En trois phrases peintes sur un mur du Caire, un graffiti résume deux
ans de combats, d’espoirs, de désillusions : "2011 : A bas Moubarak.
2012 : A bas le pouvoir militaire. 2013 : A bas le pouvoir des Frères
musulmans".
Dans l’Egypte qui marque vendredi le deuxième anniversaire du début de
la révolte qui fit chuter Hosni Moubarak, la peinture de rue est devenue
le refuge de l’information et de l’art alternatifs.
A deux pas de la désormais célèbre place Tahrir, simples graffitis ou
véritables fresques murales retracent les grandes heures du soulèvement
populaire, rendent hommage à ses héros, décrivent des batailles de rue,
caricaturent les puissants d’hier et d’aujourd’hui.
"Les graffitis sont apparus avec la révolution. Leur contenu est avant
tout politique, mais il change en fonction des événements", raconte
Mohamed Khaled, étudiant à l’institut des beaux-arts du Caire.
"Quand quelque chose se passe, les gens sortent et dessinent, et ensuite on en parle", ajoute-t-il.
Les murs de nombreux bâtiments donnent ainsi l’humeur de la rue
"révolutionnaire", diffusent les mots d’ordre, dénoncent la répression.
Fin 2012, la présidence égyptienne en a fait les frais, peu après que le
chef de l’Etat islamiste Mohamed Morsi eut décidé de se doter
temporairement de pouvoirs exceptionnels.
Armés d’escabeaux et de pots de peinture, les manifestants ont pris
d’assaut le mur d’enceinte du palais pour le recouvrir de caricatures du
président en pharaon, en pyromane ou en mouton.
Les partisans de M. Morsi et des employés du palais ont rapidement
effacé les oeuvres irrévérencieuses, qui continuent toutefois de fleurir
en d’autres endroits de la ville, faisant le bonheur des badauds comme
des touristes.
La mort de 74 personnes lors d’affrontements à l’issue d’un match de
football à Port-Saïd l’an dernier reste un thème récurrent des peintures
murales, avec des portraits stylisés des victimes et des appels à ce
que justice soit faite.
Les murs de blocs de béton utilisés par la police pour barrer certaines
rues lors de manifestations sont mis à profit pour peindre des paysages
en trompe-l’oeil, ou tournés en dérision avec des peintures enfantines.
L’université américaine du Caire, dont les murs ont été largement
utilisés par les peintres, a rendu hommage à l’art de rue en publiant un
calendrier 2013 orné des oeuvres parmi les plus remarquables, dont
certaines ont aujourd’hui disparu.
"La créativité ne cesse de progresser, de même que les matériels et les
produits utilisés, car les gens veulent s’exprimer", affirme Diaa
el-Sayyed, qui a abandonné des études d’informatique pour se lancer dans
cette forme d’art.
Cette liberté aurait été impensable du temps de Hosni Moubarak, mais
elle continue d’irriter les nouvelles autorités, qui font régulièrement
effacer ou recouvrir les graffitis les plus controversés.
Mais les rectangles de peinture blanche toute fraîche en disent tout
aussi long que les oeuvres qu’ils sont sensés masquer, estiment
certains.
"Si l’une de mes oeuvres est effacée, alors je sais qu’elle a provoqué quelque chose", estime Mohamed Khaled.
(23 janvier 2013 - Assawra)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire