Le mystère est enfin levé sur l’étonnante baisse de 50 % du taux de
fécondité des Juifs éthiopiens d’Israël depuis 2000. Après cinq années
de démentis successifs, le gouvernement israélien a admis qu’il avait
instauré un système de contraception des femmes immigrées d’origine
éthiopienne avant leur arrivée en Israël. L’affaire a fait grand bruit
en décembre dernier, après la diffusion par la télévision israélienne
d’un reportage dans l’émission d’éducation Vacuum.
Trente-cinq immigrées éthiopiennes y affirment avoir été forcées
d’accepter, il y a huit ans, une injection de Depo-Provera, un agent
contraceptif de longue durée, au risque de ne pas être autorisées à
pénétrer sur le territoire israélien. "Ils nous disaient qu’il
s’agissait d’un vaccin", raconte une femme interrogée par la journaliste
Gal Gabbay, rapporte le quotidien israélien Haaretz. "Ils nous disaient
que les gens qui ont beaucoup d’enfants souffrent." "Nous leur disions
que nous ne voulions pas l’injection", affirme de son côté Emawayish.
"Nous étions effrayées" (immigrée éthiopienne)
"Ils nous répondaient que si nous n’en voulions pas, nous n’irions pas
en Israël. Et que nous ne serions pas autorisées non plus à accéder au
bureau du Joint [American Jewish Joint Distribution Committee, la plus
grande organisation humanitaire juive, NDLR] et que nous ne
bénéficierions pas d’aides ou de soins médicaux. Nous étions effrayées,
insiste-t-elle. Nous n’avions pas le choix." D’après le reportage,
l’"opération" avait lieu dans des ateliers situés dans des camps de
transit. La pratique était ensuite répétée tous les trois mois après
l’arrivée des femmes dans l’État hébreu.
Des accusations qui, en décembre, ont été formellement démenties par le
Joint. D’après l’organisme, cité par Haaretz, les ateliers de planning
familial faisaient partie des services fournis aux immigrants afin de
leur apprendre à espacer les naissances d’enfants. "Nous ne leur
conseillons pas d’avoir de petites familles", affirmait à l’époque le
Joint. "C’est une question personnelle, mais nous les informons de cette
possibilité."
Volte-face
Même son de cloche du côté du ministère israélien de la Santé, qui jure,
en décembre, "ne pas recommander ou ne pas essayer d’encourager l’usage
du Depo-Provera". Toutefois, le ministère ajoute que, si ces injections
ont réellement été administrées, cela s’est fait sans son consentement.
La diffusion du reportage a en tout cas provoqué l’ire de l’Association
pour les droits civiques en Israël (ACRI), qui, dans une lettre, a
demandé la "fin immédiate" des injections et le lancement d’une enquête.
Six semaines plus tard, le professeur Roni Gamzu, directeur général du
ministère de la Santé, intime l’ordre de mettre un terme à la pratique.
Dans une directive officielle, il demande à tous les gynécologues du
pays de "ne pas renouveler les prescriptions de Depo-Provera pour les
femmes d’origine éthiopienne ou d’autres femmes qui, pour toutes sortes
de raisons, ne comprennent pas les implications de ce traitement". Le
ministère souligne néanmoins que cette consigne "ne constitue pas une
prise de position ni un constat des faits" à propos de cette
contraception forcée.
Discriminations
Pour le porte-parole de l’ACRI, Marc Grey, cette lettre constitue "un
aveu important que ce phénomène a bien existé". Une mauvaise publicité
dont l’État hébreu se serait bien passé. Lui qui a déjà été épinglé en
2012 pour ses campagnes haineuses d’expulsion de réfugiés africains ne
l’avait pas encore été concernant les Juifs falashas (ou Beta Israël),
et donc citoyens israéliens. Longtemps coupés des autres communautés
juives, les Juifs d’Éthiopie n’ont été reconnus comme tels qu’en 1975
par le gouvernement israélien. Celui-ci a organisé, notamment dans les
années 1980 et 1990, deux vastes opérations de rapatriement, permettant à
35 000 d’entre eux de s’installer en Israël.
D’après l’AFP, ils seraient aujourd’hui plus de 120 000, dont 80 000
sont nés en Afrique. Mais ces nouveaux venus doivent affronter d’énormes
différences culturelles et des discriminations au sein de la société
israélienne.
(30 janvier 2013 - Armin Arefi)
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