Sur le terre-plein de la principale avenue de Qusseir, dans le
centre de la Syrie, trois hommes débroussaillent la mauvaise herbe,
plantent des jeunes palmiers et élaguent les lauriers roses.
Derrière eux, un panneau métallique bleu, signalant à la peinture
blanche "Caisse d’épargne, branche de Qusseir", est criblé de balles et
devant, il ne reste que l’ossature en fer d’une statue en ciment de
Bassel al-Assad, le frère de l’actuel président tué il y a plusieurs
années dans un accident de voiture.
Désertée par la quasi-totalité de ses 50 000 habitants, ce fief rebelle
conquis à l’issue de féroces combats, il y a deux mois, par l’armée
syrienne avec l’aide du Hezbollah, commence timidement à revivre.
L’air bonhomme, assis sur un canapé devant une tasse de thé, la
cigarette aux lèvres, deux policiers en chemise blanche sont armés d’une
tapette anti-mouches. Ils regardent distraitement les quelques voitures
errant dans cette ville fantôme, qui pourrait passer pour paisible sans
les échoppes défoncées et les immeubles détruits et désertés.
"Je plante ces arbres car ils symbolisent la vie et l’amour. Les
terroristes ont détruit notre ville et nous la reconstruisons car je
veux voir reverdir mon pays et les habitants revenir", affirme Fadi, un
tailleur de 50 ans dont l’échoppe est totalement détruite.
Le mot "terroriste" désigne, pour le régime et ses partisans, les
rebelles. Ceux qui sont rentrés dans Qusseir, après la défaite des
insurgés, ne portent pas ces derniers dans leur coeur.
La compagnie d’électricité a tiré un câble de haute tension ; les
employés installent des lignes électriques et des lampadaires neufs sur
l’"Allée de l’évacuation" des troupes françaises en 1946.
Des entrailles du bâtiment des télécoms sortent des tuyaux de haut débit
alors que tous les centraux ont été brûlés. "Les terroristes ont tout
détruit 48 heures avant la libération de la ville et les dégâts se
montent à un milliard de livres syriennes" (57 millions de dollars),
assure Mtanios al-Chaer, le nouveau directeur du centre, l’ancien ayant
fui avec les insurgés.
"Nous venons, ajoute-t-il fièrement, d’installer un central de 1200
lignes pour les habitants et les services gouvernementaux et 80 lignes
sont en fonction. Mais avant, sa capacité était bien plus grande".
Personne ne connait exactement le nombre d’habitants ayant regagné la
ville : pas plus de 2000 selon M. Chaer, autour de 600 selon la
présidente de la municipalité, Shaza Murad.
Dans l’ouest de la ville, les quartiers musulmans, ex-fiefs des
rebelles, sont totalement déserts, à l’exception de quelques personnes.
Sur son vélo, Mahmud Ahmad, un fonctionnaire retraité de 74 ans, est
parti remplir deux gallons d’eau à une fontaine. Lui et sa femme,
Futun, n’ont quitté la ville que deux jours, au plus fort des combats.
"Nous n’avons pas d’argent pour louer une maison alors nous sommes
rentrés, même si nous n’avons, ni eau, ni électricité", dit-elle dans sa
cuisine obscure.
Leur voisin, Abdallah Massara, resté aussi, espère que sa famille le
rejoindra après la fête musulmane marquant la fin du Ramadan.
En revanche dans le quartier à majorité chrétienne, dans l’est, la vie
est plus animée. Entre les deux, près de la place de l’Horloge, l’église
grecque-catholique et la Grande Mosquée ont subi des outrages.
Le dôme doré de Mar Elias est perforé et la cloche inutilisable. A
l’intérieur, l’autel en marbre a été brisé, et un tableau représentant
Saint Elie a été partiellement brûlé. Sur les murs, des graffitis
affirment "la Religion de Muhammad vaincra les tyrans et les renégats",
ou "le Hezbollah a libéré cette église".
"Nous avons nettoyé notre église et ensemble nous essayons de la
remettre en état avec nos maigres moyens. Rien n’est arrivé de
l’archevêché mais chaque dimanche un prêtre officie dans la cour",
explique Jafar Nassur, un technicien de 40 ans. Les chrétiens
représentent 10% des habitants.
De l’autre côté de l’avenue, la mosquée est en piteux état. Le minaret
est à moitié détruit et dans la salle de prière des pierres se sont
détachées à cause des bombardements tandis que le sol est jonché de
débris de verre.
"Nous remettons en marche ce que nous pouvons mais pour la
reconstruction il faudra attendre car nous sommes un pays en guerre",
dit le lieutenant-colonel Raëd Abbud, en charge de la sécurité.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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