L’arrivée massive de déplacés, notamment d’Alep, a dynamisé l’économie
de la ville syrienne de Lattaquié, qui vivait tranquillement des revenus
de son port, de ses plages en été, et de son commerce.
"Nous les habitants du littoral, sommes plutôt nonchalants. Nous aimons
nous lever tard, siroter notre café, fumer notre narguilé, avant de
travailler.
Mais les Alépins ne peuvent pas vivre sans travailler du
matin au soir", explique Haytham Ahmad, directeur du service de presse
au gouvernorat.
La population de cette ville a doublé avec la présence de près d’un
million de déplacés fuyant les violences de Homs, Idleb et surtout
d’Alep, et la province loyaliste, épargnée par la guerre, connait une
effervescence économique sans pareil.
"Il y a un vrai boom économique. Ils font bouger les choses et des
chômeurs ont retrouvé du travail", assure Sami Soufi, directeur de la
Chambre de commerce et d’industrie.
"Les Alépins, qui ont la bosse des affaires, sont allés dans la campagne
environnante pour y ouvrir des usines de détergents, de cosmétiques ou
même de conditionnement alimentaire", ajoute-t-il.
Des ateliers de câbles, de fromages, de produits alimentaires ont
également vu le jour dans la périphérie où les loyers sont moins élevés.
Un Alépin, s’étant aperçu qu’il n’y avait en ville qu’un marchand de
kaak, une galette au sésame très populaire au Levant, les fabrique
désormais à grande échelle et les distribue dans toute la province.
Même la production du fameux savon d’Alep, à l’huile d’olive, a déménagé et est exporté par le port vers les États-unis.
La zone industrielle, vide durant des années, affiche complet et les
hangars abritent désormais des ateliers textiles, métallurgiques ou
mécaniques.
Hassan Shobak, qui fabrique des camions citernes et des plateaux pour le
transport des conteneurs, a été le premier à s’y installer après avoir
fermé son entreprise de 4.000 m2 à Alep début 2013.
"Nous avons donné vie à cet endroit désert. Aujourd’hui, j’ai quatre
ateliers mais il n’y plus un seul mètre carré de disponible et les
propriétaires augmentent le loyer", souligne ce patron de 46 ans, qui
emploie 40 ouvriers et écoule sa production en Syrie et dans le monde
arabe.
"Si la municipalité accroit la superficie, nous pourrions créer une
énorme fabrique comme à Alep et je suis sûr que beaucoup d’industriels,
dont les usines ont fermé en raison des troubles, viendraient ici",
ajoute-t-il.
Alep, ancienne capitale économique de la Syrie, est le théâtre depuis
juillet 2012 d’une guerre féroce entre rebelles et forces loyalistes.
Plusieurs quartiers ne sont désormais que ruines, forçant une partie de
la population à gonfler les rangs des près de 7 millions de déplacés
syriens.
Les réfugiés de Homs ne sont pas en reste, se concentrant notamment sur
l’énergie solaire, et ceux d’Idleb sur la mécanique et l’électricité.
Le quartier commercial du centre de Lattaquié est saisi par la même
frénésie. Omar Soumak fabriquait du houmous dans l’est d’Alep, mais
quand sa ville s’est transformée en champ de bataille, il a mis sa
famille dans son pick-up, direction Lattaquié.
"J’ai d’abord vendu des légumes, puis en passant plusieurs fois dans la
rue Anana, j’ai vu que personne ne vendait d’accessoires et de
colifichets", dit ce commerçant de 30 ans debout devant sa camionnette
remplies de serre-tête colorés, de boucles d’oreilles ou colliers en
plastique et autres babioles.
Le tourisme a disparu, mais les complexes balnéaires ont été pris
d’assaut par les réfugiés. Ainsi, les 600 villas autour de la "Plage
bleue", dans le nord de la ville, affichent complet depuis deux ans
malgré les loyers élevés.
Assis sur la plage entre ses deux femmes et ses huit enfants, Mohammad
Sankar, 35 ans, a quitté Alep, il y a vingt mois. "Nous adorons
travailler et faire des affaires. Regardez moi, j’ai quitté ma ville à
cause de la situation sécuritaire et dix jours après mon arrivée j’ai
rouvert ici mon usine de bonbons", confie-t-il.
Il s’est également associé avec un habitant du cru pour lancer une
fabrique de saucisses. "Les affaires vont bien mais évidemment si
l’armée reprend Alep je repars. J’aime la Syrie mais mon coeur est resté
dans ma ville".
Contrecoup de cette arrivée massive, "les prix ont doublé depuis leur
arrivée : les appartements, les loyers des commerces, les aliments, mais
ne nous plaignons pas, les affaires marchent très bien", assure Daad
Jouni, 45 ans, qui travaille dans un magasin de laine.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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