Les Irakiens ont commencé à voter mercredi pour les élections
législatives, les premières depuis le retrait américain du pays,
entraîné depuis des mois dans une spirale de violences particulièrement
meurtrières. Les bureaux de vote ont ouvert à 7 heures locales (6 heures
à Paris), et fermeront à 18 heures. Quelque 20 millions d’électeurs
sont appelés à se rendre aux urnes.
Le Premier ministre Nouri
al-Maliki, qui brigue un troisième mandat, est donné favori, malgré un
bilan très critiqué et une résurgence des violences qui tuent en moyenne
25 Irakiens par jour depuis le début de l’année. Si son premier mandat
(2006-2010) avait été marqué par une diminution des violences, son
second a vu le nombre d’attentats augmenter, et n’a rien résolu des
problèmes des Irakiens : chômage, corruption et piètres services
publics.
"J’espère qu’il y aura un meilleur gouvernement. Par le passé, nous
avons donné nos voix, mais cela n’a servi à rien. Nous sommes venus pour
que nos voix ne soient pas perdues", explique Hassan Hashim Abdulbaqi,
venu voter avec son épouse dès l’ouverture de son bureau de vote, dans
le centre de Bagdad. Les forces de sécurité seront déployées en nombre
pour prévenir tout attentat notamment des djihadistes sunnites qui
multiplient les attaques contre les forces de sécurité et la communauté
chiite, majoritaire dans le pays et qui domine le gouvernement. "Les
insurgés ne vont pas rester tranquillement assis et dire au
gouvernement : Allez-y, organisez vos élections. Ils vont frapper fort
pour discréditer le gouvernement, discréditer les forces de sécurité, et
si possible décourager les Irakiens de se rendre aux bureaux de vote",
explique John Drake, spécialiste de sécurité pour AKE Group, une société
de consulting.
Malgré les risques, "nous devons voter, peu importe les circonstances.
Celui qui ne vote pas bafoue ses droits et les droits des autres",
affirmait Ahmed Adel, 40 ans, un architecte de Bagdad, la veille du
scrutin. "J’irai voter pour changer la situation, après huit ans
d’échecs économiques et sécuritaires d’un gouvernement à la tête d’un
budget de milliards de dollars", martèle-t-il en référence aux deux
mandats de monsieur Maliki.
Pour convaincre les électeurs, les 9 039 candidats en lice ont tapissé
le pays d’affiches, sur lesquelles chacun joue sur son appartenance
ethnique et confessionnelle, bien plus que sur son programme. Les
tensions entre chiites et sunnites sont devenues un argument politique
instrumentalisé tant par Nouri al-Maliki, un chiite, que par les
djihadistes. Elles alimentent les violences, qui atteignent des niveaux
jamais vus depuis 2008, lorsque l’Irak sortait à peine d’un conflit
confessionnel (2006-2007) qui a fait des dizaines de milliers de morts.
En avril seulement, plus de 750 personnes ont été tuées.
Les insurgés, dont des djihadistes de l’État islamique en Irak et au
Levant (EIIL), tiennent depuis début janvier Fallouja, à moins de 100 km
de Bagdad, et plusieurs quartiers de Ramadi, dans la même province
sunnite d’Al-Anbar.
Nouri al-Maliki a su tirer parti de la crise sécuritaire pour focaliser
l’attention sur la lutte contre les insurgés, tentant de faire oublier
son bilan plus que mitigé. Seul point positif au crédit du Premier
ministre, la production de pétrole a augmenté pour atteindre 3,5
millions de barils par jour. Mais cela ne suffit pas à apaiser la colère
des Irakiens, qui n’ont presque pas vu la couleur de l’or noir dans un
pays rongé par la corruption. En dépit des critiques, Maliki semble
cependant presque assuré de remporter un troisième mandat.
Selon une règle non écrite, le poste de Premier ministre revient à un
chiite, les Kurdes détiennent la présidence et les sunnites la tête du
Parlement. Or, Nouri al-Maliki reste le seul chiite ayant la carrure
pour le poste. Sa coalition, l’Alliance pour l’État de droit, a donc de
bonnes chances de remporter plusieurs des 328 sièges en jeu. Elle n’est
toutefois pas assurée d’obtenir une majorité, d’autres partis chiites,
notamment le bloc loyal à l’influent chef radical chiite Moqtada
al-Sadr, venant la défier dans ses bastions du centre et du sud. Les
négociations pour former un gouvernement risquent donc de prendre de
longs mois. Après les élections de mars 2010, le gouvernement avait
finalement prêté serment en décembre.
(30-04-2014)
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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