jeudi 1 mai 2014

Irak :Vote pour les premières législatives après le retrait américain

Les Irakiens ont commencé à voter mercredi pour les élections législatives, les premières depuis le retrait américain du pays, entraîné depuis des mois dans une spirale de violences particulièrement meurtrières. Les bureaux de vote ont ouvert à 7 heures locales (6 heures à Paris), et fermeront à 18 heures. Quelque 20 millions d’électeurs sont appelés à se rendre aux urnes.
Le Premier ministre Nouri al-Maliki, qui brigue un troisième mandat, est donné favori, malgré un bilan très critiqué et une résurgence des violences qui tuent en moyenne 25 Irakiens par jour depuis le début de l’année. Si son premier mandat (2006-2010) avait été marqué par une diminution des violences, son second a vu le nombre d’attentats augmenter, et n’a rien résolu des problèmes des Irakiens : chômage, corruption et piètres services publics.
"J’espère qu’il y aura un meilleur gouvernement. Par le passé, nous avons donné nos voix, mais cela n’a servi à rien. Nous sommes venus pour que nos voix ne soient pas perdues", explique Hassan Hashim Abdulbaqi, venu voter avec son épouse dès l’ouverture de son bureau de vote, dans le centre de Bagdad. Les forces de sécurité seront déployées en nombre pour prévenir tout attentat notamment des djihadistes sunnites qui multiplient les attaques contre les forces de sécurité et la communauté chiite, majoritaire dans le pays et qui domine le gouvernement. "Les insurgés ne vont pas rester tranquillement assis et dire au gouvernement : Allez-y, organisez vos élections. Ils vont frapper fort pour discréditer le gouvernement, discréditer les forces de sécurité, et si possible décourager les Irakiens de se rendre aux bureaux de vote", explique John Drake, spécialiste de sécurité pour AKE Group, une société de consulting.
Malgré les risques, "nous devons voter, peu importe les circonstances. Celui qui ne vote pas bafoue ses droits et les droits des autres", affirmait Ahmed Adel, 40 ans, un architecte de Bagdad, la veille du scrutin. "J’irai voter pour changer la situation, après huit ans d’échecs économiques et sécuritaires d’un gouvernement à la tête d’un budget de milliards de dollars", martèle-t-il en référence aux deux mandats de monsieur Maliki.
Pour convaincre les électeurs, les 9 039 candidats en lice ont tapissé le pays d’affiches, sur lesquelles chacun joue sur son appartenance ethnique et confessionnelle, bien plus que sur son programme. Les tensions entre chiites et sunnites sont devenues un argument politique instrumentalisé tant par Nouri al-Maliki, un chiite, que par les djihadistes. Elles alimentent les violences, qui atteignent des niveaux jamais vus depuis 2008, lorsque l’Irak sortait à peine d’un conflit confessionnel (2006-2007) qui a fait des dizaines de milliers de morts. En avril seulement, plus de 750 personnes ont été tuées.
Les insurgés, dont des djihadistes de l’État islamique en Irak et au Levant (EIIL), tiennent depuis début janvier Fallouja, à moins de 100 km de Bagdad, et plusieurs quartiers de Ramadi, dans la même province sunnite d’Al-Anbar.
Nouri al-Maliki a su tirer parti de la crise sécuritaire pour focaliser l’attention sur la lutte contre les insurgés, tentant de faire oublier son bilan plus que mitigé. Seul point positif au crédit du Premier ministre, la production de pétrole a augmenté pour atteindre 3,5 millions de barils par jour. Mais cela ne suffit pas à apaiser la colère des Irakiens, qui n’ont presque pas vu la couleur de l’or noir dans un pays rongé par la corruption. En dépit des critiques, Maliki semble cependant presque assuré de remporter un troisième mandat.
Selon une règle non écrite, le poste de Premier ministre revient à un chiite, les Kurdes détiennent la présidence et les sunnites la tête du Parlement. Or, Nouri al-Maliki reste le seul chiite ayant la carrure pour le poste. Sa coalition, l’Alliance pour l’État de droit, a donc de bonnes chances de remporter plusieurs des 328 sièges en jeu. Elle n’est toutefois pas assurée d’obtenir une majorité, d’autres partis chiites, notamment le bloc loyal à l’influent chef radical chiite Moqtada al-Sadr, venant la défier dans ses bastions du centre et du sud. Les négociations pour former un gouvernement risquent donc de prendre de longs mois. Après les élections de mars 2010, le gouvernement avait finalement prêté serment en décembre.

(30-04-2014)

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