Les Egyptiens commençaient jeudi à revenir timidement dans les rues
au lendemain de la journée la plus meurtrière de l’histoire récente du
pays marquée par la mort de plus de 460 personnes, notamment dans la
dispersion des manifestants pro-Morsi au Caire.
Après que les violences ont rapidement gagné l’ensemble du pays, un
couvre-feu nocturne a été décrété dans la moitié du pays et l’état
d’urgence, dont la levée avait été un des acquis de la révolte populaire
de 2011, a été déclaré pour un mois.
Aucun incident n’a été signalé dans la nuit et le trafic reprenait
doucement dans la matinée -bien loin toutefois de l’agitation habituelle
de la mégalopole égyptienne-, mais les Frères musulmans, l’influente
confrérie dont est issu le président islamiste déchu Mohamed Morsi, ont
appelé à maintenir la mobilisation, faisant craindre une nouvelle
flambée de violences.
Les autorités intérimaires, installées par les militaires après la
destitution et l’arrestation de l’ex-chef de l’Etat islamiste le 3
juillet, ont prévenu qu’elles ne toléreraient aucun nouveau sit-in ou
nouvelles violences, après avoir salué "la très grande retenue" de la
police.
Preuve de leur détermination, des images aériennes ont montré le village
de tentes des pro-Morsi sur la place Rabaa al-Adawiya en feu, une scène
impressionnante et totalement inédite dans la capitale égyptienne.
Jeudi matin, la mosquée Rabaa, épicentre de la contestation et QG des
derniers dirigeants des Frères musulmans n’ayant pas encore été arrêtés
par les autorités, avait en grande partie brûlé, a constaté un
photographe de l’AFP.
L’intervention des forces de l’ordre a toutefois suscité l’indignation à
travers le monde, la communauté internationale, qui avait tenté une
médiation pour éviter ce bain de sang, condamnant un "massacre" et un
recours "lamentable" à la force.
Le bilan officiel fait état de 464 morts -421 civils et 43 policiers- et
de 3.572 blessés dans tout le pays mais le nombre de victimes pourrait
être bien plus élevé car sur la seule place Rabaa al-Adawiya, principal
point de rassemblement des pro-Morsi au Caire, un journaliste de l’AFP a
dénombré 124 cadavres, la plupart portant des impacts de balles. Les
Frères musulmans, eux, évoquent 2.200 morts et plus de 10.000 blessés.
Dans le pays, où les Egyptiens étaient descendus en masse dans les rues
fin juillet pour "donner mandat" à la toute-puissante armée afin d’en
finir avec le "terrorisme" en référence aux milliers de manifestants
pro-Morsi qui occupaient deux places du Caire depuis un mois et demi,
plusieurs figures d’importance se sont toutefois désolidarisées de
l’opération meurtrière.
Le vice-président Mohamed ElBaradei, prix Nobel de la paix qui avait
apporté sa caution au coup de force des militaires, a démissionné,
disant refuser "d’assumer les conséquences de décisions avec lesquelles
il n’était pas d’accord". Avant lui, l’imam d’Al-Azhar, plus haute
autorité de l’islam sunnite, avait condamné les violences expliquant
n’avoir pas eu connaissance des méthodes que les forces de l’ordre
comptaient employer.
La presse, largement acquise à l’armée, saluait cependant, à l’image du
quotidien gouvernemental Al-Akhbar, "La fin du cauchemar Frères
musulmans", le journal indépendant Al-Chourouq évoquant la "dernière
bataille des Frères", aux côtés de photos montrant des manifestants
armés.
A l’étranger, le Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan a appelé le
Conseil de sécurité de l’ONU à se réunir "rapidement" pour évoquer
l’Egypte, fustigeant l’"hypocrisie" de l’Occident face à ce "très grave
massacre". A Paris, le président François Hollande a convoqué
l’ambassadeur égyptien, après avoir saisi la veille l’ONU.
Autre sujet d’inquiétude à l’étranger, l’attaque durant les violences
mercredi, de plusieurs églises, les militants accusant les pro-Morsi de
mener "une guerre de représailles" contre les coptes, dont le patriarche
avait lui aussi soutenu la décision de l’armée de destituer M. Morsi,
toujours retenu au secret.
Avant la journée de mercredi, les violences entre pro et anti-Morsi et
entre pro-Morsi et forces de l’ordre avaient déjà fait plus de 250 morts
depuis le début fin juin de la contestation anti-Morsi qui a conduit à
sa destitution, essentiellement des manifestants islamistes.
Au lendemain de la dispersion, les autorités ont par ailleurs annoncé
fermer le point de passage vers Gaza pour une durée indéterminée.
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Hollande : tout faire "pour éviter la guerre civile" en Egypte
François Hollande a appelé jeudi à tout mettre "en oeuvre pour éviter la
guerre civile" en Egypte, où de violents affrontements ont fait plus de
460 morts mercredi.
Dans un communiqué, l’Elysée rappelle que le président français a
"convoqué l’ambassadeur d’Egypte pour qu’il transmette à ses autorités
la très grande préoccupation de la France face aux événements tragiques
intervenus dans son pays". "Le chef de l’Etat a affirmé que tout doit
être mis en oeuvre pour éviter la guerre civile", ajoute le texte de la
présidence française.
Lancé le 19 décembre 2011, "Si Proche Orient" est un blog d'information internationale. Sa mission est de couvrir l’actualité du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord avec un certain regard et de véhiculer partout dans le monde un point de vue pouvant amener au débat. "Si Proche Orient" porte sur l’actualité internationale de cette région un regard fait de diversité des opinions, de débats contradictoires et de confrontation des points de vue.Il propose un décryptage approfondi de l’actualité .
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