
Dans des entretiens fleuves sur les chaînes de télévision, M. Sissi n’a
d’ailleurs pas caché ses intentions, sachant qu’il ne faisait que
conforter les aspirations d’une opinion publique inquiète de la
multiplication des manifestations et attentats.
L’Egypte ne sera "pas prête pour la vraie démocratie avant 20 ou 25
ans", a-t-il asséné sans ciller, une assertion qui revient comme une
antienne dans la bouche de très nombreux Egyptiens de tous les horizons
sociaux.
Et M. Sissi martèle que l’heure n’est plus aux manifestations mais à la
stabilité. Et que celle-ci ne reviendra qu’avec l’éradication des
"terroristes", comme le gouvernement intérimaire et les médias appellent
depuis plusieurs mois les Frères musulmans.
La confrérie islamiste vieille de 86 ans avait pourtant remporté toutes les élections depuis la chute de Moubarak.
Mais le gouvernement intérimaire a décrété la confrérie "organisation
terroriste" et la considère responsable des attentats qui ont tué, selon
les autorités, plus de 500 policiers et soldats depuis l’été.
La plupart de ces attaques sont pourtant revendiquées par deux groupes
jihadistes, Ansar Beït al-Maqdess et Ajnad Misr, qui disent s’inspirer
d’Al-Qaïda et agir en représailles à la sanglante répression visant les
islamistes.
En deux jours de scrutin lundi et mardi, 53 millions d’électeurs sont
appelés aux urnes. Cette présidentielle devrait être suivie de
législatives, probablement vers l’automne.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire