jeudi 1 août 2013

Tunisie : La Tunisie tente de surmonter ses contradictions

Deux ans après avoir été à l’origine du "Printemps arabe" mettant fin au règne de Zine ben Ali, la Tunisie est confrontée à la plus grave crise de son histoire et ne parvient pas à retrouver une stabilité politique.
Les militants du parti Ennahda, les islamistes modérés au pouvoir, accusent les formations de l’opposition de chercher à détruire l’organisation gouvernementale et de remettre en cause le résultat d’élections démocratiques.
La contestation à l’égard du pouvoir en place ne cesse de s’accentuer depuis la mort jeudi dernier de l’opposant Mohamed Brahmi, abattu devant chez lui.
Cet assassinat d’une figure de l’opposition laïque au nouveau pouvoir en place à Tunis intervient seulement six mois après celui d’un autre opposant, Chokri Belaïd.
Dans les deux cas, les autorités tunisiennes accusent les militants extrémistes salafistes tandis que l’opposition estime que ces meurtres sont imputables au parti Ennahda.
Selon eux, la formation islamiste a créé depuis son accession au pouvoir un sentiment d’impunité pour les activistes radicaux.
Des manifestations ont commencé à se former vendredi dernier à Tunis, rassemblant quelques centaines de personnes mais le mouvement s’est amplifié pour atteindre près de 20.000 mardi.
Pour l’instant et à l’exception de quelques jets de pierres et de tirs de grenades lacrymogènes par les forces de l’ordre, les choses sont demeurées relativement calmes entre les opposants et les partisans du pouvoir qui se sont eux aussi mobilisés dans la capitale.
Ce regain de tension vient perturber la fragile transition démocratique à l’oeuvre en Tunisie alors que l’assemblée constituante a besoin de quelques semaines supplémentaires pour finaliser un projet de Constitution.
Ce regain de tension est exacerbé par le fait que chaque camp considère être engagé dans une lutte pour sa survie politique et que les crispations se font plus évidentes.
"Ce sont des traîtres, ce sont des mercenaires", peut-on entendre de part et d’autre de la place Bardo à Tunis où les gens se rassemblent dès le lever du soleil depuis quelques jours, chaque camp radicalisant son discours.
Selon Monica Marks, une spécialiste de la Tunisie, les dirigeants en particulier ceux de l’opposition pourraient contribuer à apaiser les tensions en employant un discours plus conciliant. "Au lieu de cela, ils attaquent à la carotide", note-t-elle.
La famille de Mohamed Brahmi a refusé la présence de représentants du gouvernement dirigé par le parti Ennahda dont les adversaires ont promis un enterrement prochain.
Face à la contestation, Ennahda a offert des concessions et s’est dit ouvert à l’idée d’un nouveau gouvernement mais a en revanche fermé la porte à toute modification de l’assemblée constituante.
Le règne de Zine ben Ali a laissé des stigmates profonds aussi bien chez les islamistes qui furent alors persécutés que chez les opposants de gauche accusés aujourd’hui de collusion avec l’ancien régime.
Malgré les affirmations de l’opposition, les observateurs internationaux estiment ne pas avoir assisté à une radicalisation dans le pays au cours des derniers mois, alors que la Tunisie travaille à l’élaboration de sa nouvelle loi fondamentale.
Pour Monica Marks, les Tunisiens découvrent l’exercice de la démocratie. "Assister à ce processus pour être troublant pour eux et fatigant pour les hommes politiques également", estime-t-elle.
Bien qu’à l’origine du Printemps arabe, les Tunisiens ont fait montre d’une forme de retenue face aux turbulences politiques même si partisans et adversaires du nouveau pouvoir s’affrontent verbalement.

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