Plus d’un demi-siècle après son indépendance, le Maroc n’a toujours pas
d’archives nationales. Mais celles-ci vont bientôt voir le jour, à
Rabat, dans des "locaux provisoires" sous-dimensionnés, un simple
"appartement-témoin" selon son directeur, qui porte le projet à bout de
bras.
A deux pas des murailles de la capitale, Jamaâ Baïda reçoit dans son
bureau de l’ancienne Bibliothèque générale du Protectorat français.
"Quand j’ai été nommé il y a deux ans, j’étais seul. Je n’avais ni
budget, ni local. Maintenant, les choses avancent petit à petit",
explique cet historien à l’AFP.
A l’entrée du bâtiment, des ouvriers s’affairent pour accélérer les
travaux. "Archives du Maroc, établissement stratégique", proclame une
banderole. Aux murs, la peinture est encore fraîche... quand elle n’est
pas à encore à poser.
Mais, coûte que coûte, l’ouverture est programmée pour mars. "Je ne vais
pas attendre que tout soit parfait. Des archives non ouvertes au public
sont des archives figées", indique le directeur, d’un ton décidé.
Bientôt 57 ans, il est vrai, que le Maroc est indépendant. Pourquoi
cette attente ? "Je ne saurais l’expliquer. Un pays devrait savoir que
l’organisation de ses Archives est un pilier essentiel d’un Etat
moderne", souffle-t-il.
Dans les années 70, selon lui, le Maroc prend acte de ce "maillon
manquant", au moment d’appuyer sa revendication sur le Sahara
occidental, jusque-là colonie espagnole.
Néanmoins, il s’écoulera encore plus de 30 ans avant l’adoption, en
2007, d’une loi sur les Archives, conformément aux recommandations de
l’"Instance équité et réconciliation" (IER), créée par le roi Mohammed
VI.
Cette instance chargée de se pencher sur les violations des droits de
l’Homme au cours des décennies précédentes a éte amenée à "enquêter mais
a eu du mal à travailler", faute d’archives, note M. Baïda.
A sa nomination, en 2011, Jamaâ Baïda se trouve donc confronté à un
"chantier énorme". Après requêtes, il obtient cinq postes et des locaux.
Il met par la même la main sur "deux kilomètres linéaires", pour
l’essentiel des documents datant du Protectorat et "embrassant des
départements divers : politique, eaux et forêts, mines... De quoi
plonger dans un patrimoine passionnant pour les archivores", dit-il.
Le reste ? Eparpillés dans les administrations et à l’étranger, soit un
travail titanesque avant d’espérer en récupérer une partie, et une
partie seulement, faute d’espace.
"Avec nos quelques salles, on pourrait à la rigueur multiplier par
quatre ce qu’on a déjà", avance l’historien, qui a réclamé l’octroi de
bâtiments plus spacieux auprès du chef du gouvernement, Abdelilah
Benkirane.
D’ici là, Jamaâ Baïda présente les locaux réaménagés à la faveur d’une
aide européenne comme un simple "appartement-témoin", devant permettre
de sensibiliser le public.
A la faveur de colloques, il assure que sa quête progresse déjà,
notamment dans l’administration. "Des personnes ont pris contact pour
demander s’il fallait +verser+. Mais je ne voudrais pas qu’on se
débarrasse de cartons !", prévient-il.
Preuve concrète de ces progrès, le gouverment vient de décréter chaque
30 novembre "journée des Archives" et, à la tête d’une équipe de 23
personnes, M. Baïda peut aussi compter sur de nouveaux renforts, comme
celui d’Khalid Aïch.
Dans la future salle de consultation, masque sur le visage, cet
historien de Fès fouille des cartons poussiéreux "trouvés sur une
terrasse lors de travaux".
Ces archives-là sont "sauvées" mais "on ne sait pas quel est le sort
réservé à plein d’autres, dans des caves humides et froides", ajoute
Jamaâ Baïda.
L’historien s’enthousiasme alors à l’idée "de belles pièces, dans les
fonds de municipalités, des dahirs (décrets royaux) à la valeur
patrimoniale forte". "Il y a aussi des fonds d’archives de la légation
allemande à Tanger, des témoignages sur l’époque. Ce genre de
trouvaille, c’est le bonheur total !".
Selon lui, la constitution d’Archives est également une étape politique
majeure : "L’archive, c’est d’abord la preuve, la transparence. Quand il
n’y a pas de preuve et de transparence, il n’y a pas de démocratie, et
il n’y a pas d’Etat de droit", résume-t-il.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire