La présidentielle qui devrait porter au pouvoir l’ex-chef de l’armée,
Abdel Fattah al-Sissi, tombeur de l’islamiste Mohamed Morsi, s’achève
mardi en Egypte, mais les autorités semblent redouter un faible taux de
participation, seul enjeu de ce scrutin sans suspense.
Si le gagnant ne fait aucun doute, c’est le nombre de votants qui
servira d’indicateur, et pour tenter de le rehausser, au deuxième et
dernier jour de vote, le gouvernement intérimaire installé par M. Sissi a
donné congé à ses fonctionnaires et prolongé d’une heure l’ouverture
des bureaux de vote mardi.
Lundi soir déjà, de nombreux commentateurs et journalistes dénonçaient
sur les télévisions une faible participation, tandis que tôt mardi,
plusieurs bureaux du Caire étaient déserts, a constaté un journaliste de
l’AFP.
Sissi Le porte-parole du ministère de l’Intérieur a toutefois assuré à
une télévision privée que "les estimations des services de sécurité font
état de 16 millions de votants lundi", soit près du tiers des 53
millions d’inscrits.
Avec ce scrutin, M. Sissi, qui a mené le 3 juillet 2013 le coup de force
contre le premier président élu démocratiquement du pays, entend
démontrer en Egypte comme à l’extérieur du pays sa légitimité, au moment
même où dans les bastions islamistes s’étalent des affiches qui
proclament : "le seul président légitime, c’est Mohamed Morsi".
Dès le 26 juillet, il appelait le peuple à manifester massivement pour
lui "donner mandat" d’en finir avec les islamistes, après avoir affirmé
destituer et arrêter M. Morsi pour satisfaire au désir de millions de
manifestants ayant défilé fin juin contre lui.
En janvier, le référendum sur une Constitution —une version remaniée à
la marge de celle adoptée sous Morsi— avait viré au plébiscite autour de
sa personne et le nouveau pouvoir s’était félicité d’avoir obtenu une
participation supérieure à celle du scrutin constitutionnel sous
l’islamiste.
Cette présidentielle, où seul un candidat a osé se présenter face à
l’homme fort du plus peuplé des pays arabes, prend elle aussi la forme
d’un plébiscite en Egypte où les portraits de Sissi sont omniprésents.
L’unique rival de M. Sissi, le leader de gauche Hamdeen Sabbahi, déjà à
la peine pour rassembler un nombre conséquent de voix, apparaît comme un
faire-valoir au mieux résigné, au pire consentant, tandis que
l’opposition islamiste a été rayée de la carte politique et les figures
de la jeunesse emprisonnées ou poursuivies en justice.
Les pro-Morsi, qui manifestent régulièrement, sont réprimés dans le sang
—plus de 1.400 morts—, quelque 15.000 personnes ont été arrêtées et des
centaines déjà condamnées à mort au terme de procès expéditifs dénoncés
par la communauté internationale.
Les Frères musulmans de M. Morsi, qui avaient remporté toutes les
élections depuis la révolte de 2011 ayant mis fin à trois décennies de
pouvoir de Hosni Moubarak, ont été accusés des attentats qui se sont
multipliés en représailles à la répression et déclarés "terroristes".
Si les défenseurs des droits de l’Homme dénoncent un pouvoir déjà plus
autoritaire que sous Moubarak — également issu de l’armée comme tous les
présidents égyptiens à l’exception de M. Morsi— la majorité de la
population soutient cette politique sécuritaire implacable, à l’unisson
de médias qui chantent unanimement les louanges de l’armée et de son
ancien chef, l’homme à poigne qui ramènera la "stabilité".
Une stabilité, a déjà dit sans ambages M. Sissi, pour laquelle l’Egypte devra faire des compromis, notamment sur les libertés.
Et de tels arguments portent dans un pays balloté de crise en crise
depuis 2011 et le Printemps arabe, qui a fait fondre la moitié des
réserves en devises, fuir les touristes et grimper inflation et chômage,
notamment chez les jeunes qui constituent la majorité de la population.
Ce sont d’ailleurs eux les grands absents, une nouvelle fois, de ce
scrutin.
Kamal Mohamed Aziz, un électeur de 63 ans, a dit voter pour M. Sissi,
car "il faut une main de fer pour redresser la situation", estimant que
la sécurité était "la priorité numéro un". Saadia Abdel Moti, 65 ans, a
dit attendre de lui qu’il "combatte l’inflation, trouve du travail aux
jeunes et s’occupe de la santé".
Les résultats doivent être annoncés avant le 5 juin, et des législatives devraient suivre, probablement vers l’automne.
(27-05-2014 - Assawra avec les agences de presse)
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