L'image a fait le tour du monde : la présence dans le même cortège
dimanche boulevard Voltaire du Premier ministre israélien Benyamin
Netanyahou et du président palestinien Mahmoud Abbas à quelques mètres
d'intervalle a été hissée au rang de symbole de l'unité de la communauté
internationale en soutien à la France meurtrie. Pourtant, cette scène
n'aurait jamais dû avoir lieu. En effet, la chaîne israélienne Channel 2
révèle que François Hollande ne souhaitait pas voir Netanyahou défiler
dimanche à ses côtés pour éviter de brouiller le message de la
manifestation. Or, d'après les médias israéliens, le Premier ministre
israélien se serait lui-même invité à la grand-messe, au nez et à la
barbe de l'Élysée qui ne l'avait pas convié.
Personne à Paris n'a oublié les remous provoqués par la précédente
visite de Netanyahou en France. Le 31 octobre 2012, le Premier ministre
israélien n'a pas hésité à rompre avec les usages diplomatiques en
invitant, lors d'une conférence de presse à l'Élysée, les Juifs français
à partir en Israël, sept mois après la tuerie de l'école juive
d'Ozar-Hatorah. "La place des Juifs de France, c'est d'être en France",
lui avait répondu du tac au tac le président français. Qu'importe, dès
le lendemain, Benyamin Netanyahou transformait la cérémonie d'hommage
aux quatre victimes juives de Mohammed Merah en "meeting électoral",
selon les dires de François Hollande en personne, rapportés en 2012 par
le Canard enchaîné.
Passablement irrité, le président avait alors accusé, devant des
journalistes, le Premier ministre israélien de ne pas avoir été
"correct". Deux ans plus tard, à la suite de la tragédie de l'épicerie
casher de la porte de Vincennes qui a fait quatre morts, tous juifs, la
crainte était grande à Paris de voir de nouveau l'émotion de la
communauté être récupérée par le Premier ministre israélien. Surtout que
ce dernier avait récidivé dès samedi en rappelant aux Juifs de France, à
la télévision israélienne, qu'Israël était "leur foyer". Manuel Valls a
eu beau répliquer à son tour que "la place des Juifs de France est en
France", rien n'y a fait. D'après les médias israéliens, le chef du
gouvernement aurait même chargé dans la foulée un comité ministériel de
discuter des moyens d'encourager l'immigration des Juifs français et des
Juifs européens. En 2014, la France a été le premier pays d'émigration
vers Israël avec plus de 6 600 juifs ayant fait leur aliyah, contre 3
400 en 2013.
Pour éviter un nouveau camouflet sur le sol français, le conseiller
diplomatique de François Hollande, Jacques Audibert, a donc signifié
samedi à son homologue israélien, Yossi Cohen, le conseiller à la
sécurité nationale de Benyamin Netanyahou, le souhait du président
français en espérant la compréhension israélienne : pour ne pas importer
le conflit israélo-palestinien et exacerber les tensions déjà vives
entre musulmans et juifs français, il valait mieux que le Premier
ministre israélien ne fasse pas le déplacement, a indiqué une source
israélienne bien informée au quotidien Haaretz. De la même
manière, le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas ne
serait pas convié dimanche. D'ailleurs, celui-ci a rapidement informé,
par le biais de son chef de la diplomatie Riyad al-Malki, qu'il ne
participerait pas à la marche en raison de certaines circonstances, à
commencer par la neige (sic).
Après s'être tout d'abord exécuté, Benyamin Netanyahou a pourtant
subitement changé d'avis samedi dans la soirée. Apprenant que ses deux
ministres Avigdor Lieberman (Affaires étrangères) et Naftali Bennett
(Économie) feraient le déplacement à Paris, il a lui aussi décidé de se
joindre à la marche d'hommage. Impensable en effet pour lui de laisser
les deux hommes, à la tête chacun d'une liste (d'extrême droite)
concurrente à celle du Premier ministre israélien pour les législatives
anticipées du 17 mars prochain, occuper le terrain de l'émotion à sa
place.
Passablement énervée, la présidence française a alors indiqué que
puisqu'il insistait, elle inviterait également le président palestinien
Mahmoud Abbas. C'est donc samedi soir, très tard dans la nuit, que la
participation des deux dirigeants à la marche républicaine a été
annoncée.
Et à la grande surprise de l'Élysée, la venue de Benyamin Netanyahou a
été fructueuse. Outre l'indéniable message de paix suscité par sa
présence aux côtés de Mahmoud Abbas, le Premier ministre israélien s'est
montré irréprochable tant durant le cortège que lors de la cérémonie
d'hommage organisée dimanche soir dans la Grande Synagogue de la
Victoire à Paris. Saluant "la position très ferme" et la "détermination"
de François Hollande et de Manuel Valls contre "le nouvel antisémitisme
et le terrorisme", il a déclaré aux 500 000 juifs de France : "Vous
avez le droit de vivre en sécurité et en paix dans chaque endroit où
vous choisirez de vivre [...] en particulier en France."
(12-01-2015 - Armin Arefi)
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