dimanche 27 janvier 2013

Maroc : 55 ans après l’indépendance, le Maroc se dote d’Archives nationales

Plus d’un demi-siècle après son indépendance, le Maroc n’a toujours pas d’archives nationales. Mais celles-ci vont bientôt voir le jour, à Rabat, dans des "locaux provisoires" sous-dimensionnés, un simple "appartement-témoin" selon son directeur, qui porte le projet à bout de bras.
A deux pas des murailles de la capitale, Jamaâ Baïda reçoit dans son bureau de l’ancienne Bibliothèque générale du Protectorat français. "Quand j’ai été nommé il y a deux ans, j’étais seul. Je n’avais ni budget, ni local. Maintenant, les choses avancent petit à petit", explique cet historien à l’AFP.
A l’entrée du bâtiment, des ouvriers s’affairent pour accélérer les travaux. "Archives du Maroc, établissement stratégique", proclame une banderole. Aux murs, la peinture est encore fraîche... quand elle n’est pas à encore à poser.
Mais, coûte que coûte, l’ouverture est programmée pour mars. "Je ne vais pas attendre que tout soit parfait. Des archives non ouvertes au public sont des archives figées", indique le directeur, d’un ton décidé.
Bientôt 57 ans, il est vrai, que le Maroc est indépendant. Pourquoi cette attente ? "Je ne saurais l’expliquer. Un pays devrait savoir que l’organisation de ses Archives est un pilier essentiel d’un Etat moderne", souffle-t-il.
Dans les années 70, selon lui, le Maroc prend acte de ce "maillon manquant", au moment d’appuyer sa revendication sur le Sahara occidental, jusque-là colonie espagnole.
Néanmoins, il s’écoulera encore plus de 30 ans avant l’adoption, en 2007, d’une loi sur les Archives, conformément aux recommandations de l’"Instance équité et réconciliation" (IER), créée par le roi Mohammed VI.
Cette instance chargée de se pencher sur les violations des droits de l’Homme au cours des décennies précédentes a éte amenée à "enquêter mais a eu du mal à travailler", faute d’archives, note M. Baïda.
A sa nomination, en 2011, Jamaâ Baïda se trouve donc confronté à un "chantier énorme". Après requêtes, il obtient cinq postes et des locaux.
Il met par la même la main sur "deux kilomètres linéaires", pour l’essentiel des documents datant du Protectorat et "embrassant des départements divers : politique, eaux et forêts, mines... De quoi plonger dans un patrimoine passionnant pour les archivores", dit-il.
Le reste ? Eparpillés dans les administrations et à l’étranger, soit un travail titanesque avant d’espérer en récupérer une partie, et une partie seulement, faute d’espace.
"Avec nos quelques salles, on pourrait à la rigueur multiplier par quatre ce qu’on a déjà", avance l’historien, qui a réclamé l’octroi de bâtiments plus spacieux auprès du chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane.
D’ici là, Jamaâ Baïda présente les locaux réaménagés à la faveur d’une aide européenne comme un simple "appartement-témoin", devant permettre de sensibiliser le public.
A la faveur de colloques, il assure que sa quête progresse déjà, notamment dans l’administration. "Des personnes ont pris contact pour demander s’il fallait +verser+. Mais je ne voudrais pas qu’on se débarrasse de cartons !", prévient-il.
Preuve concrète de ces progrès, le gouverment vient de décréter chaque 30 novembre "journée des Archives" et, à la tête d’une équipe de 23 personnes, M. Baïda peut aussi compter sur de nouveaux renforts, comme celui d’Khalid Aïch.
Dans la future salle de consultation, masque sur le visage, cet historien de Fès fouille des cartons poussiéreux "trouvés sur une terrasse lors de travaux".
Ces archives-là sont "sauvées" mais "on ne sait pas quel est le sort réservé à plein d’autres, dans des caves humides et froides", ajoute Jamaâ Baïda.
L’historien s’enthousiasme alors à l’idée "de belles pièces, dans les fonds de municipalités, des dahirs (décrets royaux) à la valeur patrimoniale forte". "Il y a aussi des fonds d’archives de la légation allemande à Tanger, des témoignages sur l’époque. Ce genre de trouvaille, c’est le bonheur total !".
Selon lui, la constitution d’Archives est également une étape politique majeure : "L’archive, c’est d’abord la preuve, la transparence. Quand il n’y a pas de preuve et de transparence, il n’y a pas de démocratie, et il n’y a pas d’Etat de droit", résume-t-il.

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