Alors que le gouvernement égyptien menace de recourir à la force pour
mettre un terme aux sit-in des partisans des Frères musulmans au Caire,
ces derniers refusent de céder à la pression malgré l’affaiblissement de
leur direction.
Abrité derrière des sacs de sable sur l’un des sit-in observés par les
partisans de la confrérie depuis la destitution par l’armée du président
Mohamed Morsi il y a un mois, un homme appelle la foule à embrasser la
cause des martyrs. Plutôt qu’un appel aux armes, son message est une
invitation à ne pas avoir peur de la mort.
"Les martyrs ne meurent pas. Ils vont au paradis", crie-t-il à travers
un mégaphone, tandis que certains manifestants soulèvent de faux
cercueils en hommage aux partisans islamistes morts dans la rue.
Confrontés à l’une des plus féroces répressions de leur histoire, les
Frères musulmans font de la rhétorique du martyre une stratégie de
survie.
Depuis l’éviction de Mohamed Morsi, près de 300 personnes ont été tuées,
dont 80 membres de la confrérie islamiste samedi à l’aube, lors d’une
intervention des forces de sécurité.
Ses partisans ont fait savoir qu’ils continueraient à résister jusqu’à
ce que l’ancien président soit rétabli dans ses fonctions.
Dans un communiqué lu à la télévision, le gouvernement de transition mis
en place par les militaires a cependant jugé que ces manifestations
étaient désormais inacceptables, évoquant des "actes de terrorisme" et
des entraves à la circulation.
"Le gouvernement a décidé de prendre toutes les mesures nécessaires pour
faire face à ces risques et pour y mettre un terme", a-t-il annoncé
mercredi, précisant que le ministère de l’Intérieur avait reçu l’ordre
d’agir, "dans le cadre de la constitution et de la loi".
Les autorités ont également traduit en justice mercredi Mohamed Badie,
guide suprême des Frères musulmans, ainsi que deux autres cadres de la
confrérie pour incitation à la violence, selon des sources judiciaires.
Même si certains dirigeants des Frères musulmans se montrent optimistes
sur leur victoire à terme sur les généraux, la situation de la confrérie
n’en apparaît pas moins désespérée aux yeux des observateurs.
La confrérie, qui a renoncé à la violence il y a des décennies, estime
que prendre les armes serait suicidaire sur le plan politique et qu’elle
risquerait d’y perdre sa légitimité morale.
"Ils sont en position de faiblesse. Ils n’ont pas d’autres cartes en
main aujourd’hui", analyse Khalil al Anani, de l’Université britannique
de Durham.
Les Frères musulmans pensent cependant que le nombre croissant de
manifestants tués depuis un mois rendra la position du gouvernement de
plus en plus intenable sur la scène internationale.
"Il ne fait aucun doute que nous sommes en état de siège mais nous les
mettons aussi en état de siège", a déclaré Saad el Hosseini, ancien
gouverneur régional sous la présidence de Mohamed Morsi.
"Ce qui s’est passé samedi est une très très grave leçon", estime-t-il,
avant d’ajouter que les forces de sécurité devraient tuer 100.000
personnes pour mettre un terme aux sit-in. "Je suis optimiste",
poursuit-il.
Les raisons d’être optimiste semblent pourtant limitées, dès lors que
l’on sort des zones de sit-in, gardées par des volontaires armés de
bâtons, de casques et de boucliers en tous genres.
L’opinion publique s’est retournée contre le pouvoir islamiste, une
partie de la population accusant Mohamed Morsi d’avoir tenté de s’ériger
en dictateur pendant sa première année de mandat. Des manifestations
massives organisées le 30 juin à l’appel de l’opposition ont encouragé
l’armée à le destituer.
Le gouvernement s’appuie aujourd’hui sur un appareil sécuritaire en
pleine renaissance, conçu pour réprimer les islamistes, et semble
vouloir maintenir la pression sur les Frères musulmans.
"C’est la phase la plus difficile", reconnaît Farid Ismaïl, responsable
du Parti de la liberté et de la justice (PLJ), émanation des Frères
musulmans.
Même si les Frères musulmans refusent de recourir à la violence, leurs
dirigeants pourraient lâcher prise face à une jeunesse en colère.
Certains se sont dits incapables de freiner les jeunes quand les
manifestations ont dégénéré en violences.
Alors que nombre des dirigeants de la confrérie se trouvent maintenant
en prison, beaucoup s’interrogent sur sa capacité à se redresser. "Les
signaux qui viennent du régime sont effrayants", juge Nathan Brown,
professeur de sciences politiques à l’Université George Washington. "Les
Frères ont du mal à agir parce que les architectes de leur stratégie
politique actuelle sont en prison."
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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