lundi 12 janvier 2015

Israël/Palestine : Comment Netanyahou s'est invité à la marche républicaine (Armin Arefi)

L'image a fait le tour du monde : la présence dans le même cortège dimanche boulevard Voltaire du Premier ministre israélien Benyamin Netanyahou et du président palestinien Mahmoud Abbas à quelques mètres d'intervalle a été hissée au rang de symbole de l'unité de la communauté internationale en soutien à la France meurtrie. Pourtant, cette scène n'aurait jamais dû avoir lieu. En effet, la chaîne israélienne Channel 2 révèle que François Hollande ne souhaitait pas voir Netanyahou défiler dimanche à ses côtés pour éviter de brouiller le message de la manifestation. Or, d'après les médias israéliens, le Premier ministre israélien se serait lui-même invité à la grand-messe, au nez et à la barbe de l'Élysée qui ne l'avait pas convié.
Personne à Paris n'a oublié les remous provoqués par la précédente visite de Netanyahou en France. Le 31 octobre 2012, le Premier ministre israélien n'a pas hésité à rompre avec les usages diplomatiques en invitant, lors d'une conférence de presse à l'Élysée, les Juifs français à partir en Israël, sept mois après la tuerie de l'école juive d'Ozar-Hatorah. "La place des Juifs de France, c'est d'être en France", lui avait répondu du tac au tac le président français. Qu'importe, dès le lendemain, Benyamin Netanyahou transformait la cérémonie d'hommage aux quatre victimes juives de Mohammed Merah en "meeting électoral", selon les dires de François Hollande en personne, rapportés en 2012 par le Canard enchaîné.
Passablement irrité, le président avait alors accusé, devant des journalistes, le Premier ministre israélien de ne pas avoir été "correct". Deux ans plus tard, à la suite de la tragédie de l'épicerie casher de la porte de Vincennes qui a fait quatre morts, tous juifs, la crainte était grande à Paris de voir de nouveau l'émotion de la communauté être récupérée par le Premier ministre israélien. Surtout que ce dernier avait récidivé dès samedi en rappelant aux Juifs de France, à la télévision israélienne, qu'Israël était "leur foyer". Manuel Valls a eu beau répliquer à son tour que "la place des Juifs de France est en France", rien n'y a fait. D'après les médias israéliens, le chef du gouvernement aurait même chargé dans la foulée un comité ministériel de discuter des moyens d'encourager l'immigration des Juifs français et des Juifs européens. En 2014, la France a été le premier pays d'émigration vers Israël avec plus de 6 600 juifs ayant fait leur aliyah, contre 3 400 en 2013.
Pour éviter un nouveau camouflet sur le sol français, le conseiller diplomatique de François Hollande, Jacques Audibert, a donc signifié samedi à son homologue israélien, Yossi Cohen, le conseiller à la sécurité nationale de Benyamin Netanyahou, le souhait du président français en espérant la compréhension israélienne : pour ne pas importer le conflit israélo-palestinien et exacerber les tensions déjà vives entre musulmans et juifs français, il valait mieux que le Premier ministre israélien ne fasse pas le déplacement, a indiqué une source israélienne bien informée au quotidien Haaretz. De la même manière, le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas ne serait pas convié dimanche. D'ailleurs, celui-ci a rapidement informé, par le biais de son chef de la diplomatie Riyad al-Malki, qu'il ne participerait pas à la marche en raison de certaines circonstances, à commencer par la neige (sic).
Après s'être tout d'abord exécuté, Benyamin Netanyahou a pourtant subitement changé d'avis samedi dans la soirée. Apprenant que ses deux ministres Avigdor Lieberman (Affaires étrangères) et Naftali Bennett (Économie) feraient le déplacement à Paris, il a lui aussi décidé de se joindre à la marche d'hommage. Impensable en effet pour lui de laisser les deux hommes, à la tête chacun d'une liste (d'extrême droite) concurrente à celle du Premier ministre israélien pour les législatives anticipées du 17 mars prochain, occuper le terrain de l'émotion à sa place.
Passablement énervée, la présidence française a alors indiqué que puisqu'il insistait, elle inviterait également le président palestinien Mahmoud Abbas. C'est donc samedi soir, très tard dans la nuit, que la participation des deux dirigeants à la marche républicaine a été annoncée.
Et à la grande surprise de l'Élysée, la venue de Benyamin Netanyahou a été fructueuse. Outre l'indéniable message de paix suscité par sa présence aux côtés de Mahmoud Abbas, le Premier ministre israélien s'est montré irréprochable tant durant le cortège que lors de la cérémonie d'hommage organisée dimanche soir dans la Grande Synagogue de la Victoire à Paris. Saluant "la position très ferme" et la "détermination" de François Hollande et de Manuel Valls contre "le nouvel antisémitisme et le terrorisme", il a déclaré aux 500 000 juifs de France : "Vous avez le droit de vivre en sécurité et en paix dans chaque endroit où vous choisirez de vivre [...] en particulier en France."

(12-01-2015 - Armin Arefi)

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