Les partisans du président islamiste Mohamed Morsi destitué par l’armée
ont appelé lundi à de nouvelles manifestations alors que la police
évoquait une dispersion imminente, mais "graduelle" de leurs sit-in au
Caire à l’expiration d’un ultimatum fixé à la fin du ramadan. À l’aube, à
l’issue des quatre jours décrétés fériés à l’occasion de l’Aïd-el-Fitr,
la fête de fin du ramadan, des milliers d’islamistes étaient barricadés
depuis plus d’un mois avec femmes et enfants sur deux places du Caire.
La communauté internationale, qui a récemment tenté en vain une
médiation, redoute une nouvelle effusion de sang en cas d’intervention
des forces de l’ordre.
De hauts responsables de la police et du ministère de l’Intérieur ont
toutefois affirmé à l’AFP que les policiers allaient d’abord encercler
les sit-in des places Rabaa al-Adawiya et Nahda avant de les disperser
en "plusieurs jours et après "plusieurs sommations". Une fois le siège
entamé, la police attendra "deux ou trois jours avant de se mettre en
mouvement pour disperser les manifestants", selon l’un d’eux. Ils n’ont
pas précisé quand commencerait l’opération et ont assuré dimanche soir
que "la décision n’était pas encore prise".
Sur la place Rabaa, aucune présence policière n’était visible, a
constaté un journaliste de l’AFP, alors que des milliers de partisans du
président déchu achevaient à l’aube les prières nocturnes, derrière des
remparts de fortune, faits de sacs de sable et de briques empilés, et
gardés par des volontaires. L’un d’eux a dit s’attendre à ce que la
police finisse par intervenir par la force. "Nous aurons des martyrs. Le
prix à payer sera élevé, mais la victoire nous attendra au bout du
chemin", a-t-il assuré à l’AFP.
Plus tôt, en réponse aux menaces gouvernementales, Farid Ismaïl, haut
responsable des Frères musulmans, la confrérie de M. Morsi, avait assuré
que "le peuple égyptien poursuivrait sa révolution" pour exiger le
retour du premier président élu démocratiquement du pays. S’adressant
aux "dirigeants du coup d’État" lors d’une conférence de presse sur la
place Rabaa dans la nuit, il avait appelé les Égyptiens à occuper
"toutes les places" du pays, tandis que son mouvement annonçait de
nouvelles manifestations "massives" pour lundi et mardi. Ces appels font
redouter une escalade dans le bras de fer qui oppose les partisans des
Frères musulmans et les nouvelles autorités installées par l’armée à la
suite de la destitution et de l’arrestation de M. Morsi le 3 juillet,
alors que plus de 250 personnes - essentiellement des manifestants
pro-Morsi - ont déjà péri dans des heurts entre pro et anti-Morsi et
entre pro-Morsi et forces de l’ordre depuis fin juin.
Dans la journée de dimanche, plusieurs milliers de pro-Morsi ont ainsi
manifesté pour réclamer le retour du président "légitime" renversé par
"un coup d’État militaire sanglant", conspuant le nouvel homme fort du
pays, le chef de la toute-puissante armée, le général Abdel Fattah
al-Sissi. Les Frères musulmans réclament la libération de Mohamed Morsi
et des principaux dirigeants de la confrérie arrêtés depuis le 3 juillet
- certains seront jugés le 25 août notamment pour incitation au meurtre
- et la restauration du président et de la Constitution suspendue par
les militaires.
Depuis la destitution de Mohamed Morsi à la suite des manifestations
monstres réclamant son départ, le gouvernement intérimaire a promis des
élections pour début 2014 et assuré que les Frères musulmans pourraient
participer à la transition. Mais ces derniers refusent tout dialogue
avec les autorités "illégitimes", tandis que le pouvoir intérimaire,
relayé par la presse quasi unanime, les accuse d’être des "terroristes",
d’avoir stocké des armes automatiques sur les deux places et de se
servir des innombrables femmes et enfants qui s’y trouvent comme
"boucliers humains". Les opposants à Morsi lui reprochent d’avoir
accaparé tous les pouvoirs au seul profit des Frères musulmans et
d’avoir achevé de ruiner une économie déjà exsangue.
Ahmed al-Tayyeb, grand imam d’Al-Azhar, principale institution sunnite
du pays, a appelé dimanche à la réconciliation nationale et assuré qu’il
avait invité toutes les parties à venir négocier un compromis. Il y a
peu de chances que les Frères musulmans acceptent, l’imam al-Tayyeb
ayant ouvertement pris fait et cause pour le général Sissi le 3 juillet.
Pour l’organisation de défense des droits de l’homme International
Crisis Group (ICG), "en l’absence d’un accord politique, le résultat le
plus probable est une impasse prolongée, des heurts à répétition". Mais
"personne ne doit sous-estimer le risque que certains islamistes,
convaincus qu’ils n’auront pas de place dans le processus démocratique,
se tournent vers la violence". Dans le Sinaï, où des combattants
islamistes multiplient les attaques depuis le 3 juillet, l’armée a tué
au moins huit djihadistes dans des raids samedi soir. Mercredi, les
militaires avaient affirmé y avoir tué en un mois "60 terroristes".
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